En ligne depuis le 23/04/2015
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Description
Dans cette vidéo, Philippe Bousquet s'intéresse au méthane, gaz à effet de serre dont les émissions ont beaucoup augmenté au cours du dernier siècle. Il montre quelles en sont les sources naturelles et anthropiques, quels en sont les puits, quelles sont les incertitudes par rapport à ce gaz et quelles sont les pistes pour en réduire les émissions.
Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre le cycle du méthane, gaz à effet de serre
- Connaître quelles en sont les sources naturelles et anthropiques, quels en sont les puits, quelles sont les incertitudes par rapport à ce gaz
- Connaître les pistes pour en réduire les émissions.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
Bousquet Philippe
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Le cycle du méthane
Philippe BOUSQUET
Professeur – Université de Versailles Saint-Quentin
Il y a plusieurs raisons de s'intéresser au méthane (CH4) dans l'atmosphère.
1. Le méthane dans l'atmosphère
C'est le deuxième gaz à effet de serre anthropique après le CO2. Ses concentrations ont été multipliées par 2,5 depuis 1750 (voir figure ci-dessous).
Il a un pouvoir de réchauffement qui est estimé de l’ordre de 28 fois à celui du CO2 à100 ans. Ses émissions actuelles sont estimées entre 520 et 570 téragrammes par an ; si on compare au CO2, effectivement converti en unité CO2, ça ferait 0,5 pétagrammes de carbone par an. Il a une durée de vie de 10 ans dans l'atmosphère, beaucoup plus courte que celle du CO2. Cela en fait une cible relativement efficace pour réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, en tout cas à des échelles compatibles avec les mandats électoraux. Enfin, il contribue à la production d'ozone dans la troposphère, entre 0 et 10 km d’altitude, et il contribue à la production de vapeur d’eau. L'ozone et la vapeur d'eau sont également des gaz à effet de serre, dans la stratosphère, entre 10 et 50 km d'altitude.
2. Les sources naturelles de méthane
Les sources de méthane peuvent être classées entre naturelles et anthropiques. Les sources naturelles représentent à peu près 35 % des émissions totales de ces 520/570 téragrammes. Ce sont les zones humides qui, via un processus de décomposition anaérobie par des archées de la matière organique, sont la source principale de méthane avec quand même une assez forte incertitude, entre 140 et 280 téragrammes par an. Ensuite, on a tout un tas de sources naturelles de plus petite taille. Les eaux douces peuvent émettre entre 10 et 70 téragrammes et les sources de dégazage de la planète, que ce soit sur les continents ou au niveau des marches continentales dans les océans, peuvent émettre entre 30 et 70 téragrammes par an. Puis on a des sources plus petites : les hydrates, les pergélisols, les feux, les animaux sauvages et les termites. Les feux naturels peuvent émettre quelques téragrammes, jusqu'à une vingtaine de téragrammes par an, par type de sources. Au total, les sources naturelles représentent entre 170 et 270 téragrammes par an avec donc une assez forte incertitude.
3. Les sources anthropiques de méthane
Les sources anthropiques de méthane représentent 65 % à peu près des émissions. Elles sont relativement réparties entre trois catégories principales. La première est liée à l'extraction, à l’utilisation, et au transport des combustibles fossiles, notamment le gaz naturel qui émet entre 85 et 105 téragrammes par an. La deuxième est liée aux décharges, qui émettent effectivement entre 65 et 90 téragrammes par an. La troisième est liée aux ruminants qui, via le processus anaérobie de fermentation qu'il y a dans leur panse, essentiellement, peut émettre entre 85 et 95 téragrammes de méthane par an. On trouve ensuite la culture du riz et la combustion de biomasse qui, dans le cas où il n'y a pas suffisamment d'oxygène, peut produire des quantités significatives de méthane. Au final, ces émissions anthropiques sont un petit peu moins incertaines que les émissions naturelles mais tout de même entre 270 et 410 téragrammes par an.
4. Evolution de la quantité de méthane dans l'atmopshère
Le méthane, une fois dans l'atmosphère, va être dégradé chimiquement par le radical OH, qui est un oxydant de l'atmosphère. Cela supprime 85 % du méthane atmosphérique, entre 450 et 621 téragrammes par an. Il existe d'autres puits secondaires, toujours liés à la chimie stratosphérique cette fois-ci- un petit au-dessus, entre 10 et 50 km -, et à la chimie du chlore dans la basse atmosphère. Enfin, on a un puits de méthane dans les sols relativement secs, puisque les sols qui vont être gorgés d’eau ou saturés d'eau vont plutôt avoir tendance à émettre du méthane. On a sur la figure ci-dessous la variation du méthane dans l'atmosphère depuis les années 1980 jusqu'à 2013. On observe une période de croissance jusqu'à la fin des années 90, puis une période de stabilisation des concentrations et enfin de nouveau une période de croissance après 2007.
Si on prend la dérivée de cette courbe, on obtient ce qu'on appelle le taux de croissance, c'est-à-dire réellement combien de méthane chaque année s'accumule dans l'atmosphère. Ce sont les courbes en traits pleins. On voit que ce taux de croissance globalement baisse mais on voit aussi de fortes fluctuations d'une année sur l'autre. On comprend assez bien ces fortes fluctuations, comme par exemple celles de 97 - 98, qui sont liées à l'événement El Niño qui était le plus fort de la période et qui a entraîné des émissions supplémentaires liées aux feux de forêt. On voit ici la trace dans les émissions de méthane et dans l'accumulation plus forte de méthane dans l'atmosphère cette année-là. Après, on ne sait pas très bien expliquer sa croissance à partir des années 2007. On a besoin de travail supplémentaire pour comprendre quelles sources et quels puits sont responsables de ces variations puisqu'évidemment connaître le cycle du méthane aujourd'hui nous permet de faire des scénarios plus crédibles pour essayer de comprendre comment le méthane va évoluer dans le futur.
5. La question de l'arctique
Quand on parle du futur, une zone est très importante pour le méthane. C’est l’Arctique. L’Arctique est la zone la plus sensible pour le changement climatique. Il y a un fort potentiel d'émissions de méthane en Arctique dans un climat se réchauffant, en raison des zones humides mais aussi du dégel du pergélisol et des hydrates de méthane sur les marches continentales. Aujourd'hui, la zone Arctique émet entre 15 et 30 téragrammes par an, au-dessus de 60° nord. Elle est surveillée au niveau atmosphérique par différents réseaux qu'on peut avoir notamment en Europe (ICOS) et en Sibérie via des vols avions. Aujourd'hui, on n'observe pas d'augmentation forte du méthane dans les zones Arctiques, ce qui traduit le fait que l'on n'a pas de déstabilisation massive d’hydrates, de fonte massive du pergélisol ou d'émissions supplémentaires des zones humides. Par contre, il est important de continuer à surveiller cette zone. On a des projets, notamment un projet franco-allemand de satellites, de lidar spatial et mesures actives qui nous permettra, depuis l'espace, d'avoir une vision de ces zones Arctiques que l'on n'a pas aujourd'hui avec les satellites actuels. C'est le projet Merlin.
6. Réduire les émissions de méthane
Réduire les émissions de méthane est probablement moins complexe que pour le CO2 puisqu'on a des solutions technologiques qui vont peut-être moins impacter nos modes de vie quotidiens que toucher aux émissions de CO2. On a quelques solutions sans regrets sur le méthane, c'est d'abord la récupération du bio gaz, évidemment. Tout ce qui touche à la dégradation anaérobie va produire du méthane que l'on peut essayer de récupérer. C'est valable dans les décharges bien sûr, dans les méthaniseurs et même dans les mines. Il y a ensuite l'amélioration de la culture du riz. On peut essayer de travailler sur des riz semi-inondés et pas inondés en permanence, ce qui réduirait les émissions de méthane avec peut-être un rendement équivalent, une qualité du riz qui peut être aussi très bonne. Il y a encore l'amélioration de l'alimentation du bétail. Si on peut avoir un système de nouveau gagnant-gagnant en travaillant l'alimentation du bétail pour avoir soit du lait, soit de la viande effectivement de meilleure qualité tout en réduisant les émissions de méthane, il n'y a pas de raison de s'en priver, il y a beaucoup d'études qui vont dans ce sens aujourd'hui. Enfin, l'élimination des fuites de gaz naturel dans l'extraction, le transport ou l'utilisation paraît naturelle pour un produit qui coûte quand même relativement cher même si les tarifs actuels sont plutôt bas et donc ne favorisent pas forcément des investissements dans les réseaux. Mais c'est quelque chose qui devrait se faire assez naturellement.
Il y a quelques solutions où il faut faire attention, même si ça paraît facile au premier abord puisque dans l'environnement, quand on règle un problème on a toujours tendance en créer un autre ailleurs. Par exemple, le drainage des zones humides agricoles pourrait permettre de supprimer les émissions de méthane liées à ces zones humides. Mais attention, quel sera l'effet sur le carbone du sol si on draine les zones humides ? Est-ce qu’on ne va pas entraîner tout le carbone du sol des zones agricoles, appauvrir les sols et entraîner des émissions de carbone supplémentaires, ce qui n'était pas ce qu'on voulait faire au départ ? Il y a aussi la lutte contre les termites. On pourrait se dire qu'il n'y a qu’à éradiquer les termites. Or, des études récentes montrent qu'on a des bienfaits écosystémiques des termites pour d'autres aspects auxquels on ne pense pas forcément nous en tant qu'humains. Ces deux solutions, qui paraissent assez simples, sont quand même à regarder de plus près. Toujours est-il que pour le méthane, on a un volet d'action qui paraît important et qui permettrait de réduire ces émissions et d'avoir un impact important sur l'effet de serre à court terme.