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Description

Dans cette vidéo (11'04), Patrick Criqui, Directeur de recherche au CNRS, discute des quatre grandes trajectoires qui sont imaginées afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'un facteur 4 à l'horizon 2050 : sobriété, efficacité, diversité, décarbonisation. Il montre où peut être située la Loi sur la transition énergétique et propose une lecture internationale de cette problématique.

Contexte

Vidéo de la semaine de cours "Les objets du développement durable" du MOOC Environnement et Développement durable.

Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre ce qu’est le facteur 4 à l’horizon 2050
- Comprendre quelles sont les trajectoires énergétiques possibles pour parvenir à ce facteur 4, et situe par rapport à cela la loi sur la transition énergétique de 2015.
 

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Mentions Licence
  • Science politique
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 7. Energie propre et d'un coût abordable
Thèmes
  • Enjeux Climat/Énergie
  • Les solutions
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
énergietransitionscénario
Agroécologie : translation ou métamorphose ?
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Le tourisme durable
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Villes soutenables
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Transitions urbaines à la durabilité
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L'eau au coeur de la stratégie du développement durable
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La transition énergétique et la géothermie
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Population, environnement et développement
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Contributeurs

Criqui Patrick

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

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Patrick CRIQUI, Directeur de recherche – CNRS 

Aujourd’hui, le parlement est en train de discuter et de voter la loi de transition énergétique pour la croissance verte.

Alors, qu'est-ce que la transition énergétique ? Pourquoi engager ce processus et comment le faire ? C'est ce que je vais tenter d'expliquer dans les quelques minutes prochaines.

Qu'est-ce que la transition énergétique tout d'abord ? Et bien, on peut dire qu'il s'agit avant tout de diminuer la part des énergies fossiles dans l'approvisionnement énergétique de nos sociétés.

À l'échelle mondiale aujourd'hui, les énergies fossiles : charbon, pétrole, gaz naturel représentent plus de 80 % de l'approvisionnement.

Pourquoi faire une transition ? Est-ce que c'est parce que l’on va manquer d'énergies fossiles ?

On pourrait dire malheureusement non, parce que l'on sait que l'on a encore dans le sous-sol de la Terre des quantités très importantes, en tout cas trop importantes par rapport à ce que les émissions de gaz à effet de serre associées pourraient constituer en termes de danger sur le changement climatique. 

Donc ce n'est pas tant la rareté des énergies fossiles qui pose problème, c'est la question de l'accumulation des gaz à effet de serre qui découle de la combustion de ces énergies dans l'atmosphère.

Dans les scénarios énergétiques de laisser-faire au plan mondial, ce que l'on constate dans des études prospectives, c'est qu'il faudrait s'attendre, si on ne met pas en œuvre des politiques climatiques, on pourrait s'attendre à un doublement des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050, avec une stabilisation du pétrole et du gaz naturel à partir de 2030-2040, des progrès des énergies renouvelables, hydraulique, éolien, solaire, biomasse, et dans certains scénarios et dans certains pays des progrès également de l'énergie nucléaire.

Mais surtout dans ce scénario, l'énergie qui connaît les progrès les plus significatifs, c'est le charbon, parce que le charbon est très abondant aujourd'hui sur la Terre et son prix est relativement modéré et on constate d'ailleurs actuellement un retour du charbon.

Sans politiques climatiques appropriées, le XXIe siècle ou en tout cas le début du XXIe siècle marquerait le retour du charbon.

Et lorsque l'on présente ce type de scénario à nos collègues climatologues, ils nous disent mais ça c'est un scénario catastrophe parce que, dans ce cas-là, il faut s'attendre à une augmentation très importante des températures de l'ordre de 4 à 5°C d'ici la fin du XXIe siècle par rapport à la situation préindustrielle, c'est-à-dire le début du XIXe siècle.

Et là, il y a vraiment de très gros risques de dérèglement climatique.

Ça c'est le scénario probable si on ne fait rien. Le scénario souhaitable, qui supposerait la mise en œuvre de politiques très volontaires dans ce domaine, est un scénario qui présente un profil très différent : 

D'abord on consommerait beaucoup moins d'énergie, l’ordre de 20 à 25 % de moins d'énergie.

On aurait un développement beaucoup plus marqué encore des énergies renouvelables, de la biomasse, de l'énergie nucléaire.

On consommerait moins de pétrole, un peu moins de gaz naturel, mais surtout beaucoup beaucoup moins de charbon que dans le scénario du laisser-faire et c’est ça véritablement la caractéristique des scénarios de transition énergétique à l'échelle mondiale : moindre consommation et un mix énergétique, un bouquet énergétique plus équilibré avec beaucoup moins de fossile.

Enfin, il faudrait sans doute mettre en œuvre également des solutions de capture et séquestration du carbone, en particulier dans des centrales électriques, récupérer le carbone et le stocker de façon à éviter qu'il ne parte dans l'atmosphère.
 
Voilà quels sont les deux futurs possibles, le scénario probable si on ne fait rien, le scénario souhaitable du point de vue des équilibres climatiques.

Qu'est-ce que cela signifie pour un pays comme la France ? 

Alors en France, ont été étudiés en 2013 ce qu'on a appelé les trajectoires de la transition énergétique. 

Ces trajectoires, elles visent notamment à faire ce qu'on appelle le Facteur 4, c'est-à-dire diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à ce qu'elles étaient en 1990.

•    Donc le premier choix principal, c'est est-ce qu’on s’engage dans la transition vers le Facteur 4 ou est-ce qu’on continue sur la lancée et auquel cas on n’est pas, de fait, dans la transition ?

•    Deuxième transition tout à fait cruciale, importante, c'est quelle action, quelle est l'intensité de l'action que l'on mène du point de vue de la consommation d'énergie et certains des scénarios que nous avons étudié alors supposaient une réduction très importante de la consommation d'énergie en 2050, une division par deux de la consommation d'énergie française, alors que d'autres scénarios avaient des hypothèses également de réduction mais plus modérée de l'ordre simplement de 20 %.

•    Troisième niveau de décision, quelle source d'énergie on mobilise pour satisfaire la demande ? 

Et bien certains scénarios, à gauche sur ce transparent, indiquaient la nécessité, la nécessaire priorité aux énergies renouvelables, certains scénarios supposant même une sortie de l'énergie nucléaire.

En quelque sorte c’est inscrire la France sur la même trajectoire que ce que l'Allemagne est en train d'essayer aujourd'hui de mettre en œuvre, c'est-à-dire transition avec sortie du nucléaire.

Et puis à l'autre extrême, sur la droite de ce transparent, des scénarios qui défendaient plutôt le modèle français actuel, avec une moindre réduction de la demande et un rôle qui resterait significatif de l'énergie nucléaire de l'ordre de trois quarts de la production d'électricité.

Entre ces deux scénarios, des scénarios intermédiaires avec plus ou moins de réduction de la demande, mais dans tous les cas une diversification des sources d'énergie vers, de toute façon, des énergies peu carbonées, que ce soit une électricité décarbonée ou du bio gaz, des biocarburants, des énergies issues de la biomasse.

Cela nous a permis d'identifier quatre grandes trajectoires qui ont été discutées dans le processus du débat national par les parties prenantes, des représentants des O.N.G., des syndicats, des entreprises, de l’administration, des parlementaires et ça a permis d'identifier ces quatre scénarios.
-    Sobriété pour les scénarios de basse consommation et la sortie du nucléaire ;
-    Efficacité pour des scénarios de forte réduction de la demande avec une diversification ;
-    Diversité et décarbonisation pour le scénario qui représente le maintien du modèle énergétique français actuel.
 
Voilà quels ont été les scénarios élaborés et ça a permis de discuter leurs impacts potentiels et ça a surtout permis de fournir un certain nombre de bases à la loi de transition énergétique qui est actuellement discutée en France et qui actuellement est en train de se concentrer sur les deux options intermédiaires.

Les scénarios actuellement discutés sont des scénarios entre le scénario efficacité et diversité, les deux scénarios supposent 50 % d'énergie nucléaire dans la production d'électricité en 2025, la grande question est quel est l'avenir du nucléaire au-delà ? Ça fait partie des grandes interrogations de la politique énergétique en France.

Alors comment cette problématique se pose-t-elle au niveau international ? Et bien certains projets de recherche internationaux conduisent à essayer de développer des approches similaires pour les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, en particulier dans la perspective de la négociation climat qui va avoir lieu à Paris à la fin de cette année dans la première quinzaine de décembre, ce qu'on appelle la COP21, la conférence des parties à la Convention cadre des Nations Unies pour le changement climatique.

En particulier, le projet décarbonisation profonde des systèmes énergétiques qui est fondé sur un réseau organisé par les Nations Unies.

Ce projet regroupe des équipes qui sont issues à la fois de pays industrialisés, avec des niveaux de revenu par habitant qui sont élevés, supérieurs à 20 000 $ par habitant et par an, et également des pays émergents.

Et puis au sein de ces deux catégories, industrialisés et émergent, il y a des pays avec des fortes émissions de gaz à effet de serre par tête, c'est le cas des États-Unis, de l’Australie, du Canada ;

Des pays avec des émissions par tête un peu plus faible (entre 5 et 15 tonnes de CO2 par habitant et par an), la Corée, le Japon, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France ;

Et du côté des pays émergents, des pays également avec des niveaux d'émissions relativement élevées : Russie, Afrique du Sud, Chine ;

Et puis des pays avec des niveaux d'émissions un peu plus faibles.
 
Ce qu’il est important de noter ici, c'est que tous ces pays s'intéressent donc à la construction de scénarios de décarbonisation, et finalement qu'est-ce que ça signifie ? 

Ça signifie le fait qu'il faut passer de cette très grande dispersion des différents pays en termes de niveau d'émission absolu mais surtout par tête, à une fenêtre qui est beaucoup plus réduite pour la deuxième moitié du XXIe siècle.

Cette fenêtre, elle devrait correspondre tout d'abord à une certaine convergence des niveaux de PIB par tête.

C'est aujourd'hui déjà ce qui est en train de se produire puisque les pays émergents croissent beaucoup plus rapidement que les pays industrialisés.

Et puis surtout la fenêtre elle est définie par le fait que tous les pays devraient se trouver dans une plage entre 1 tonne et 2 tonnes de CO2 par habitant et par an.

Et bien, le véritable enjeu de la négociation climat pour Paris 2015, c'est bien cela, c'est comment on va arriver à faire converger les différents pays vers des niveaux d’émissions par tête très faibles.

On a des raisons d'être relativement optimistes sur le fait que les grands acteurs sont en train aujourd'hui de se mettre en branle, de se mettre sur le chemin de la décarbonisation.

C'est le cas de la France mais c'est aussi le cas par exemple d'un pays comme la Chine qui s'engage dans une politique de transformation de son système énergétique.

Et la grande interrogation, et un des grands enjeux de la conférence de Paris, c'est est-ce que le mouvement qui est engagé va se faire suffisamment vite pour éviter une accumulation trop importante de gaz à effet de serre d'ici l'horizon 2050 ?

Je crois que c'est ça la question cruciale. La transition est en route, est-elle aujourd'hui suffisamment rapide, on ne le sait pas encore, en tout cas dans les prochaines années, il faudra déployer des efforts importants pour qu'elle le soit.