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Description

Dans cette vidéo, Nicolas Vuichard s'intéresse au protoxyde d'azote, puissant gaz à effet de serre. Il montre tout d'abord l'ampleur de la perturbation du cycle de l'azote par les activités humaines, puis examine précisément les sources d'émissions de N2O, et les pistes d'action pour réduire ces émissions.

Objectifs d’apprentissage :
- Savoir ce qu'est le protoxyde d'azote
- Comprendre l'ampleur de la perturbation du cycle de l'azote par les activités humaines
- Appréhender les sources d'émissions de N2O et les pistes d'action pour réduire ces émissions.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Types
  • Grain audiovisuel
Les gaz à effet de serre : description, sources, et impacts radiatifs
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Le cycle du CO2 : un cycle naturel perturbé par les activités humaines
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Absorption CO2 par les écosystèmes terrestres et océaniques : bilan global
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Le cycle du méthane
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D'autres gaz à effet de serre : l'ozone et les composés halogénés
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Mégapoles et gaz à effet de serre : présent et futur
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Gaz à effet de serre et climat futur
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Contributeurs

Vuichard Nicolas

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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

N2O : un cycle naturel perturbé par les activités humaines

Nicolas VUICHARD
Ingénieur Chercheur – CEA

1. Contexte

Comme d'autres gaz à effet de serre, la concentration du protoxyde d’azote que l'on appelle également oxyde nitreux ou N2O a fortement augmenté dans l'atmosphère depuis les 150 dernières années du fait des activités humaines. On estime que la concentration de N2O est passée d'environ 270 parties par milliard en 1850 à plus de 320 parties par milliard aujourd'hui. Ces concentrations restent 1000 fois inférieures à celles observées pour le CO2. Cependant, du fait de son fort pouvoir de réchauffement global, la contribution du N2O à l'effet de serre reste tout à fait significative. On estime ainsi que le N2O a contribué à hauteur de 8 % à l'effet de serre additionnel depuis 1850.

2. Cycle naturel de l’azote

Pour mieux comprendre l'augmentation observée de la concentration de N2O et des émissions associées, il faut revenir sur le cycle de l'azote (figure ci-dessous). Le constituant azoté le plus présent sur Terre et de loin est le diazote puisque 99 % de l'azote présent sur Terre est du diazote. C’est une molécule composée de 2 atomes d'azote. C'est le constituant principal de l'atmosphère mais c'est un gaz qui ne réagit avec aucun autre constituant de l'atmosphère. On dit que c'est un gaz inerte.

Avant l'ère industrielle, les deux sources à travers lesquelles on pouvait créer de l'azote réactif à partir du diazote étaient 1) celle associée aux éclairs, à travers l'effet de fortes températures qui créaient donc des formes comme NO ou NO2 à partir du diazote de l'atmosphère ; 2) celle associée à ce qu'on appelle la fixation biologique d'azote. Cette fixation biologique est réalisée par des bactéries dans l'océan, les cyanobactéries. Sur terre, c'est le cas par exemple des rhizobiums qui vivent en symbiose avec le système racinaire des plantes légumineuses. Dans ce cycle de l'azote, on voit sr la figure que la grosse flèche qui va de la terre à l’atmosphère est la  dénitrification. C’est un processus essentiel dans le cycle de l'azote puisque c'est le seul qui permet de revenir à partir d'azote réactif à la forme inerte N2. Il joue un rôle-clé dans ce cycle de l'azote puisqu'il permet de boucler le cycle de l'azote dans la biosphère.

3. Impact des activités humaines

Depuis plus d'un siècle, à ces deux sources historiques d'azote s'en sont rajoutées deux autres. Tout d'abord celle associée à la combustion d'énergies fossiles réalisée dans le cadre de procédés industriels. Surtout, une autre source est liée au déploiement du procédé Haber Bosch, qui produit pour l'essentiel des fertilisants agricoles azotés. Ce procédé Haber Bosch inventé au début du XXe siècle est essentiel puisqu'une grande partie de l'essor de l'agriculture moderne se repose sur l'invention et le développement de ce procédé. Evidemment, ces nouvelles sources d'azote réactif ont profondément modifié le cycle de l'azote. Ainsi, on estime aujourd'hui, comme le montre le graphique ci-dessous, que les sources annuelles d'azote réactif ont augmenté d'environ 150 à 200 téragrammes d'azote depuis 1850 et que les sources d'origine anthropique sont maintenant aussi importantes que les sources naturelles.

Avec environ 120 téragrammes d'azote réactif produit par an, le procédé Haber Bosch est de loin la source anthropique la plus importante avant la fixation biologique associée à la culture des légumineuses et la source associée à la combustion d’énergies fossiles.

Alors, la majeure partie de cet azote réactif, comme on l’a vue, va servir à fertiliser les cultures. Cependant, il va y avoir des fuites d’azote réactif dans l'écosystème, soit de manière directe aux champs, soit de manière indirecte une fois l'azote assimilé par les cultures et lors du devenir de l'azote dans l'écosystème, dans l'environnement.

4. Cascade de l’azote

L'azote se transforme au cours de sa circulation dans l'environnement en diverses formes qui vont avoir des impacts variés sur les écosystèmes, la santé et le climat. Ceci a amené à introduire le concept de cascade de l'azote que l'on définit comme le transfert séquentiel de l'azote au sein des écosystèmes et leurs conséquences en termes d'impact (figure ci-dessous).

Parmi ces formes d'azote réactif - que l'on symbolise dans le schéma en rectangle jaune -, on peut mentionner l'ammoniac, les nitrates et les oxydes d'azote. L'ammoniac est émis dans les zones agricoles et peut se redéposer sous forme sèche ou humide sur les écosystèmes naturels. Les nitrates, quant ils sont lessivés, peuvent s’accumuler dans les rivières et contribuer à l’eutrophisation des eaux. Enfin, les oxydes d'azote émis dans l'atmosphère contribuent à la formation de l'ozone troposphérique, qui est un gaz à effet de serre et dont les pics de concentration induisent des risques pour la santé humaine et celle des écosystèmes. Parmi l'azote réactif qui va s'accumuler et être produit dans l’écosystème, il y a le protoxyde d’azote ou le N2O. Le N2O  est produit dans l'environnement, sous deux formes : la nitrification et la dénitrification. La dénitrification permet de produire du N2 à partir d'oxyde d'azote. En fait, le N2O est un produit intermédiaire de cette réaction de dénitrification. La nitrification transforme quant à elle l’ammonium en nitrate et on a vu donc que les fortes concentrations de nitrates sont responsables du phénomène d'eutrophisation. Le N2O  est un coproduit de cette réaction de nitrification. Les flux de N2O alors émis sont influencés par la température, la teneur en eau ou bien encore le Ph. La variabilité  du flux de N2O et la variabilité spatiale sont très fortes. Ceci rend donc délicate la mesure directe des émissions de N2O aux champs de leur extrapolation à des échelles plus grandes. Les estimations directes du flux de N2O sont donc accompagnées d'une relative grande incertitude. Néanmoins, les inventaires les plus récents estiment que 75 % des émissions de N2O proviennent du secteur agricole. Les 25 % restants proviennent des activités liées au secteur de l'énergie, des transports ou de l'industrie. Au total, les émissions mondiales de N2O d’origine anthropique s'élèvent à 7 téragrammes d'azote par an, soit l'équivalent d’un peu plus de 3 gigatonnes de CO2.

5. Effets sur le climat

L’augmentation des quantités d'azote réactif dans l'environnement n’a pas que des effets réchauffants sur le climat, avec l’augmentation de la concentration de N2O ou de l’augmentation de l'ozone troposphérique. Il y a également des effets qui peuvent être refroidissants. Parmi ces effets, on peut mentionner le fait que la présence d'azote réactif fertilise involontairement les écosystèmes naturels. Cela a, jusqu'à aujourd'hui, entretenu ou amplifié le puit de CO2 dans la biosphère terrestre telle qu'on l'observe aujourd'hui. Les dernières simulations des modèles de système Terre projettent que ce puit de CO2 sera maintenu au cours du XXIe siècle, notamment sous l'effet de la fertilisation du CO2 atmosphérique. Mais ces modèles n'intègrent pas le cycle de l'azote. On estime que l'estimation du puits biosphérique de CO2 pourrait être diminuée si l'on prenait en compte le cycle de l'azote et la limitation associée de ce nutriment.

6. Conclusion

Même si la présence d’azote réactif a des effets refroidissants sur le climat, les effets néfastes de son accumulation dans l'environnement appellent à réfléchir à des pistes visant à atténuer ce phénomène. On peut par exemple agir sur notre alimentation en gardant en tête que l'élevage bovin entraîne plus d'émissions de N2O, à la fois du fait qu'il faut plus de surface pour produire l'alimentation du bétail, mais également du fait que les bovins produisent plus de déchets qui vont être autant d'azote qui va alimenter la cascade de l'azote. On peut également réfléchir à des actions visant à repenser le secteur agricole. Ainsi, une fertilisation plus raisonnée permettrait de réduire les doses d'apports azotés tout en maintenant de bons rendements et en limitant les fuites d’azote dans l'environnement. Enfin, la concentration de l'activité d'élevage dans une même région rend plus difficile le recyclage de l'azote. Cela s'observe à la fois aux échelles régionales, par exemple avec l'élevage porcin en Bretagne, mais également à des échelles plus grandes, à l'échelle mondiale. On peut donc le voir, il y a des solutions à la réduction de l'augmentation de l'azote réactif dans les écosystèmes mais ces pistes appellent à des modifications individuelles et collectives de nos manières de manger et de produire des aliments.