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Description

Dans cette vidéo, Nadia Maïzi présente les deux grands types d'approches qui peuvent être mobilisées pour la négociation climatique : l'approche top-down, qui a dominé avec le protocole de Kyoto, et l'approche bottom-up, qui est celle autour de laquelle se construit la négociation actuelle. Afin de bien comprendre cela, elle en montre les implications pour les différents groupes de pays du monde.

Objectif d’apprentissage :
- Connaître les deux grands types d'approches mobilisées pour la négociation climatique.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Objectifs de Développement Durable
  • 13. Lutte contre le changement climatique
  • 7. Energie propre et d'un coût abordable
Types
  • Grain audiovisuel
Quantifier la contrainte climatique
Quantifier la contrainte climatique
Raccorder au réel les trajectoires d'émissions : un exercice politique
Raccorder au réel les trajectoires d'émissions : un exercice politique
Dénouer le noeud gordien climat-développement
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Déterminer les engagements compatibles avec l'objectif de 2°C
Déterminer les engagements compatibles avec l'objectif de 2°C
Le financement de la transition climatique
Le financement de la transition climatique
Comprendre ce que sont les coûts des politiques climatiques
Comprendre ce que sont les coûts des politiques climatiques
Maîtriser les esprits animaux de la finance au service de la transition bas carbone
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Rechercher les conditions technologiques d'une transition énergétique intelligente
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Contributeurs

Maïzi Nadia

Mines Paris-PSL

Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Élaborer des chemins technologiques souhaitables, plausibles et soutenables

Nadia MAÏZI
Professeur – MINES ParisTech

Pour construire un futur qui soit compatible avec l'objectif de 2°C, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre qui peuvent être vues comme un fardeau que l'on devrait se répartir.

1. Répartition du fardeau

C'est le cadre par exemple dans lequel le protocole de Kyoto a été élaboré. Cet accord climatique a été mis en œuvre pour la première fois le 16 février 2005. Il a été élaboré sur le principe suivant : seuls les pays du Nord devaient se répartir ce fardeau, les pays en développement en étant exonérés. La période du protocole allait de 1990 jusqu'à un horizon glissant de 2008 à 2012. Ce protocole n'a sans doute pas eu le succès escompté en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais sa mise en œuvre a permis de réfléchir à un certain nombre de questions clefs par rapport aux processus d'engagement adoptés sur lesquels il est intéressant que nous revenions. Tout d'abord, il s'agissait d'arbitrer la meilleure façon de partager le fardeau. Deux options étaient envisageables : tout d’abord l'option dite bottom-up, où chacun des pays va proposer sur la base d'engagements volontaires ses propres niveaux de réduction ; a contrario, l'option top-down, consiste à assigner par le haut des objectifs de baisse des émissions qui sont ensuite déclinés sur l'ensemble des pays émetteurs. Le protocole de Kyoto s'est établi dans cette vision top-down, fortement soutenue par l'Europe qui y associait une idée de gouvernance climatique. À la difficulté de la mesure des gaz à effet de serre s'ajoute la difficulté de mettre en place dans ce genre d'accord des sanctions dans le cas de non-respect des engagements lorsque le cadre est contraignant. Dans les textes, en général, le mot sanction n'est pas adopté car il remettrait en cause la souveraineté des pays signataires. Il existe dans le protocole de Kyoto des mécanismes de coercition. Mais ils n'ont pas empêché certains pays comme le Canada de largement dépasser ces limites d'émissions et de choisir de quitter le protocole sans aucune contrepartie. Aussi, d'autres pays comme le Japon et la Nouvelle-Zélande sont partis du protocole à la fin de la première phase pour ne pas subir d'éventuelles pénalités lors de la seconde phase. Une troisième question liée à cet accord est celle de l’année de référence qui a pu permettre, à certains pays connaissant des bouleversements économiques et politiques, de se retrouver bien en deçà du niveau d'émissions qu'ils avaient lors de l'année de référence (1990), comme par exemple la Russie. Aujourd'hui, c'est également dans une logique de partage du fardeau que vont s'inscrire les prochaines négociations de Paris dans le prolongement d'un processus entamé à Copenhague.

2. Modélisation des trajectoires (général)

Nous avons voulu essayer de comprendre comment ces gouvernances climatiques pouvaient être étudiées grâce à la mise en œuvre d'un modèle qui permet de regarder les trajectoires sur le long terme. Deux trajectoires sont retenues. La première permet d'être compatible avec l'objectif de 2°C. Sur la figure ci-dessous, la courbe grise représente un engagement des pays industrialisés et des pays émergents à hauteur de 95 % de réduction de leurs émissions par rapport au niveau de 2005 et un engagement des pays en développement de 30 % par rapport à leur business as usual, c'est-à-dire leur scénario de référence. Nous avons une autre courbe, très proche, qui est la courbe sur laquelle nous avons mis une contrainte de 2°C, c'est-à-dire qu'on a imaginé qu'il y aurait une gouvernance climatique imposant par le haut cette contrainte. Ces deux courbes sont très proches mais elles reflètent des réalités très différentes.

3. Comprendre ce qu’est un modèle

Pour réaliser des visions du futur, il existe un certain nombre d'approches qui ont été développées à partir des années 50. Dans l’approche de storytelling, on raconte une histoire à laquelle souvent on croit, et on l’étaye avec des descriptions, des visions, des dires d'experts. Dans l’approche du back-casting, on construit les scénarios en fixant un point, un objectif et on va remonter le temps avec des étapes intermédiaires pour essayer de comprendre comment, consolidant la trajectoire, on arrive à évaluer les mesures pour atteindre ce fameux objectif. La troisième famille d'approche prospective repose sur des modèles, des modèles d'offres et de demandes, et ce sont sur ce type d'approche que nous avons développé nos trajectoires.

4. Description du modèle

Dans le modèle présenté ici, nous partons d'une demande qui nous est donnée sur un horizon de long terme. Notre modèle va évaluer l'offre technologique qui lui sera associée dans le meilleur compromis coûts/efficacité. L'hypothèse principale est que la décision d'investissement repose sur un planificateur, c'est-à-dire qu’elle est centralisée. C'est totalement irréaliste dans le monde concurrentiel dans lequel nous vivons. Cependant, ce qui est intéressant, et comme on a un paradigme de modélisation qui repose sur une optimisation, c'est que les résultats que produit ce modèle indiquent ce que l'on pourrait envisager dans le meilleur des cas en donnant donc une borne inférieure en termes de système productif et du coup, en termes d'émissions. Une force de ce modèle est de représenter l'ensemble des technologies d'offres pour satisfaire des demandes d'usage en énergie. On va donc pouvoir tenir compte de compétitions et de substitutions dans une très grande cohérence. Dans les trajectoires que nous avions élaborées dans le graphe présenté plus haut, nous avons derrière chacune d'entre elles un système de production d'énergie associé à une zone particulière puisque notre modèle décline le monde en seize régions.

5. Description des trajectoires (analyse)

Maintenant qu'on a un peu ouvert la boîte noire de ces modèles, on va pouvoir aller plus loin dans la compréhension de ce partage du fardeau. Le fardeau est ce qui correspond à la différence entre le scénario de référence (le business as usual), donné en rouge en haut de la figure, et puis notre scénario climatique qui va être, dans le premier cas que nous étudions, celui où on est dans une vision top down de partage du fardeau. On a un fardeau de 37,8 gigatonnes de CO2 à se répartir et on a décliné cette répartition - puisque notre modèle permet d'ouvrir la boîte -, en trois grandes régions, les pays industrialisés, les pays à croissance rapide et les pays en développement (figure ci-dessous).

À première vue, on pourrait penser que la répartition est équitable puisque l'on trouve des quantités d’émissions à peu près équivalents mais c'est une analyse assez superficielle. Il faut aller un tout petit peu plus loin en regardant sur le graphique ci-dessous ce que cela représente réellement en termes d'évolution par rapport au business as usual des différentes zones. A gauche, vous avez les scénarios qui déclinent le business as usual pour les trois grandes régions, et à droite, vous voyez, les efforts que chacune des régions a dû consentir pour diminuer et arriver au scénario climatique.

On voit bien sûr que c'est la région correspondant aux pays en développement qui en pâtit le plus, puisqu'elle doit consentir une réduction de 84 % par rapport à son business as usual. Ce résultat est logique. Ce n'est pas que le modèle n'est pas juste et ne s'embarrasse pas des spécificités régionales, c’est qu’il fonctionne sur un principe où il va tout d'abord agir là où le compromis coûts/efficacité est le plus rentable. C'est donc sur les pays en développement que, rationnellement, les efforts devraient se porter, puisque c'est là où ça coûterait le moins cher et où ça serait le plus efficace. Si on repart maintenant rapidement dans une vision bottom-up du partage du fardeau, donc la vision inverse où là les pays s'engagent de manière volontaire, on voit que la répartition se fait tout naturellement très différemment et qu’en bas, les pays en développement ont une part de fardeau bien moins importante (figure ci-dessous).

Sur cette analyse, on se rend compte que dans cette vision, la répartition va devenir beaucoup plus soucieuse des disparités régionales puisque si on regarde une comparaison entre le business as usual par région et notre nouveau scénario climatique, on se rend compte que l'effort consenti ne pèse plus que sur les pays en développement qui participent un petit peu, mais essentiellement sur les pays émergents et sur les pays industrialisés (figure ci-dessous).

Dans cette logique, nous avons considéré que les pays émergents n’étaient pas dans une vision de responsabilité historique, faute de quoi ils n’auraient pas proposé à la même hauteur que les pays industrialisés ce niveau de 95 % de réduction des émissions. C’est cette approche de l'engagement volontaire qui va présider aux prochaines négociations lors de la COP 21 qui se tiendra à Paris en décembre.