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Arbres

UVED - Université Virtuelle Environnement et Développement durable
Description

Ce parcours vous propose de découvrir les arbres, ce qu'ils sont, comment ils vivent, comment ils s'organisent et fonctionnent à différentes échelles d'espaces et de temps, et quels services ils nous rendent.

Objectifs d'apprentissage :

- Décrire les arbres et les identifier
- Expliquer comment les arbres perçoivent et interagissent avec leur environnement
- Nommer les mécanismes permettant aux arbres de s'adapter au changement climatique
- Identifier des pistes pour protéger ou déployer les arbres dans différents milieux (forêts, villes, champs)

 

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences de la Terre
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
Objectifs de Développement Durable
  • 13. Lutte contre le changement climatique
  • 15. Vie terrestre
  • 3. Bonne santé et bien-être
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
arbresforêtsécosystèmes forestierschangement climatiquebiologie végétaletransportspêchedroit
Les arbres : questions irrésolues et place dans l’éthique
Les arbres : questions irrésolues et place dans l’éthique
  • Les arbres : questions et menaces
  • Quelle place pour les arbres dans l'éthique ?
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Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée d’une vidéo du MOOC UVED « Arbres ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.

Quelle place pour les arbres dans l’éthique ?

Quentin Hiernaux, Université libre de Bruxelles

 

1. L’éthique

L'éthique est la branche de la philosophie qui étudie rationnellement des systèmes de valeurs et la manière dont se conduit une société, ce que traditionnellement on appelle sa morale.
L'éthique étudie ce qui est bien ou mal, ce qui est juste ou injuste. Elle entretient des liens étroits avec la politique, qui est la manière dont, collectivement, on va implémenter un système de valeurs à travers un programme. Elle entretient aussi des liens étroits avec le droit, et donc avec le législatif.
L'éthique peut être soit théorique, on appelle ça parfois la méta-éthique, en comparant par exemple différents systèmes de valeurs sur le plan philosophique, soit appliquée à certaines situations concrètes. Là, on parlera, par exemple, d'éthique des affaires, d'éthique médicale, de bioéthique, en fonction des domaines précis dans lesquels on se trouve.

2. Les arbres dans l’éthique occidentale traditionnelle

Notre morale est largement d'inspiration chrétienne. Elle reconnaît uniquement les droits, les devoirs, les responsabilités et les intérêts, et donc la valeur en soi des humains par rapport à d'autres humains qui sont seuls considérés comme des sujets moraux. On appelle ça parfois le chauvinisme moral ou, de façon plus technique, l'anthropocentrisme, puisque l'humain est au centre du système et le reste a tendance à en être exclu.

Ça veut dire que les entités naturelles comme les animaux et les plantes, et donc forcément les arbres, mais aussi toutes les ressources naturelles, n'ont pas de valeur morale en tant que telles, mais plutôt une valeur strictement utilitaire. C'est particulièrement le cas quand on parle des arbres qui sont utilisés pour toute une série d'usages comme le bois de chauffage, les fruits, les médicaments, ou même plus généralement ce qu'on appelle les services écosystémiques.
L'intérêt des humains passe donc par l'utilisation d'autres entités dont on ne se préoccupe pas nécessairement des intérêts sur le plan éthique. C'est ce qu'on résume souvent par la maxime attribuée à Descartes dans laquelle l'homme serait comme maître et possesseur de la nature. Cela a permis moralement de justifier notamment la déforestation, mais aussi des pollutions, et qui cause une érosion de la biodiversité aujourd'hui.

Face à ce constat s'est structurée très tôt, dès le XIXe siècle, une forme d'éthique qui était plus inclusive mais seulement à l'égard de certaines entités naturelles, à savoir les animaux, dont on reconnaissait qu'il était immoral et intolérable de leur infliger des souffrances. Ici, il s'agit plus particulièrement des animaux d'élevage ou domestiques.

Mais à ce niveau-là, on voit mal comment on pourrait inclure les végétaux qui, en règle générale, sont considérés comme ne souffrant pas. Est-ce pour autant une raison de les exclure totalement de la vie morale ? Est-ce que c'est une fatalité ?

3. Une fatalité ?

On a plusieurs raisons de penser que les plantes pourraient être inclues aussi dans notre éthique occidentale.
La première, c'est que si on va voir ce qu'il se passe dans d'autres cultures non occidentales, on voit que la plupart ont développé des systèmes éthiques dans lesquels il y a une beaucoup plus grande inclusion des formes de vie non humaines dont on prend en compte les intérêts. C'est vrai si on étudie, par exemple, les Amérindiens en Amazonie, les Aborigènes en Australie, ou encore certains courants religieux qui respectent davantage d'autres formes de vie, comme l'hindouisme ou même le jaïnisme qui pousse le végétalisme à l'extrême.

Une autre façon de se rendre compte qu'il est tout à fait possible d'inclure même les végétaux et les arbres dans nos systèmes de valeurs, c'est de regarder ce qui se fait dans nos sociétés au niveau institutionnel de l'éthique à partir du XXe, et surtout de la deuxième moitié du XXe siècle, avec le développement d'éthiques dites de l'environnement, ou éthiques environnementales, qui vont considérer que l'être humain n'est plus le seul nécessairement à avoir une valeur intrinsèque. À ce niveau-là, l'arbre est une figure importante pour représenter les autres entités naturelles, la nature ou les écosystèmes dans leur ensemble, parce qu'il incarne toute une série d'autres valeurs qui ne sont pas strictement utilitaires, par exemple des valeurs esthétiques, patrimoniales, ou symboliques au sens général, qui revêtent une importance culturelle non négligeable.

Au-delà de ça et au-delà de la figure de l'arbre en tant que telle, on a aussi une série de bonnes raisons de penser qu'on peut avoir des intuitions morales pour l'ensemble des vivants, y compris l'ensemble des autres végétaux, puisque l'éthique de l'environnement a développé notamment un argument dit du dernier homme qui a été décliné de multiples façons. Il consiste à imaginer une planète où l'ensemble de l'humanité aurait disparu sauf un seul homme, suite à une pandémie, par exemple, et où il y aurait encore des végétaux et des animaux. Ce dernier homme aurait la possibilité d'inoculer un virus qui mènerait à la disparition de l'ensemble de la végétation, de toutes les plantes qui subsistent encore sur cette planète, qui disparaîtraient donc avec lui à sa mort puisqu'il n'y aurait pas d'autres humains plus tard. On se rend compte intuitivement que procéder à une telle extermination du monde végétal nous semble intuitivement quelque chose de mal. Or, du point de vue de la logique purement traditionnelle de la morale occidentale, aucun autre humain ne sera lésé puisqu'il n'y en a plus qu'un, donc ça ne porte pas de préjudice aux intérêts des humains puisqu'il n'y en a plus. En fait, on devrait pouvoir trouver cela moralement neutre puisque ça ne porte pas conséquence à d'autres humains.

4. Valeur intrinsèque

On voit ici les limites, à travers une expérience de pensée extrême, de la morale traditionnelle et la façon dont l'éthique de l'environnement nous permet de développer certaines intuitions morales pour l'ensemble du vivant à travers ce qu'on appelle la valeur intrinsèque.

C'est-à-dire qu'au-delà de l'usage instrumental qu'on peut avoir de certains vivants, il semble qu'on leur reconnaisse quand même intuitivement une valeur en soi qui, évidemment, n'est pas équivalente à la valeur en soi qu'on peut accorder à l'être humain, mais qui, néanmoins, n'est pas réductible strictement à l'usage qu'on peut en avoir.

Déjà, aujourd'hui, on ne peut plus réfléchir uniquement les arbres du point de vue de leur valeur instrumentale et donc de l'usage uniquement humain qu'on peut en tirer puisque, au niveau du droit international ou national, il existe déjà toute une série d'espèces menacées, d'arbres et d'autres espèces, qui sont protégées de façon très stricte à travers des conventions ou des lois et auxquelles on ne peut pas porter atteinte. On pense par exemple au pin de Wollemi, une espèce extrêmement rare.
Tous les arbres sont aussi des éléments essentiels des écosystèmes, et à ce titre, on peut considérer qu'on doit les préserver en tant que tels, ce qui est reconnu à travers d'autres dispositions légales comme la Charte de l'environnement.
Enfin, si on est maximaliste dans son éthique, on peut considérer que chaque arbre individuel devrait être pris en compte dans le calcul des intérêts humains et non humains par rapport à ce qui peut être exercé sur lui.
 
5. Ethique appliquée

Dans le domaine de l'éthique appliquée, on va devoir arbitrer de façon située les intérêts humains par rapport à des intérêts non humains. S'il est évident que les intérêts des humains, dans la plupart des cas, continuent à passer avant les intérêts des arbres, ça ne peut pas être le cas par défaut.

Mais il existe une série de situations où on peut interroger la légitimité de cette posture par défaut, c'est-à-dire que si les intérêts humains sont souvent légitimes, on ne peut pas partir du principe que, dans toute situation, n'importe quel intérêt humain devrait prévaloir sur des intérêts d'autres êtres vivants, y compris végétaux comme des arbres. C'est vrai par exemple dans certains domaines liés à l'agriculture, la construction, l'urbanisme, etc.

Dans d'autres situations, les cas sont beaucoup plus tranchés puisque, si on a affaire à un arbre qui appartient à une espèce protégée par le droit, à ce moment-là, il est évident que ce sont les intérêts de l'arbre qui vont primer et qu'il ne sera absolument pas possible, en théorie en tout cas, de lui porter préjudice.
C’est encore le cas lorsqu'on est confronté aux intérêts d'un arbre dit remarquable, qui peut être classé ou reconnu à travers la loi, qu'elle soit locale ou nationale, comme un élément absolument incontournable du patrimoine et qui, à ce titre, doit être protégé en tant qu'entité biologique avec ses propres intérêts.
 
Évidemment, dans la majorité des cas, d'autres types de compromis sont possibles entre l'intérêt humain ou celui de l'arbre qui primerait absolument. Il s'agit, par exemple, de situations où, dans des chantiers, on peut, grâce à des aménagements raisonnables, déplacer un peu le tracé des véhicules de chantier, ou simplement protéger physiquement les arbres pour éviter qu'ils soient blessés, ou encore, d'un point de vue urbanistique, privilégier la taille d'un arbre au fait de l'abattre.

Ou enfin des initiatives de compromis à un niveau plus politique où on peut, par exemple, donner des subsides à des agriculteurs pour maintenir des arbres sur leurs parcelles champêtres plutôt que de les amener à les abattre pour favoriser une politique de rendement agricole à tout prix.
 
Enfin, il existe toute une série de bonnes pratiques éthiques par rapport aux arbres qui émanent plutôt de la société. On peut penser ici à la permaculture ou à l'agroforesterie qui, avant de considérer les végétaux comme des ressources, les considère comme des partenaires et des êtres vivants en tant que tels. On peut penser aussi à des chartes qu'endossent des arboriculteurs ou des élagueurs qui consistent à tailler les arbres dans le respect de leur intérêt pour éviter des maladies. Enfin, il y a au niveau du droit, par exemple, des initiatives qui visent à utiliser le droit notarial ou le droit de propriété en général pour protéger des arbres sur des parcelles privées lors d'actes de succession dans des testaments ou dans un acte de vente, lors d'une vente d'un terrain ou d'un bien immobilier, par exemple. Au-delà de ça, il y a des initiatives plus générales, on peut penser à la Convention internationale des droits de l'arbre ou au projet de récréer une forêt primaire entre la France et la Belgique.

Tous ces éléments nous indiquent qu'il y a à la fois des éléments très concrets à travers des initiatives de terrain et des choses qui existent déjà, qui peuvent venir renforcer d'un point de vue théorique des mouvements d'éthique environnementale qui sont institutionnalisés déjà depuis de nombreuses années.

Contributeurs

Munzinger Jérôme

chercheur

Boura Anaïs

maître de conférences , Sorbonne Université

Pilate Gilles

directeur de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Caraglio Yves

Ingénieur chercheur , CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Atger Claire

chargée d'études à Pousse Conseil

Barbier Nicolas

chargé de recherche , IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Trouy Marie-Christine

maître de conférences , Université de Lorraine

Gerber Sophie

chercheuse , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Lepaul-Picolet Shaan

Doctorante , Université de Bordeaux

Mariette Stéphanie

chargée de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Derroire Géraldine

chercheuse , CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Isnard Sandrine

chargée de recherche , IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Moulia Bruno

directeur de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Martin Francis

directeur de recherche émérite , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Selosse Marc-André

professeur , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Frey Pascal

directeur de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Blanc Lilian

chercheur , CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Legay Myriam

directrice du campus AgroParisTech de Nancy

Muller Serge

Cosquer Alix

chercheuse , Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE)

Dumat Camille

professeure , ENSAT - Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse

Le Cadre Édith

professeure , Institut agro Rennes Angers

Lenne Catherine

enseignante chercheuse , UCA - Université Clermont Auvergne

Dreyer Erwin

directeur de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Maury Stéphane

professeur , Université d'Orléans

Kremer Antoine

directeur de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Heuret Patrick

chargé de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Massonnet Catherine

Chargée de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Musch Brigitte

coordinatrice nationale des ressources génétiques forestières à l'ONF

Hallé Francis

Botaniste

Hiernaux Quentin

professeur à l'Université libre de Bruxelles