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Description

Dans cette vidéo, Laurent Bopp met en relation les émissions de gaz à effet de serre avec l'évolution du climat. Il met en évidence l'existence de rétroactions - positives ou négatives - dans le système terre, capables d'amplifier ou de réduire certains types d'impacts. Plusieurs exemples sont apportés.

Objectif d’apprentissage :
- Comprendre la relation des émissions de gaz à effet de serre avec l'évolution du climat.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Types
  • Grain audiovisuel
Les gaz à effet de serre : description, sources, et impacts radiatifs
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Le cycle du CO2 : un cycle naturel perturbé par les activités humaines
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Absorption CO2 par les écosystèmes terrestres et océaniques : bilan global
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Le cycle du méthane
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N2O : un cycle naturel perturbé par les activités humaines
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D'autres gaz à effet de serre : l'ozone et les composés halogénés
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Mégapoles et gaz à effet de serre : présent et futur
Mégapoles et gaz à effet de serre : présent et futur
Contributeurs

Bopp Laurent

directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Gaz à effet de serre et climat futur

Laurent BOPP
Directeur de recherche – CNRS

Je vais vous présenter la façon dont les gaz à effet de serre vont évoluer au cours des prochaines décennies dans l'atmosphère, de leur impact sur le climat et de la façon dont gaz à effet de serre et climat sont couplés.

1. Evolution des gaz à effet de serre

Sur la figure ci-dessous, vous avez les émissions et l’évolution des émissions des trois principaux gaz à effet de serre au cours des prochaines décennies. Sur la gauche, vous avez les émissions de dioxyde de carbone qui peuvent évoluer de quelques 10 milliards de tonnes de carbone jusqu'à plus de 30 milliards de tonnes de carbone dans le cas d'un scénario O. Sur le centre de ce transparent, vous avez l'évolution des émissions de méthane. Sur la droite, les émissions de protoxyde d'azote.

Ces scénarios sont construits à partir d'hypothèses socio-économiques sur la démographie, sur l'avancée de certaines technologies ou sur la mise en place de politiques d'atténuation des gaz à effet de serre. Ces scénarios sont ceux qui vont servir à forcer les modèles du système climatique pour projeter l'évolution du climat. Pour un scénario O d’évolution des émissions de gaz à effet de serre, vous avez un réchauffement important du système climatique. Pour un scénario où les émissions sont moindres, vous avez un réchauffement moindre également. La température ne dépasse pas plus de 2 degrés par rapport au préindustriel. C'est simplement l'augmentation de l'effet de serre qui explique ce lien de premier ordre entre augmentation des émissions, augmentation des concentrations d’abord et puis changement climatique, dont témoigne l'augmentation de la température.

2. Couplage effet de serre / climat

Le système des gaz à effet de serre et le système climatique sont couplés. En effet, le climat peut influencer directement l’évolution des concentrations de gaz à effet de serre. On voit bien que si le climat amplifie l'augmentation des gaz à effet de serre, on va se retrouver dans le cas d'une rétroaction positive. Plus vous avez de gaz à effet de serre, plus le climat change, plus il influence l'évolution des gaz à effet de serre de façon positive. Si au contraire le climat réduit l'augmentation des gaz à effet de serre, dans ce cas-là on est dans une boucle de rétroaction négative.

Je vais vous décrire une boucle de rétroaction positive en m’intéressant au couplage entre le système climatique et le cycle du carbone. Les puits de carbone naturels que sont l'océan et la biosphère terrestre absorbent aujourd'hui à peu près 50 % des émissions anthropiques. Le climat répond à l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère qui lui est causé par ces émissions anthropiques. Mais le climat peut modifier la façon dont les puits absorbent le CO2 et donc l'efficacité des puits de CO2. C'est le cas pour l'océan. Quand il se réchauffe, la solubilité du gaz dioxyde de carbone dans l'océan diminue et l'océan est capable d'absorber moins de CO2. Pour la biosphère terrestre également, certains processus peuvent expliquer pourquoi le changement de climat, réduit l'efficacité de ce puits à absorber du CO2. On peut citer le fait qu'une augmentation de température va favoriser la reminéralisation du carbone organique dans les sols et donc une libération de CO2 vers l'atmosphère. On peut aussi citer comme exemple de processus le fait que le changement du climat peut conduire, dans certaines régions, à une augmentation du stress hydrique et donc à une diminution de la production par les plantes de la biosphère continentale.

3. Modélisations intégrant ces couplages

Avec des modèles de climat couplant système climatique et cycle du carbone, les scientifiques ont pu s'intéresser à la façon dont cette boucle de rétroaction positive allait induire un réchauffement additionnel d'ici la fin du siècle. C'est ce que vous avez sur la figure ci-dessous avec en noir une augmentation des températures qui répond à une augmentation des émissions, mais dans lesquelles vous n'avez pas de rétroaction entre climat et cycle du carbone. En rouge, vous avez une augmentation des températures dans le cas où vous avez cette rétroaction positive entre climat et cycle du carbone. On se rend compte qu'avec cette rétroaction positive, le changement de température à la fin du siècle pourrait être de 1,5°C plus important que ce qu’il est sans cette rétroaction positive entre cycle du carbone et changement climatique.

4. Archives du passé – échelles de temps longues

Avons-nous des indices dans les climats du passé ou au cours des dernières décennies qui nous indiquent qu’effectivement climat et cycle du carbone, climat et CO2 sont couplés ? Le premier indice nous vient des cycles glaciaires - interglaciaires, au cours du dernier million d'années. C'est ce que nous avons sur la figure ci-dessous. Depuis à peu près 500 000 ans jusqu'à aujourd'hui, CO2 et température ont évolué en phase avec des valeurs importantes du CO2 atmosphérique pendant les périodes interglaciaires et des valeurs faibles du CO2 pendant les périodes glaciaires.

Si le CO2 explique en partie les transitions glaciaires - interglaciaires, ce sont les variations du climat entre les transitions glaciaires - interglaciaires qui expliquent les variations du CO2. Donc on a bien un exemple où les variations du climat influencent directement le cycle du carbone et le CO2 atmosphérique. Alors même si c'est un exemple classique de couplage entre climat et CO2, les cycles glaciaires - interglaciaires ne sont pas des bons analogues pour essayer d'expliquer ou de comprendre ce qui pourraient se passer au cours des prochaines décennies. En effet les échelles de temps sont assez différentes et les processus impliqués sont également assez différents. Dans le cas des variations glaciaires - interglaciaires, c’est l’océan profond - et donc sur des échelles de temps assez longues -, qui est responsable du stockage ou du déstockage de carbone.

4. Archives du passé – échelles de temps courtes

Une autre échelle de temps peut-être plus intéressante en ce qui concerne les prochaines années ou les prochaines décennies. Ce sont les variations du CO2 sur des échelles interannuelles, d'année en année. Si on observe l'évolution des émissions de carbone anthropique et les évolutions du taux de croissance du CO2 atmosphérique, on voit qu'il n'y a pas de relation directe entre les deux. En fait, le taux de croissance est plus ou moins important d'une année à l'autre, pas parce que les émissions anthropiques sont importantes mais parce que le climat varie de façon naturelle d'une année à l'autre. Les scientifiques ont pu mettre en relation les taux de croissance élevés certaines années, avec l'existence de phénomènes climatiques naturels, les événements El Nino. Dans le cas de l’événement El Nino, le CO2 augmente plus vite dans l'atmosphère parce que les événements El Nino conduisent dans certaines régions du globe à des variations climatiques importantes, par exemple des sécheresses (c’est le cas en Indonésie ou en Australie), qui vont conduire à un dégazage de carbone par la végétation par les sols. Donc, encore une fois, sur ces échelles de temps, on a une relation entre CO2 et climat. Les variations du climat, cette fois-ci naturelles, influencent la façon dont le CO2 évolue dans l'atmosphère.

5. Autres gaz à effet de serre

D'autres gaz à effet de serre présentent aussi des boucles de rétroaction potentielles. C'est le cas du méthane. Son augmentation est évidemment liée à la façon dont les activités humaines libèrent du méthane, mais certains réservoirs de méthane importants dans le système terrestre pourraient évoluer en réponse aux changements climatiques. C'est le cas par exemple des réservoirs liés aux hydrates de méthane que l'on trouve dans les sédiments océaniques à assez grande profondeur. Des modifications par exemple de la température de l'eau ou de la pression pourraient modifier la façon dont ce méthane est libéré et donc peut rejoindre l'atmosphère. Un autre réservoir qui peut-être pose encore plus question pour l'évolution des concentrations de méthane au cours des prochaines décennies est celui du permafrost. Un dégel des sols gelés en Sibérie par exemple pourrait conduire à une libération de méthane et donc à une rétroaction positive du système climat - méthane.

6. Conclusion

Ces quelques exemples, CO2 et méthane, nous montrent que climat et cycles biogéochimiques, en particulier le cycle du carbone via le CO2 et le méthane, sont imbriqués, sont couplés. Pour projeter l'évolution de ce système couplé, on a besoin de connaître les processus qui interagissent entre climat et cycles biogéochimiques.