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Description

Dans cette vidéo, Henry Dicks présente les trois champs majeurs de la philosophie environnementale, à savoir l'éthique environnementale, la métaphysique environnementale et l'esthétique environnementale. Il conclut par une discussion sur la philosophie même d'un développement durable.

Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre ce qu’est la philosophie environnementale
- Appréhender ce qu’est la philosophie du développement durable.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Mentions Licence
  • Philosophie
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 4. Education de qualité
Types
  • Grain audiovisuel
Introduction à la notion de biodiversité
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Le développement durable vu par les économistes : durabilité faible ou durabilité forte ?
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L'histoire scolaire : quelle contribution à l'éducation au développement durable ?
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Le développement durable en géographie
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Quels peuvent être les apports de la géographie dans la lecture du développement durable ?
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La science politique et le développement durable
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L'équation de Kaya
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Contributeurs

DICKS Henry

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Henry DICKS, Chercheur postdoctorant – Université Jean Moulin Lyon 3 

A de rares exceptions près, les philosophes se sont peu intéressés au développement durable. Néanmoins, dans la mesure où la sphère écologique ou environnementale du développement durable constitue sa sphère la plus faible, on peut considérer que la philosophie environnementale - actuellement en plein essor -, constitue une ressource complémentaire importante.

Je vais donc parler dans cette vidéo des trois champs majeurs de la philosophie environnementale :
-    L’éthique environnementale ;
-    la métaphysique environnementale ;
-    et l’esthétique environnementale.

Avant de conclure par une petite discussion de la possibilité d'une véritable approche philosophique au développement durable lui-même.

•    Le domaine le plus connu de la philosophie environnementale est sans doute l'éthique environnementale.

Celle-ci tourne autour d'une question centrale : la nature a-t-elle une valeur seulement instrumentale pour les êtres humains comme le suggère le concept célèbre de services écosystémiques ?

C'est-à-dire une idée selon laquelle la nature n'a de la valeur que dans la mesure où elle nous rend des services ? Ou est-ce que la nature a une valeur intrinsèque, de sorte que nous ayons des devoirs envers elle, même dans les cas où elle ne nous est pas utile ?

 De façon générale, on qualifie les défenseurs de la valeur intrinsèque de la nature d’écocentristes car ils estiment que la nature, que ce soit le vivant ou les écosystèmes est au centre de notre monde.

  D'autre part, on qualifie d'anthropocentristes tous ceux qui estiment que la nature a une valeur seulement instrumentale, que ce soit pour les êtres humains d’aujourd’hui ou bien pour ceux de demain, c'est-à-dire les générations futures.

Cette distinction entre écocentrisme et anthropocentrisme a également des implications importantes pour le droit de l'environnement et pour l'écologie politique.

Si c'est vrai, comme le pense les écocentristes, que la nature a une valeur intrinsèque, alors c'est logique de protéger cette valeur intrinsèque en attribuant à la nature des droits. 

Ensuite, il faut bien évidemment que des entités ou des personnes puissent représenter ces droits et les défendre aussi au sein d'un système juridique.

En ce qui concerne l'écologie politique, un principe similaire est également en jeu. On peut selon les écocentristes, représenter les êtres vivants, les intérêts et les droits qu'ils ont au sein de notre système politique que ce soit par les hommes et les femmes politiques eux-mêmes, par des scientifiques ou peut-être même par des O.N.G. environnementales.

•    Le deuxième champ important de la philosophie environnementale est la métaphysique environnementale.

 Celle-ci pose les questions comme qu'est-ce que la nature ? Que sont les êtres humains ? Et quel rapport il y a-t-il entre les deux ?

Pour beaucoup de philosophes contemporains, l’erreur fondamentale que nous avons faite dans notre métaphysique traditionnelle a été de considérer les êtres humains comme radicalement séparés de la nature.

Les êtres humains pense-t-on, traditionnellement, sont des sujets libres possédant des valeurs et qui sont donc capables d'agir de manière éthique et politique. 

 La nature, à l'inverse est considérée comme étant un ensemble d'objets déterminés de manière passive par des lois mécaniques à propos duquel on peut énoncer un certain nombre de faits mais qui, en soi, est dépourvue de valeur et qui n'entre pas donc dans nos sphères éthiques et politiques.

 Il y a cependant d'autres philosophes qui estiment que ce qu'il nous faut, c’est plutôt de repenser de fond en comble ce que nous voulons dire par le mot « nature ».

 Ainsi le phénoménologue allemand Martin HEIDEGGER et le penseur français des systèmes complexes Edgar MORIN, estiment tous les deux qu'il faut revenir et régénérer la première pensée occidentale de la nature, celle des présocratiques qui considéraient la nature comme autoproduction au sens de production circulaire de soi.

Edgar Morin donne plusieurs exemples de cette autoproduction ou autoconstruction comme par exemple les tourbillons, les étoiles, les êtres vivants ou même les écosystèmes.

•    Le troisième domaine majeur de la philosophie environnementale est l’esthétique environnementale.

 Ici encore, on peut distinguer diverses approches. 

 Les éco-phénoménologues par exemple, considèrent que notre rapport à la nature est avant tout quelque chose de vécu, de sensible, de qualitatif et même de poétique. 

 Selon eux, ce premier rapport à la nature peut s'exprimer dans des œuvres d'art, dans l'architecture écologique, dans l'urbanisme voire même dans des œuvres de cinéma ou de littérature.

 De ce point de vue, l'approche technoscientifique dominante qui essaye de tout calculer (quantité de CO2 émis etc.), passe à côté de l'essentiel.

 Pour d'autres penseurs comme Aldo LEOPOLD ou encore John BAIRD CALLICOTT, ce qu'il nous faut est plutôt une nouvelle esthétique environnementale. Celle-ci étant caractérisée par sa capacité à assimiler des connaissances scientifiques. 

 La beauté de la nature de ce point de vue-là ne saurait se réduire à la beauté immédiate et sensible qu'elle nous offre car cette beauté devrait également être alimentée par des connaissances scientifiques concernant par exemple l'intégrité, la diversité ou bien la stabilité des paysages.

A toutes ces recherches en philosophie environnementale, on peut également essayer de développer une véritable pensée philosophique du développement durable.

Selon ces critiques, le développement durable est un oxymore. Car on ne peut pas à la fois durer et développer. 

Ou bien les sociétés humaines se développent au détriment de la durabilité, ou bien elles durent dans le temps mais dans ce cas-là il faudrait renoncer au développement.

Ce débat traduit à sa façon un débat philosophique très ancien : celui du rapport entre être et devenir.

 Peut-on à la fois être, c'est-à-dire durer dans le temps tout en subissant un processus de devenir ?

 Chez Platon et puis pendant tout le Moyen Âge chrétien, c'était l’être au sens des sens, qui dure derrière le monde - d'apparence, sans devenir, sans changements et sans développement -, qui était privilégié.

 Ensuite, à partir du début du XIXe siècle et notamment dans la pensée de Marx, de Darwin et Nietzsche, les rapports de forces s'inversent.

  C'est désormais le devenir et le développement qui priment sur l'être et sur la durabilité comme le témoigne le fort développement économique et social de l'époque mais aussi la découverte de l'évolution des espèces par la sélection naturelle.

Si cette analyse est juste, le développement durable en tant que concept central d'une époque naissante de l'histoire pose un défi philosophique majeur. 

Comment à l’époque qui est la nôtre, penser ensemble être et devenir, durer et développer, identité et changement, sans tomber dans des contradictions ?