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Description
Dans cette vidéo, Philippe Bousquet montre comment les activités humaines perturbent le cycle naturel du carbone. Il propose pour cela dans un premier temps une lecture géographique de ces émissions, et dans un second temps une étude des activités humaines qui en sont à l'origine.
Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre comment les activités humaines perturbent le cycle naturel du carbone
- Proposer une lecture géographique de ces émissions.
Domaines
- Air & Climat
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Niveau
- Bac+3
- Bac+4
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
Bousquet Philippe
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Le cycle du CO2 : un cycle naturel perturbé par les activités humaines
Philippe BOUSQUET
Professeur – Université de Versailles Saint-Quentin
Le dioxyde de carbone (ou CO2) est le second gaz à effet de serre naturel et le premier gaz à effet de serre anthropogénique.
1. Le cycle préindustriel du carbone
Avant la révolution industrielle, les échanges de CO2 se faisaient entre la biosphère continentale et l'atmosphère d'une part, avec la photosynthèse qui prend du CO2 dans l'atmosphère et rejette du dioxygène, la respiration de la végétation, des sols et les feux, qui à contrario vont prendre de l'oxygène dans l'atmosphère et rejeter du CO2 dans un échange à peu près équilibré. Il y a un deuxième type d'échange du même ordre de grandeur, même s'il est un petit peu plus faible. Il s'agit des échanges entre l'atmosphère et les surfaces de l'océan, avec dans les zones des eaux chaudes plutôt un dégazage de CO2 dans l'atmosphère, autour de l'Équateur, et dans les zones d’eaux plus froides, dans les moyennes et hautes latitudes, plutôt une absorption de CO2 par la surface de l'océan. Une fois dans l'eau, le CO2, contrairement à l'atmosphère où c'est un gaz inerte, est un acide faible et donc il va se dissoudre sous forme d’ions carbonates et bicarbonates et avoir tout un cycle chimique qui se met en place et contribue à l'acidification de l'eau. On a aussi une absorption par le phytoplancton, qui est la végétation marine de ce CO2, et un rejet dans le cadre d'échanges aussi de photosynthèse et de respiration. Enfin, il y a d'autres flux qui permettent de boucler finalement ce cycle du CO2 préindustriel, avec le volcanisme, l’érosion des roches, le transfert de CO2 et de carbone plus généralement depuis les surfaces continentales vers les rivières, vers l'océan et la réémission vers l'atmosphère.
Au niveau de ce cycle préindustriel, on a un équilibre des échanges de CO2 entre ces différents réservoirs que sont les surfaces continentales : les sols, l'atmosphère et les océans. Une marque de cette activité préindustrielle est la productivité primaire que l'on peut avoir à la fois sur les océans et sur les continents et qui est donnée depuis peu par les satellites. Ce n'est pas une quantification exacte, mais ça va indiquer les endroits où on va trouver une productivité primaire importante sur les continents via un indice de végétation - reconstitué par satellite- .
On voit sur la figure ci-dessus les zones vertes et bleues au niveau des forêts tropicales équatoriales et au niveau de l'Amérique du Nord, de l'Europe et de l'Asie au niveau des moyennes latitudes. Cette productivité est maximale sur les continents avec 60 pétagrammes de carbone par an environ d'échanges. Les facteurs qui limitent ces échanges sont la lumière, la température, l'eau et les nutriments : le carbone, l’azote, le phosphore. Sur les océans, on a grâce à la chlorophylle qui est reconstruite par satellite une indication de la productivité primaire. On voit dans l'Atlantique Nord une productivité importante, et dans l'océan Austral et près de toutes les côtes, notamment celles où on va avoir des deltas de grands fleuves, une productivité primaire relativement importante. On l’estime, via des modèles, à 50 pétagrammes de carbone par an. C'est le phytoplancton qui assure cette productivité et la limitation, dans ce cas, n’est pas l’eau mais plutôt la lumière, les nutriments et le fer.
2. Un cycle perturbé par les activités humaines
Ce cycle naturel, équilibré, est perturbé depuis la révolution industrielle (peut-être un peu avant mais en tout cas plus fortement depuis la révolution industrielle) par les émissions des combustibles fossiles : charbon, pétrole puis gaz pour un total d'à peu près 7,8, plus ou moins 0,6 pétagrammes de carbone par an pour les années 2000. Une autre source de CO2 est le changement d'utilisation des sols. C’est le fait de déforester, de brûler ou de convertir des terres entre des forêts, des prairies, des cultures et des zones urbaines. Cela a perturbé le cycle du carbone et a contribué à émettre de l’ordre de 1,1, plus ou moins 0,8 pétagrammes de carbone par an. C'est un flux plus faible mais aussi plus incertain que les émissions dues aux combustibles fossiles.
2.1. Combustion des énergies fossiles
La carte des émissions liées aux combustibles fossiles est représentée ci-dessous et il n'est pas trop surprenant de retrouver les trois zones « classiques » liées à tout ce qui est émission de polluants : Amérique du Nord, Europe et Asie, avec en Asie un mouvement des émissions depuis 15 ans du Japon vers la Chine.
On voit aussi sur cette carte quelques pays émergents : l'Inde, le Brésil et quelques pays africains qui apparaissent dans le concert des émissions de CO2 au niveau mondial. En ce qui concerne l'évolution de ces émissions depuis les années 60, on l’a ci-dessous par type de combustible. On voit que le pétrole dominait jusqu'aux années 2000, suivi du charbon qui était un petit peu en perte de vitesse et du gaz. Mais tirant la croissance asiatique, le charbon est devenu la première source de CO2 depuis les années 2000, encore une fois via les émissions asiatiques.
Il ne faut toutefois pas opposer fortement les émissions asiatiques au reste du monde puisqu'il ne faut pas oublier que via ces émissions, on fabrique un certain nombre de produits manufacturés - dans certaines catégories, même la plupart des produits manufacturés mondiaux -, qui sont ensuite utilisés par les différents pays, en Amérique du Nord, en Europe, en Australie etc. Par conséquent, une partie de ces émissions de CO2 devrait peut-être être réattribuée aux pays utilisant les produits. C’est d’ailleurs un travail qui est fait par certains collègues pour estimer un petit peu plus justement effectivement ces émissions de CO2. Ce n'est pas facile, mais c'est important de considérer cet aspect des choses. On voit donc bien qu’aujourd'hui, le charbon subit la plus forte croissance avec des réserves qui sont importantes pour l'avenir. Une autre vision de ces émissions de CO2 est celle des émissions par pays ou par habitant (figure ci-dessous).
On voit que par pays, c'est la Chine qui depuis 2007 est le premier émetteur de CO2 par combustion des combustibles fossiles, suivie des États-Unis, de l’Inde et de la Russie. Mais par habitant, une fois qu'on divise ces chiffres par la population de chaque pays, ce sont les États-Unis qui ont la plus forte émission par habitant, en notant qu'un Américain moyen va émettre environ deux fois plus de CO2 qu'un Européen moyen – on peut prendre par exemple l’Allemagne sur ce graphique. Cela traduit aussi le fait qu'en Europe, on a pris des mesures après les chocs pétroliers des années 70 pour améliorer l'utilisation de l'énergie, ce qui a contribué à émettre moins de CO2. Ce n'a pas été forcément le cas aux États-Unis. Un autre élément important est le cas de la Chine où on voit qu’à cause de la population importante, un chinois moyen va émettre à peu près autant de CO2 qu'un Européen moyen. Cela traduit la hausse du niveau de vie dans le pays, même s'il y a de forts contrastes entre les zones urbaines et les zones rurales. Ces deux aspects des émissions de CO2 sont importants puisque si on négocie par pays, dans les négociations internationales, chaque habitant a quand même le droit aussi d'avoir une certaine quantité d'énergie pour se développer lui et sa famille.
2.2. Déforestation
L’autre source due aux activités humaines est la déforestation. Pour les années 2000, on voit ci-dessous les deux pays qui contribuent le plus, pour 60 % à eux deux, à cette déforestation à l'échelle planétaire : le Brésil et l'Indonésie. Les autres pays y contribuent beaucoup plus faiblement mais quand même pour un total de 40 %, avec notamment les pays africains où l’on a beaucoup déforesté et où on a aussi des politiques de reforestation (comme dans les autres continents d'ailleurs).
2.3. Bilan
La figure ci-dessous fait le bilan de ces deux perturbations : les combustibles fossiles d'un côté et le changement d'utilisation des sols de l’autres.
On voit sur la courbe grise qu’on part de 2,5 pétagrammes de carbone par an dans les années 60 pour arriver à presque 10 aujourd'hui. Il faut souligner que cette croissance s’est accélérée dans les dernières décennies puisque jusque dans les années 90 on était à peu près à 1 % par an d'augmentation de CO2. Avec toute la croissance, notamment tirée par l'Asie, on a plutôt un taux de croissance du CO2 et des émissions de l’ordre de 2 % maintenant par an, ce qui relativement soutenu. Pour les changements d'utilisation des sols, on est partis à 1,4 pétagrammes de carbone par an, on est aujourd'hui à un petit peu moins de 1 pétagrammes de carbone par an (0,9), avec des efforts qui ont été faits pour endiguer la déforestation qui semblent commencer peut-être à porter leurs fruits. Le pic en 1997 dans les émissions liées aux changements d'utilisation des sols est dû à un événement El Nino, qui est un événement naturel, et qui a entrainé des sécheresses prononcées dans certaines zones du globe et donc des feux beaucoup plus importants qui ont émis plus de CO2 cette année-là. Toutes ces variations ne sont pas nécessairement liées encore une fois qu’aux perturbations humaines. Au final, il sera intéressant de voir ce que vont devenir ces émissions une fois qu'elles sont dans l'atmosphère.