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Description

L'objectif de ce parcours est de découvrir les grandes problématiques actuelles en matière d'environnement. Ces problématiques renvoient d'une part aux limites planétaires et à la capacité des écosystèmes à supporter les pressions qui ont pour principale origine les activités humaines. Le changement climatique et l'érosion de la biodiversité sont au cœur de ces questions. Elles renvoient d'autre part à la finitude des ressources naturelles, comme par exemple les ressources minérales et énergétiques. La question posée est alors celle de l'épuisement de ces ressources, qui requiert à la fois de les gérer au mieux et de les substituer par d'autres ressources, plus renouvelables.

Ce parcours entend apporter des connaissances de base, pour tous les étudiants et ce quel que soit le parcours de formation qu'ils suivent. Il propose en complément des ouvertures disciplinaires pour montrer que ces questions engagent tous les domaines de connaissance et tous les secteurs d'activité de nos sociétés.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+5
Objectifs de Développement Durable
  • 13. Lutte contre le changement climatique
  • 15. Vie terrestre
  • 7. Energie propre et d'un coût abordable
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
  • Enjeux Climat/Énergie
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
biodiversitéchangement climatiqueanimauxdroitprotection de l'environnementsavoirs traditionnelsingénierie écologiquesantéécologie politiquesociétéagroécologiecarbonegaz à effet de serreprojections climatiquesclimatimpactsressources naturellesfinitudeénergieénergies renouvelablestransition énergétiqueimpacts environnementauxpolitiques publiques
  • S'inspirer du vivant
  • Introduction au droit animal
  • Quelle valeur donner aux animaux vivants ?
  • Ethiques de la protection de la nature : préservation ou conservation
  • Apprendre autrement la protection de la biodiversité
  • Anthropologie et ingénierie écologique : quelle place pour les savoirs écologiques traditionnels ?
  • Le microbiote qui nous habite : un écosystème limité mais particulier
  • Ecologie politique et préservation de la biodiversité
  • Biodiversité en société : appropriations, réinterprétations, contestations d'un terme pluriel
  • Biodiversité et agronomie : l'agroécologie
  • La modélisation comme outils d'intégration des processus écologiques
  • Absorption CO2 par les écosystèmes terrestres et océaniques : bilan global
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Anthropologie et ingénierie écologique : quelle place pour les savoirs écologiques traditionnels ?

Samuel Roturier, Maître de conférences à AgroParisTech

 
L'ingénierie écologique a pour objectif d'optimiser la gestion des ressources naturelles, de restaurer des écosystèmes dégradés ou de piloter des fonctions écologiques ou des services écosystémiques. C'est donc une réponse aux changements écologiques majeurs que sont les pollutions, la surexploitation des ressources, la disparition d'espèces ou encore le changement climatique. Nous allons voir comment ce programme ambitieux résonne avec le champ des recherches sur les relations nature/culture principalement portées par les anthropologues et plus particulièrement avec le mouvement interdisciplinaire des savoirs écologiques traditionnels.

Alors que sont les savoirs écologiques traditionnels ?

Il s'agit du corpus de savoirs, pratiques, croyances et savoir-faire accumulés et transmis de génération en génération sur les relations entre les êtres vivants, dont les hommes, et leur environnement. Ces savoirs peuvent être constitués au sein de communautés locales qui partagent un savoir en commun, comme par exemple des bergers, mais ils vont être surtout revendiqués par des peuples autochtones qui vont ainsi porter la singularité de leur savoir, mais également des rapports qu'ils entretiennent avec la nature à travers ce terme. On parlera ainsi de savoirs locaux et autochtones, notamment dans les grandes plates-formes intergouvernementales comme l'IPBES ou le GIEC, où on utilise l'acronyme ILK pour Indigenous and Local Knowledge. Ce champ de recherche a émergé dans les années 50 chez des anthropologues qui comme Harold Conklin qui a étudié les relations qu'entretenaient les Hanunoo aux Philippines avec leur environnement et la flore, se sont intéressés aux taxinomies autochtones, c'est-à-dire aux classifications que ces peuples premiers faisaient du monde vivant. Ils ont ainsi montré, ces anthropologues, toute l'étendue et toute la précision des savoirs naturalistes des peuples premiers. Par la suite, il a également été démontré que ces savoirs n'étaient pas seulement utilitaristes, mais d'abord et avant tout systématiques. C’est ce que dit Claude Lévi Strauss dans le premier chapitre de "La pensée sauvage" en 1962 où il affirme que les espèces animales et végétales ne sont pas connues pour autant qu'elles sont utiles, elles sont décrétées utiles ou intéressantes parce qu'elles sont d'abord connues. Enfin, dans la lignée des travaux de Fikret Berkes dans les années 1980, de nombreuses recherches empiriques ont pu montrer que ces savoirs écologiques traditionnels étaient une façon de gérer durablement les milieux de telle sorte que les ressources ne soient pas épuisées et puissent servir aux générations futures.

Alors pourquoi mobiliser les savoirs écologiques traditionnels dans l'ingénierie écologique ?

Il est de plus en plus reconnu que pour résoudre des problèmes environnementaux, on ne peut se contenter de solutions descendantes ou dites top-down. En effet, elles sont vouées à l'échec puisque la science, bien qu'elle soit extrêmement puissante pour résoudre des problèmes bien définis, ne peut résoudre seule des problèmes qui vont avoir des causes multiples, des origines diverses et qui vont transcender des disciplines, les disciplines établies classiquement. Dans ces cas-là, il est nécessaire d'utiliser la meilleure connaissance disponible et dans bien des cas, les savoirs écologiques traditionnels ont un temps d'avance sur le savoir scientifique.

Alors voyons à présent, plus concrètement, comment l'ingénierie écologique peut s'inspirer des savoirs écologiques traditionnels. Tout d'abord par l'inventivité et l'efficacité de certains systèmes écologiques mis au point par des communautés locales et autochtones. Prenons l'exemple des Chinampas aztèques qui ont été créés il y a plus de 1000 ans et qui sont des jardins flottants qui possèdent des rendements de productivité extraordinaires. Ils inspirent aujourd'hui, par exemple, la permaculture. Prenons un autre exemple, celui des systèmes de bassins disposés en réseau dans le sud-est de la Chine depuis plus de 2000 ans et qui permettent de recycler les eaux de ruissellement. On voit immédiatement les applications possibles de ces systèmes à l'agriculture et particulièrement dans l'agro écologie, mais ce que l'on doit souligner ici c'est que ces systèmes ont été conçus et mis en place avant l'utilisation des énergies fossiles. Il s'agit donc de s'inspirer de systèmes basés essentiellement sur des processus écologiques et qui ont été mis à l'épreuve du temps.

Dans un même ordre d'idée, l'ingénierie écologique peut s'inspirer des techniques mises au point et expérimentées par d'autres cultures, un autre exemple venant d'Amérique du Sud et plus particulièrement de la forêt amazonienne, celui de la Terra Preta ou "terre noire" en portugais. Cette terre, ce sol d'origine anthropique créé il y a plus de 2500 ans, a été produit par l'accumulation et le mélange de charbon de bois, de déchets organiques, de restes de poteries ou encore de déjections animales et fait de lui un des sols les plus fertiles de la région par rapport aux sols environnants. Il faut également mentionner l'utilisation des techniques d'utilisation du feu utilisées par la plupart des sociétés depuis la préhistoire. Le feu est un outil extrêmement puissant pour l'ingénierie écologique et nécessite une compréhension intime de ses effets sur les végétaux. Bien maîtrisées, ces techniques permettent d'augmenter la présence et l'abondance de certaines espèces, de créer, voire restaurer des habitats, de contrôler des ravageurs, ou encore de limiter les risques d'incendie en brûlant la biomasse combustible. On peut trouver de très nombreux exemples d'utilisation du feu sur tous les grands biomes terrestres des régions tropicales aux régions subarctiques, mentionnons les aborigènes en Australie ou encore les sociétés pastorales en moyenne montagne.

 Alors doit-on pour autant s'arrêter à une approche utilitariste, se contenter d'une approche utilitariste des savoirs écologiques traditionnels et de n'y voir que des sources d'innovation et d'inspiration pour l'ingénierie écologique ?

La réponse est bien entendu : non. Premièrement, la gestion, voire la restauration d'écosystèmes ne peut se faire sans les pratiques qui sont à l'origine de la création de ces milieux et de leur entretien. Deuxièmement, la reconnaissance de l'existence de ces savoirs écologiques traditionnels est d'abord et avant tout importante pour les communautés qui les détiennent. Culturellement, pensons aux langues qui portent ces savoirs, pensons aux mythes qui les accompagnent, mais également socialement et politiquement, puisque reconnaître ces savoirs c'est reconnaître le droit de gestion de ces peuples sur ces territoires, sur ces écosystèmes. C'est donc un argument fort pour préserver la diversité culturelle qui, on le sait, est intrinsèquement liée à la diversité biologique et les populations locales et autochtones sont à ce titre de véritables sentinelles des changements environnementaux.

Alors pour conclure, les sociétés humaines, finalement, pratiquent l'ingénierie écologique depuis des millénaires, et ce n'est seulement depuis l'avènement de l'utilisation des énergies fossiles qu'elle s'en est égarée. Pour ce champ émergeant qu'est l'ingénierie écologique, il est donc extrêmement intéressant de s'inspirer des techniques et des systèmes conçus et testés par les communautés locales et autochtones. C'est également extrêmement intéressant pour les rapports différents qu'entretiennent ces communautés avec leur nature, et cela rejoint la dimension éthique de l'ingénierie écologique. Enfin, il faut s'interroger sur les points de friction entre les savoirs locaux et autochtones et le savoir scientifique. Il faut notamment rester prudent et ne pas avoir une vision naïve de ces savoirs, cela veut dire être capable de les évaluer au regard des nouvelles problématiques et des nouvelles connaissances produites par la science. Inversement, il faut s'interroger sur la validation et la diffusion de ces savoirs par la science qui représentent à la fois une dépossession, mais également une perte d'autonomie et de pouvoir des sociétés qui sont des détentrices de ces savoirs.

 

Contributeurs

BOEUF Gilles

Sorbonne Université

David Bruno

ancien Président , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Shin Yunne

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Ronce Ophélie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Krief Sabrina

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Laurans Yann

IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales)

Sueur Cédric

Université de Strasbourg (UNISTRA)

Tavernier-Dumax Nathalie

Université de Haute-Alsace (UHA)

Larrere Catherine

Marniesse Sarah

AFD - Agence française de développement

Henin Jeanne

AFD - Agence française de développement

Roturier Samuel

Swynghedauw Bernard

Chartier Denis

Demeulenaere Elise

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

HAINZELIN Etienne

CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Gignoux Jacques

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Peylin Philippe

LE TREUT Hervé

Jouzel Jean

Climatologue

Bousquet François

CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Planton Serge

climatologue et membre de l'association Météo et Climat

Bopp Laurent

directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Watkinson Paul

Ribera Teresa

Lammel Annamaria

Université Paris 8

Guegan Jean-François

Leadley Paul

Roué Marie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

BRACONNOT Pascale

Hourcade Jean-Charles

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

TULET Pierre

Fleury Cynthia

Bourg Dominique

philosophe et professeur , Université de Lausanne

Bourges Bernard

IMT Atlantique

BLANC Philippe

FILIPOT Jean-François

SCHMITTBUHL Jean

VAITILINGOM Gilles

Cemagref

CURY Philippe

OLIVES Régis

GRIJOL Karine

Véron Jacques

Ined - Institut National d'Études Démographiques

PRADILLON Jean-Yves

Lévêque François

Mines Paris-PSL

Brodhag Christian

Mines Paris-PSL