En ligne depuis le 04/04/2025
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Description
Édith Le Cadre, professeure à l'Institut Agro Rennes-Angers, discute dans cette vidéo de la relation entre santé mentale des agriculteurs et agricultrices et agroforesterie. Elle met en évidence les constats faits par les premiers travaux de recherche ayant exploré ce sujet, et en appelle à une évaluation des effets des arbres sur la santé mentale dans le milieu agricole.
Objectifs d'apprentissage :
- Définir les notions de bien-être et de santé mentale
- Identifier les problématiques de santé mentale auxquelles sont aujourd'hui soumis les agriculteurs et agricultrices
- Mettre en relation les enjeux de santé mentale et l'adoption de pratiques d'agroforesterie
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Nature pédagogique
- Cours
Objectifs de Développement Durable
- 15. Vie terrestre
- 3. Bonne santé et bien-être
Thèmes
- Environnement - Santé
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Le Cadre Édith
professeure , Institut agro Rennes Angers
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée d’une vidéo du MOOC UVED « Arbres ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Agroforesterie, bien-être et santé mentale
Edith Le Cadre, Institut Agro Rennes-Angers
J'effectue mes recherches sur l'agroforesterie, et plus particulièrement sur la résilience du fonctionnement de ses systèmes face aux phénomènes climatiques extrêmes. Le concept de résilience ayant de multiples résonances, notamment en psychologie, je vous invite à réfléchir, cette fois-ci ensemble, dans cette vidéo, au lien entre l'agroforesterie et le bien-être.
1. Introduction
Voici un paysage agricole où l'arbre est présent. Ce paysage est beau. Il a été façonné, maintenu par les agriculteurs et agricultrices qui ont vécu et qui vivent dans ce paysage. Les agriculteurs et agricultrices jouent depuis longtemps un rôle important dans la formation et l'entretien de ces paysages ruraux, et leurs pratiques et leurs connaissances expérientielles, nécessairement incarnées, créent une relation très particulière entre eux et la terre. C'est pourquoi le thème du bien-être des agriculteurs et des agricultrices revêt une importance particulière, en raison de la tendance au vieillissement de la population et à l'abandon des exploitations ou au risque d'abandon.
Selon plusieurs études récentes, les résultats montrent que les risques pour la santé mentale et la qualité de vie sont la charge de travail, les finances, le changement climatique et les phénomènes climatiques extrêmes, les lois et réglementations, les normes masculines, pour les agricultrices, la solitude, l'isolement et le manque de soutien. Par ailleurs, l'écart est parfois important entre les aspirations et les réelles opportunités de trajectoire des exploitations agricoles. En effet, certaines logiques de développement agricole laissent peu de marge de manœuvre.
Métiers de l’agriculture : quels risques pour la santé mentale et la qualité de vie ?
Pris dans leur ensemble, tous ces éléments peuvent contribuer à dégrader la qualité de vie, voire la santé mentale des agriculteurs et agricultrices.
2. Définitions
Le bien-être a été évoqué pour la première fois comme un bien non économique par Pigou en 1924. Depuis, l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, le définit comme : "La perception qu'a un individu de sa place dans l'existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lequel il vit et en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes." Le bien-être est une ressource pour la vie quotidienne et est déterminé par les conditions sociales, économiques et environnementales. Le bien-être englobe la qualité de vie et la capacité des personnes et des sociétés à contribuer au monde en lui donnant un sens et un but. Le bien-être d'une société peut être déterminé par la mesure dans laquelle elle est résiliente, c'est-à-dire sa capacité d'action, et est prête à transcender les défis.
Voyons une autre définition, maintenant : la santé. La santé est un état de bien-être physique, mental et social complet. La santé mentale est "un état de bien-être dans lequel une personne réalise ses propres capacités, peut faire face au stress normal de la vie, peut travailler de manière productive et est capable d'apporter une contribution à sa communauté." La santé mentale est fondamentale pour notre capacité collective et individuelle en tant qu'humains à penser, à interagir les uns avec les autres et à profiter de la vie.
Deux types de facteurs affectent le bien-être : les capacités de l'individu à faire face à la vie et les caractéristiques de l'environnement social et naturel de l'individu. C'est à ce titre que nous pouvons nous interroger sur la place de l'arbre dans les systèmes agricoles sur la question du bien-être et de la santé mentale.
3. Santé mentale et agroforesterie
Les systèmes agroforestiers sont des écosystèmes et fournissent un bouquet de services aux humains, appelés services écosystémiques, comme la fourniture d'énergie, d'alimentation. Ces catégories de services sont écrites en noir, à gauche, sur cette figure.
Par ailleurs, de récents travaux s'intéressent aux liens entre la biodiversité comme un des leviers d'adaptation face à des imprévus, autrement dit de résilience. Ce point est déterminant, car l'impact des pratiques agroforestières sur le bien-être humain est un facteur important dans la volonté d'adopter l'agroforesterie. Ces études, moins nombreuses, sont indiquées en bleu, à gauche, sur la figure suivante.
Vous pouvez constater que certains auteurs et autrices ont regardé le lien entre l'agroforesterie et la spiritualité, les interactions physiques, ou le bien-être comme notion subjective. Il existerait donc des liens entre le bien-être et l'agroforesterie.
Cependant, beaucoup de preuves existantes sont basées sur des observations et études d'enquête ou de perception. Dans cette figure, vous avez une analyse des indicateurs utilisés dans 92 autres études pour évaluer le bien-être des agriculteurs et des agricultrices. De ces 92 articles, les auteurs et autrices ont obtenu cette représentation en forme de réseau. Les nœuds, les cercles, représentent des domaines. Ces domaines sont l'agrégation de contenus, d'enquêtes et d'analyses de conversations. La taille du nœud indique le classement global des domaines parmi toutes les études. Les relations sociales sont très fréquentes, tandis que la gouvernance l'est beaucoup moins. Une fois les domaines étudiés, les indicateurs peuvent être décidés pour permettre l'évaluation du bien-être. Les traits représentent les liens présents entre les domaines. Par exemple, entre le domaine économique et la production, qui est relié fortement au domaine pratique. La fréquence des liens dans la même étude est indiquée par l'épaisseur du trait. Ici, très fréquent, dans notre exemple.
Vous pouvez lire comment est évaluée la multidimensionnalité du bien-être à l'aide de la figure en entier. Nous pouvons remarquer que les domaines de santé mentale et attachement sont très faiblement représentés, alors que des liens existent, ce qui revient à dire que ces domaines sont sous-représentés dans les études sur le bien-être et l'agroforesterie. Une des explications serait que les indicateurs ne sont pas adaptés, car ils ne prennent pas en compte des aspects plus subjectifs d'expression des valeurs des agriculteurs et agricultrices, qui peuvent être ancrées dans une tradition et un savoir transmis.
4. Conclusion
Les exploitations agricoles enchevêtrent des relations entre les acteurs humains et non humains dans des réseaux dynamiques et contextuels de pouvoir et de responsabilités. Ce sont des entités économiques qui doivent être conceptualisées dans une dimension élargie à ces rapports humains, non humains et d'attachement. Cette notion d'attachement peut encourager un sentiment positif de connexion et de garde, mais cela peut également avoir pour effet de limiter le changement, avec le récit commun de continuité, agissant parfois pour cimenter des valeurs socio-économiques et environnementales conservatrices.
Repositionner les arbres dans les espaces agricoles, quand cela est possible, peut contribuer à augmenter la résilience de ces espaces et des personnes qui y vivent, mais cela suppose peut-être d'accompagner le développement d'indicateurs et d'approches participatives à la bonne échelle.