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Description

Magda Elena Toma, directrice du Forum international des plateformes nationales d'ONG (FORUS, ex-FIP), présente dans cette vidéo (13'16) le point de vue de la société civile sur l'engagement des États pour l'atteinte des Objectifs de Développement Durable à l'horizon 2030. Elle associe aux critiques formulées des recommandations afin d'accroître l'efficacité de ces actions.

Objectifs d’apprentissage :
- Connaître le point de vue de la société civile sur l'engagement des États pour l'atteinte des ODD.
- Comprendre le rôle que peut jouer la société civile pour une meilleure intégration des ODD.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Animation
  • Cours
Niveau
  • Bac
  • Bac+1
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
  • Bac+5
Objectifs de Développement Durable
  • Les 17 ODD
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
société civileODDobjectifs de développement durable
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Contributeurs

Toma Magda Elena

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Appropriation des ODD par les États : le point de vue de la société civile

Magda Elena Toma, Directrice du Forum international des plateformes nationales d'ONG (FORUS)
 

Pour discuter du niveau d'appropriation par les États des objectifs du développement durable et du rôle de la société civile dans ce processus, il est important de noter que l'agenda 2030, bien qu'il soit aligné sur la Déclaration universelle des droits de l'homme ou sur des cadres internationaux relatifs aux droits de l'Homme, il n'est pas contraignant et que les gouvernements ne sont pas tenus à le respecter. Le seul mécanisme de suivi au niveau international des engagements des États et de l'avancement de leur mise en œuvre est le Forum politique de haut niveau des Nations unies, qui est organisé chaque année en juillet à New York. Ce forum global, il est aussi relié à des forums régionaux, qui ont lieu quelques mois auparavant, pour analyser les avancements et préparer le forum global.

Lors de ces forums régionaux et sur le forum global, les pays doivent présenter des rapports sur une base volontaire, en se concentrant sur un nombre limité d'objectifs et en présentant des avancées de manière très succincte, car ils ont seulement 30 minutes pour présenter les avancées. Cela laisse de l'espace à des décisions arbitraires, à des présentations partielles et à des partis pris en termes d'accents mis sur certains objectifs, et en aucun cas ne permet aux pays de présenter de manière globale les avancements et les liens entre les différents objectifs.

En tant qu'acteur de la société civile, nous sommes toujours présents au niveau régional, au niveau global, mais aussi au niveau national : du côté des Etats, non seulement comme acteurs actifs dans la mise en œuvre des objectifs, mais aussi en jouant notre rôle de suivi et d'interpellation des États par rapport aux engagements tenus.

Notre rôle est d'analyser les informations données, de demander la prise en compte de la parole citoyenne et de nous assurer que les engagements pris sont respectés.

Pour illustrer mes propos, je me baserais sur plusieurs ressources : des rapports de la société civile, mais aussi institutionnels, notamment un rapport réalisé cette année par un collectif d'organisations de la société civile, dont Forus, sous son ancien nom FIP, faisait partie. Le rapport s'appelle "Progression de la mise en œuvre des ODD au niveau national" et se concentre sur les rapports présentés par les États en 2017, mais aussi sur les contre rapports présentés par la société civile provenant de ces mêmes pays. Et la deuxième source est constituée par le rapport sur les objectifs de développement durable 2018, présenté à l'été 2008 par les Nations Unies.

Ce rapport a essayé de faire un constat au niveau global sur l'avancement de la mise en œuvre des objectifs, mais rencontre beaucoup de limites et présente une situation alarmante, car nous constatons qu'il n'y a pas assez d'informations pour faire une analyse approfondie, car la plupart des chiffres sont, soit présentés par rapport au début du siècle, soit datent d'au plus tard 2015, ce qui nous laisse comprendre qu'actuellement, nous n'avons pas une analyse exacte de l'avancement de la mise à jour de l'agenda.

Pour regarder les situations dans les différents pays et essayer de comprendre le niveau d'appropriation par les États et les efforts mis en œuvre, nous allons regarder plusieurs aspects liés à l'agenda 2030.

Le premier aspect est l'incorporation du programme de l'agenda 2030 dans les politiques et les cadres nationaux. La majorité des pays présentant des rapports — et notamment pour ceux qui ont présenté en 2017 — font le lien entre les politiques existantes et l'agenda 2030. Mais nous nous rendons compte qu'il y a très peu de politiques nouvelles qui ont été créées pour s'aligner aux ODD et qu'il y a très peu d'efforts déployés par les États pour prendre en compte les aspects transversaux de l'agenda 2030, comme l'universalité, comme le lien avec le changement climatique ou bien le principe de ne laisser personne de côté.

Donc, en tant que meilleures pratiques et recommandations, nous, sociétés civiles, demandons aux États d'intégrer les priorités de l'agenda 2030 dans les politiques et les cadres nationaux. Et nous demandons aussi de lier explicitement la mise en œuvre de chaque ODD aux cadres nationaux et internationaux pertinents relatifs aux droits humains.

Un autre aspect très intéressant à analyser est celui lié au leadership dans la gouvernance et les mécanismes institutionnels. Aujourd'hui, trois ans après l'adoption de l'agenda 2030, nous pouvons constater que de plus en plus de pays ont mis en place des mécanismes, des conseils, des comités, souvent sous tutelle ministérielle, pour suivre la mise en œuvre des objectifs, et dans un nombre limité de cas, avec une implication des parlements.

Néanmoins, l'inclusion des acteurs non étatiques dans ce processus reste très limitée. Et même quand cela est le cas, les acteurs non étatiques sont plutôt invités pour des discussions thématiques, mais n'ont pas accès aux décisions stratégiques et au vrai leadership de ce processus.

Comme meilleures pratiques et recommandations, nous demandons donc l'intégration formelle des acteurs non étatiques dans les structures de la gouvernance, pour contribuer à l'inclusion et à une approche intégrée du processus lié à l'agenda 2030.

Un autre aspect à analyser est celui relatif aux données de référence et à l'analyse des lacunes. Les pays déclarent utiliser des évaluations de politiques ou des données pour informer leurs politiques et leurs approches liées aux ODD, mais en regardant en détail, il y a très peu de précisions par rapport aux résultats de ces évaluations. Il y a donc un besoin de mieux comprendre l'état des données et de la recherche relative à la mise en œuvre de l'agenda 2030, pour faciliter l'examen des politiques du Gouvernement et déterminer donc quelles données manquantes pourraient être fournies par des données complémentaires provenant par exemple des citoyens ou d'organismes de recherche.

Comme meilleures pratiques et recommandations, nous demandons l'évaluation des politiques, la mise à disposition des données de référence pour que le processus soit  transparent et qu'il y ait une clarté sur l'établissement des priorités dans le cadre de l'agenda 2030. Nous demandons aussi que les États travaillent avec une approche basée sur les preuves, sur les résultats et sur les chiffres.

Un autre aspect très important est l'intégration et la cohérence des politiques. Comme je le disais au début de la présentation, lors des rapports annuels, les États se concentrent quasiment toujours sur un nombre limité d'objectifs, ce qui présente les informations de manière partielle. Nous n'avons pas donc une analyse qui comprend les 17 objectifs, qui prend aussi en compte les aspects transversaux de l'agenda, et cela ne permet pas une vraie analyse par rapport à la cohérence des politiques pour le développement durable. Il n'y a pas de lien non plus entre les politiques intérieures et étrangères au niveau des pays pour comprendre quels sont les impacts des différentes actions des pays sur la mise en œuvre des ODD des pays voisins ou des pays partenaires. Et cela est vraiment dommageable, parce que ça ne permet pas une compréhension et une intégration de tous les aspects de l'agenda. Pour aller plus loin, il y a très peu de pays qui, dans leurs analyses et dans leurs rapports présentent les liens avec les accords de Paris concernant le changement climatique ou le Programme d'action d'Addis-Abeba lié au financement pour le développement. Nous demandons donc aux sociétés civiles une évaluation détaillée de tous les ODD en incluant une identification des liens appropriés avec toutes les dimensions du développement durable et en faisant des références aux efforts nationaux et internationaux pour réaliser l'agenda 2030.

Un autre élément qui est extrêmement important et complexe est représenté par l'engagement des parties prenantes dans l'élaboration des priorités nationales, mais aussi dans le processus de suivi et de mise en œuvre des objectifs de développement durable. Car nous parlons bien des États, mais comme mentionné dans le préambule de l'agenda 2030, les États ne sont pas les seuls acteurs responsables pour la mise en œuvre couronnée de succès de ces ambitions : il y a aussi les acteurs non étatiques, et je ferais une mention spéciale bien sûr aux acteurs de la société civile, qui ont un rôle important à jouer et qui ont les capacités de porter les voix des citoyens dans des instances qui sont souvent fermées, très peu accessibles et très peu compréhensibles pour la majorité des personnes.

Dans le rapport présenté par les États, il y a souvent mention à des consultations qui ont lieu, soit pour la définition des priorités, soit pour l'écriture des rapports annuels, mais quand nous essayons de creuser, il y a très peu de détails par rapport au contenu de ces consultations, aux résultats et à l'influence réelle que les acteurs non étatiques ont eu pendant ces consultations.

De plus, ces rapports ne font pas mention à l'environnement propice pour la société civile, car nous sommes bien conscients que dans une majorité des pays, les conditions pour la société civile sont de plus en plus contraignantes. Il y a moins de liberté, ce qui nuit bien sûr au développement du pays et aussi à la réalisation de l'agenda 2030. Néanmoins, nous sommes bien heureux d'informer que la société civile se mobilise de manière très forte au niveau national, régional, international, qu'il y a des consultations et des coalitions d'ONG qui se créent dans énormément de pays et qu'à chaque fois, quand les pays présentent un rapport officiel auprès des Nations unies, des coalitions de la société civile présentent des contre rapports pour équilibrer, pour nuancer ou parfois pour contredire les rapports officiels.

Comme meilleures pratiques et recommandations par rapport à l'inclusion des acteurs non étatiques dans les processus, nous faisons bien sûr appel à des consultations avec les parties prenantes locales, qui peuvent prendre plusieurs formes et nous demandons, pour les organisations de la société civile, un accès à des rôles officiels en garantissant leur participation dans des processus transparents de consultations pour la mise en œuvre des politiques, mais aussi pour l'évaluation et pour le suivi de la mise en œuvre de l'agenda 2030. Et nous demandons aussi un appui spécifique pour l'engagement de la société civile, avec un accent mis sur le développement des capacités de celle-ci, pour pouvoir jouer pleinement son rôle de vrai représentant de la voix citoyenne.

Nous sommes donc pour l'instant contraints d'accepter le fait qu'il y ait un seul mécanisme de suivi officiel qui est le Forum politique de haut niveau, qui de plus, bénéficie de peu d'attention médiatique et cela permet aux États de s'échapper avec un certain immobilisme, inertie, en fonction des cas par rapport à l'agenda 2030. Donc en tant que société civile, nous faisons des efforts constants de mobilisation, d'informations auprès des différents acteurs de la société. Nous cherchons aussi des alliés. Il y a aussi aujourd'hui des coalitions qui se créent avec des universités, des acteurs du secteur privé, afin de nous appuyer mutuellement et de faire aussi ensemble pression sur les États, pour respecter les engagements qui ont été pris, pour la mise en œuvre de l'agenda 2030.