En ligne depuis le 19/06/2020
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Description
L'objectif de ce parcours est de découvrir les grandes problématiques actuelles en matière d'environnement. Ces problématiques renvoient d'une part aux limites planétaires et à la capacité des écosystèmes à supporter les pressions qui ont pour principale origine les activités humaines. Le changement climatique et l'érosion de la biodiversité sont au cœur de ces questions. Elles renvoient d'autre part à la finitude des ressources naturelles, comme par exemple les ressources minérales et énergétiques. La question posée est alors celle de l'épuisement de ces ressources, qui requiert à la fois de les gérer au mieux et de les substituer par d'autres ressources, plus renouvelables.
Ce parcours entend apporter des connaissances de base, pour tous les étudiants et ce quel que soit le parcours de formation qu'ils suivent. Il propose en complément des ouvertures disciplinaires pour montrer que ces questions engagent tous les domaines de connaissance et tous les secteurs d'activité de nos sociétés.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+3
- Bac+5
Objectifs de Développement Durable
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 15. Vie terrestre
- 7. Energie propre et d'un coût abordable
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
- Enjeux Climat/Énergie
Types
- Parcours thématique
Mots-clés

La biodiversité : définition, état, scénarios

Regards croisés sur l’enjeu biodiversité

Le climat : définition, état, scénarios

Regards croisés sur l’enjeu climatique

Les ressources naturelles (biologiques, minérales et…

Regards croisés sur la transition énergétique
Sabrina Krief, Professeure au MNHN, responsable du Sebitoli Chimpanzee Project en Ouganda
Jusqu'aux années 60, l'outil est considéré comme étant le propre de l'homme. C'est pour cette raison que lorsque le fameux anthropologue Louis Leakey, dans les gorges de l'Olduvaï en Tanzanie, découvre des ossements humains associés à des outils de pierre, il nomme son spécimen Homo habilis, considérant que ça ne peut être qu'un représentant du genre humain, Homo donc, qu'il a découvert. Quelques mois plus tard, il envoie Jane Goodall, la primatologue, étudier les chimpanzés à Gombe, en Tanzanie, pour essayer de mieux comprendre l'évolution humaine. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsque, quelque temps plus tard, Jane Goodall lui envoie des nouvelles indiquant que les chimpanzés de Gombe utilisent des outils, à savoir des brindilles pour pouvoir attraper des insectes. Ceci remet évidemment en cause sa définition de l'homme et de l'outil, et les préhistoriens et les anthropologues s'attachent à penser que l'industrie lithique, donc celle qui utilise des outils en pierre, reste associée au genre humain.
Pourtant, dans les années 80, Christophe et Edwige Boesch, travaillant dans la forêt Taï en Côte d'Ivoire, mettent en évidence que les chimpanzés utilisent des pierres pour casser des noix. Ceci met bien en exergue le fait que, en fonction des définitions et des disciplines, un outil peut prendre différentes formes. Celle qu'on va utiliser ici est celle qui considère que : Un outil est un objet de l'environnement, détaché de son substrat ou bien attaché, mais manipulable, qui est utilisé pour modifier efficacement la forme, la position ou la condition d'un autre objet, d'un autre organisme ou de l'utilisateur lui-même. Il est porté et manipulé directement par l'utilisateur pendant ou avant son usage et est orienté avec un objectif précis qui est atteint correctement et efficacement grâce à cet outil.
Avec cette définition, on voit qu'il y a une diversité de contextes et d'espèces qui finalement font usage d'outils. Au cours des années de recherche qui vont suivre, on va pouvoir mettre en évidence que des outils sont utilisés par différentes espèces comme, par exemple, des loups, des mangoustes, des éléphants, donc des mammifères vertébrés, à la fois pour se procurer de la nourriture, mais aussi pour chasser, pour se battre, pour se protéger, avoir des activités de maintenance, donc se nettoyer par exemple, et dans le cadre d'interactions sociales. Mais ce qui est le plus étonnant probablement est que non seulement des vertébrés, à la fois dans les airs, sur terre et sous l'eau, comme par exemple des oiseaux, vont faire usage d'outils, mais également des invertébrés. Sous l'eau, on observe que les dauphins peuvent utiliser des éponges pour protéger leur rostre et se procurer de l'alimentation dans les fonds marins sans se blesser, mais également des poulpes qui vont utiliser des coques comme abris et se protéger de prédateurs, ce qui n'est évidemment pas la même chose que le bernardl'hermite qui, lui, va utiliser une coquille, mais l'utiliser de façon constante et dans ce cas-là, on n'a pas affaire à un outil.
Quant aux pierres qui font un peu l'objet des discussions au sein des préhistoriens, des anthropologues et des primatologues, elles sont utilisées dans différents contextes par les primates pour casser des noix, non seulement par les grands singes, mais aussi par les capucins, mais aussi pour la production d'éclats et ce sera aussi une découverte majeure dans les années 2016 qui montre que l'humain n'est pas le seul à produire des éclats et que ce comportement est bien partagé par des espèces animales. Certains comportements relatifs aux pierres restent tout à fait mystérieux, par exemple, celui dans lequel les macaques japonais entrechoquent, accumulent des pierres ou bien encore celui des chimpanzés qui utilisent et accumulent des pierres qu'ils vont lancer contre des troncs.
Donc on voit que la définition de l'outil est complexe et il semble que tous les outils ne se valent pas. Pour essayer d'établir une sorte de gradation dans ces outils, les chercheurs ont mis en évidence qu'il était parfois nécessaire que les utilisateurs comprennent leur tâche, mais aussi qu'il pouvait y avoir un répertoire plus ou moins large d'outils pour chaque espèce, avec une utilisation dans des contextes parfois différents et que la complexité ne se limitait pas uniquement à l'outil, mais également à sa fabrication et donc on pouvait avoir à la fois des proto-outils, mais aussi des associations d'outils et des métaoutils, avec utilisation d'un outil pour en fabriquer un autre par exemple.
Si on prend le cas des chimpanzés, des baguettes sont utilisées à la fois pour se procurer des insectes ou bien le produit de ces insectes, donc des termites, des fourmis ou bien le miel d'abeille, à la fois à partir de nids qui peuvent être extérieurs, mais aussi de nids qui peuvent être souterrains, comme c'est le cas pour les abeilles mélipones. Dans ce cas-là, les chimpanzés vont utiliser des baguettes fines pour sonder et explorer le tour de l'émergence de la galerie des abeilles, puisque le nid n'est pas construit à l'aplomb de cette ouverture, mais est excentré. Ces premiers outils vont servir à sonder, et un second outil va être utilisé pour creuser un tunnel et pouvoir accéder directement au miellat.
Sur ces vidéos, on voit un chimpanzé de Sebitoli en action et on comprend la difficulté, la complexité de la tâche qui est associée à la fabrication de l'outil. Il va d'abord détacher la branche de son substrat, l'utiliser sans vraiment l'effeuiller, puis l'effeuiller. Ensuite, faire usage de force pour perforer le sol et essayer d'atteindre le nid et sur la troisième vidéo, on se rend compte que le chimpanzé va devoir raccourcir son outil pour limiter la flexibilité et avoir plus de force afin d'arriver à son objectif, qui est celui d'atteindre le miellat.
Ces comportements, on le voit, sont complexes, mais ce qui a le plus marqué les dernières années de recherches autour de ces utilisations d'outils, est probablement l'article paru peu de temps avant 2000, en 1999, qui fait référence à des cultures dans le monde animal et tout particulièrement chez les chimpanzés. Cet article compile 151 ans d'observation, qui ont été accumulés sur 7 sites différents par 9 auteurs et met en évidence 65 comportements tout à fait particuliers, parmi lesquels 39 sont vraiment spécifiques et variants à certaines communautés.
En effet, pour qu'un comportement soit décrit comme étant culturel, il ne faut pas qu'il soit universel. Il faut qu'il soit présent et fréquent dans certains groupes sociaux, donc avec un certain taux d'observation, et il ne faut pas que leur absence soit expliquée par des conditions écologiques. De cette façon, on peut décrire pour chaque groupe social un répertoire d'activités qui sera différent du groupe social voisin, et donc pas seulement sur des distances géographiques très longues, mais même dans une même population.
Il ne faut donc pas que l'on puisse observer de déterminisme génétique, pas de déterminisme environnemental. Il faut observer des innovations, des transmissions entre les individus, soit par imitation, apprentissage ou facilitation sociale. Ces utilisations d'outils ou ces comportements doivent être standardisés et diffusés au sein du groupe social et entre les générations. Cette définition met en évidence qu'il peut cependant y avoir quelques exceptions. C'est le cas, par exemple, pour les chimpanzés dont la longueur de la baguette va être ajustée probablement à l'agressivité de la fourmi, lesquelles vont essayer de se mettre le plus loin possible de leur proie qui est agressive et qui va mordre, et donc adapter la longueur de la baguette à des conditions qui peuvent être environnementales malgré tout.
Une étude tout à fait passionnante a été publiée, mettant en évidence un site archéologique du cassage de noix chez les chimpanzés et montrant cette transmission au cours des générations, puisque les objets de pierre qui ont été récupérés possédaient à leur surface des grains d'amidon qui ne venaient pas de plantes utilisées par les humains. On est donc sûr que ce sont des outils de chimpanzés et que ce site de cassage de noix était présent depuis 4 300 ans, donc 200 générations de chimpanzés qui se sont succédé pour utiliser ces outils.
Une des remarques que font les préhistoriens et les anthropologues est que la principale différence, probablement, aujourd'hui qui subsiste entre les cultures humaines et les cultures animales est que la culture humaine est cumulative et donc petit à petit, les objets s'améliorent et évidemment évoluent. Certains primatologues ont mis en avant qu'on voyait aussi ce phénomène exister chez les chimpanzés, par exemple. Ainsi, la baguette peut être utilisée comme un outil pour collecter, tout simplement, mais elle peut aussi être déviée de sa tâche primaire et être utilisée comme pilon ou comme élargisseur et on voit donc des améliorations à partir d'un même substrat.
Il est important aussi de noter que ces comportements culturels ne s'observent pas uniquement dans un contexte alimentaire et donc de survie et donc d'augmenter les ressources que l'animal peut se procurer, elles existent aussi lors de comportements sociaux et, qui plus est, des comportements non matériels. On peut ainsi citer la poignée de main au- dessus de la tête de certains chimpanzés pour s'épouiller, ou encore la danse de la pluie ou les charges des cascades. Et puis, rapporter l'existence de dialectes, tout particulièrement chez les baleines à bosse, qui de plus évoluent au cours du temps et des migrations des animaux.
Au final, on se rend compte que si l'outil et les cultures étaient jusqu'à présent utilisés comme le propre de l'homme, c'est bien partagé avec les autres animaux, mais qu'il serait encore plus intéressant de pouvoir décrire un propre de chaque espèce pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Ces études mettent aussi en évidence un point crucial, à savoir que l'on ne peut compenser la perte d'une partie d'une espèce, d'un groupe social, par la préservation d'un autre groupe social. Si on garde ce processus de préservation, on va perdre la diversité culturelle et donc l'érosion de la diversité de la biodiversité sera associée à une érosion de la diversité culturelle du monde animal.
Contributeurs
BOEUF Gilles
Sorbonne Université
David Bruno
ancien Président , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Shin Yunne
IRD - Institut de Recherche pour le Développement
Ronce Ophélie
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Krief Sabrina
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Laurans Yann
IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales)
Sueur Cédric
Université de Strasbourg (UNISTRA)
Tavernier-Dumax Nathalie
Université de Haute-Alsace (UHA)
Larrere Catherine
Marniesse Sarah
AFD - Agence française de développement
Henin Jeanne
AFD - Agence française de développement
Roturier Samuel
Swynghedauw Bernard
Chartier Denis
Demeulenaere Elise
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
HAINZELIN Etienne
CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement
Gignoux Jacques
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Peylin Philippe
LE TREUT Hervé
Jouzel Jean
Climatologue
Bousquet François
CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement
Planton Serge
climatologue et membre de l'association Météo et Climat
Bopp Laurent
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Watkinson Paul
Ribera Teresa
Lammel Annamaria
Université Paris 8
Guegan Jean-François
Leadley Paul
Roué Marie
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
BRACONNOT Pascale
Hourcade Jean-Charles
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
TULET Pierre
Fleury Cynthia
Bourg Dominique
philosophe et professeur , Université de Lausanne
Bourges Bernard
IMT Atlantique
BLANC Philippe
FILIPOT Jean-François
SCHMITTBUHL Jean
VAITILINGOM Gilles
Cemagref
CURY Philippe
OLIVES Régis
GRIJOL Karine
Véron Jacques
Ined - Institut National d'Études Démographiques
PRADILLON Jean-Yves
Lévêque François
Mines Paris-PSL
Brodhag Christian
Mines Paris-PSL