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Description

Dans cette vidéo, Jean-Charles Hourcade discute de la possibilité d'un prix du carbone, de ses intérêts mais aussi de ses limites et de ses difficultés en matière de mise en œuvre. Il analyse ensuite les trois outils actuellement utilisés pour les politiques climatiques : les taxes, les quotas et les normes techniques.

Objectifs d’apprentissage :
- Appréhender la possibilité d'un prix du carbone, de ses intérêts
- En comprendre les intérêts, les limites, les difficultés de mise en œuvre
- Appréhender les trois outils utilisés pour les politiques climatiques.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Thèmes
  • Écologie & Action politique
Types
  • Grain audiovisuel
Quantifier la contrainte climatique
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Raccorder au réel les trajectoires d'émissions : un exercice politique
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Elaborer des chemins technologiques soutenables, plausibles et soutenables
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Dénouer le noeud gordien climat-développement
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Déterminer les engagements compatibles avec l'objectif de 2°C
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Le financement de la transition climatique
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Maîtriser les esprits animaux de la finance au service de la transition bas carbone
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Rechercher les conditions technologiques d'une transition énergétique intelligente
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Contributeurs

Hourcade Jean-Charles

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

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Ce  document  contient  la  transcription  textuelle  d’une  vidéo  du  MOOC  «  Causes  et  enjeux  du  changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots,  l'articulation  des  idées  et  l’absence  de  chapitrage  sont  propres  aux  interventions  orales  des auteurs.

Comprendre ce que sont les coûts des politiques climatiques

Jean-Charles HOURCADE
Directeur de recherche – CNRS

L’objectif est d’essayer de comprendre ce que sont les coûts des politiques climatiques, car c'est bien ça qui retient de les lancer surtout dans un contexte difficile fait de chômage et de sous-emploi.

1. L’idée de base

Les économistes avancent une idée très simple. Il faut qu'il y ait un prix du carbone qui permette à chacun d'abattre les émissions jusqu'au niveau où le coût marginal d'abattement est égal à ce prix. Pour comprendre ce qui se passe, regardons le graphique ci-dessous.

Il y a deux pays qui veulent abattre la même quantité d’émissions. Le pays B paraît « plus » doué que l'autre : sa courbe de coût d'abattement monte moins vite que le premier. Si chacun veut faire séparément le même objectif, on voit que le pays A va le faire avec un coût Ca bien supérieur au coût Cb du second. C'est très inefficace. Pour être efficace, il faudrait que chacun mène un effort jusqu'au moment où leur coût marginal sera égal à ce qui est marqué ici, avec le symbole P*. Si on fait ça, le pays A va abattre moins d'émissions et le pays B va en abattre plus. Au total, le niveau de performance environnementale sera le même. Le pays A aura économisé le triangle rouge sur la gauche et le pays B va exporter des émissions et va gagner le triangle rouge que vous avez sur la droite. C’est donc un argument simple et de bon sens qui fait que chacun gagne à avoir un prix unique du carbone.

2. Confrontation au réel

Cette idée est compliquée par le fait que, dans le monde réel, il y a des secteurs économiques qui sont plus ou moins affectés par une taxe carbone parce qu'ils consomment plus ou moins d'énergie, et surtout que certains sont en amont des autres et qu’ils peuvent plus facilement leur faire payer la facture. Par exemple dans des pays où les systèmes fiscaux sont très différents, mais aussi dans des pays très inégaux en matière de revenus, il faut savoir que les dépenses énergétiques des ménages à bas revenus représentent une part bien plus importante de leur budget que cette même part pour les ménages aisés : 50 € la tonne de carbone pèse bien plus sur le bien-être de quelqu'un qui gagne 2 € par jour que quelqu'un qui gagne 2000 € par jour. Ce sont des arguments simples à comprendre mais il y en a un dernier tout aussi important pour les politiques économiques, peu tangible mais qui est celui de la propagation des coûts entre secteurs industriels, entre ménages et entre industries, ménages et pouvoirs publics/Etat. Pour comprendre ce qui se passe, on peut regarder le graphique ci-dessous. Tout serait simple si avec un coût du carbone de 10, chacun allait payer 10.

Ce n'est pas ce qui se passe, parce que d'abord ce coût de 10 va devenir 10 plus quelque chose (ici, j’ai mis X), quand il sera facturée par l'entreprise énergétique. Mais surtout, cette somme-là va se propager aux secteurs producteurs d'acier, producteurs de ciment, et à tous les secteurs en aval, ce qui fait qu’au total l’ensemble des coûts de production de ce que vous achetez va se renchérir (ici , c’est la somme Y). Il faut savoir que dans les simulations que l'on a, cet effet de propagation peut aboutir à une facture qui, par exemple si l'on part de 10, peut aller jusqu'à 15 ou 20. Ceci va peser sur le pouvoir d'achat des ménages et cela va affecter la compétitivité des entreprises. La seule façon de bloquer cet effet de propagation, c'est qu'en même temps qu'on taxe quelqu'un de 10, les entreprises par exemple, on les détaxe de 10, c'est-à-dire qu'on réduise les impôts qui affectent les coûts de production. Dans la majorité des études qui sont conduites sur le sujet dans les pays européens ou aux États-Unis, la meilleure façon de le faire bien sûr c'est de baisser les charges sociales pour bloquer ça. On voit donc que ça a un rôle très important puisque c'est un problème de débat social sur la façon dont on utilise les produits de la taxe.

3. Outils des politiques climatiques

En termes de politique énergétique et climatique, qu'est-ce qu'on peut retenir de ça pour l'analyse des trois outils qui nous sont proposés principalement : les taxes, les quotas et les normes techniques ? Dans la réalité, ces trois outils sont utilisés d'une façon mixte. Mais il est intéressant de savoir ce que chacun fait, et quels sont les avantages et les inconvénients de chacun d'entre eux.

3.1. Taxe carbone

Quand on regarde les taxes carbone, c'est simple. Un pays prend une taxe, il la recycle en interne, il n'y a pas de transferts internationaux. On sait ce qu’on paye, c’est le niveau de la taxe, mais on n'est pas très certains du résultat en termes d'abattement, il faut le savoir. Un autre avantage découle du fait que si cette taxe est bien recyclée, on peut espérer avoir des coûts sociaux aux coûts techniques.

3.2. Quotas

Avec les quotas, on a des transferts internationaux entre les pays dans lesquels le coût d'abattement est plus élevé en direction des pays dans lesquels le coût d'abattement est le plus faible (en général dans le monde moderne c'est plutôt en direction des pays en développement). Mais ça pose un problème très important : comment on va allouer les quotas entre la Chine, entre l'Inde, l’Europe et les États-Unis ? Quelle règle va être adoptée et sera reconnue comme équitable ? Il y a un vrai défi qui n'a jamais été résolu au protocole de Kyoto et depuis. Avec ce système, on connaît à priori le résultat. Sauf que l'on est incertain sur le coût que l'on va supporter en dernière instance et il y a toujours une incertitude sur le fait qu'un pays confronté à un coût qu’il n'a pas attendu respecte sa signature. Et il y a surtout un dernier problème, en raison des risques de propagation que l'on vient de voir, il y a des coûts sociaux supérieurs aux coûts techniques s'il y a allocation gratuite des permis. Il faut savoir bien sûr que le résultat est différent s’il y en a des occasions aux enchères parce qu'à ce moment-là on peut prendre l'argent pour baisser des taxes qui retombent sur le coût de production mais à ce moment-là, pourquoi passer par un système si compliqué et non pas directement passer par une fiscalité carbone ?

3.3. Normes

Il y a enfin des normes techniques dont on ne connaît pas les coûts. Ce sont des sortes de coûts cachés qu’on n’annonce pas, mais ces coûts existent. Eux aussi se propagent, eux aussi seront payés par les consommateurs et les travailleurs. L'efficacité des normes est réelle mais moins importante que ce qu'il n'y paraît, en raison de ce que l'on appelle les effets rebond. Vous me donnez un véhicule plus efficace (ex : 2 litres au 100 km), je risque de rouler plus en voiture parce que mes dépenses en essence vont baisser. Vous me donnez des moteurs plus efficaces pour les camions, et bien plus de marchandises vont être transportées par le camion plutôt que par le rail ou par les voies d'eau. Pour bloquer cet effet rebond, on est bien forcés de les compenser par un renchérissement des prix de l'énergie.

4. Autres aspects à prendre en compte

Dans la dynamique des émissions et des politiques qu'il faut mener pour les réduire sur le long terme, il n'y a pas que le prix du carbone qui compte. La mobilité automobile, par exemple, n'est pas seulement liée à un problème de prix de l'essence. C’est un problème de prix de l'immobilier qui pousse les gens à s’excentrer par rapport aux centres urbains. Ca dépend donc des politiques d'infrastructures qui sont menées par les villes, par les régions, par les départements. Ça dépend aussi d’aspects comme l’installation de supermarchés en périphérie des villes moyennes. De même, pour les énergies nouvelles et renouvelables, on sait très bien qu'elles sont très souvent intermittentes et qu’il faut des réseaux de transmission et de distribution. Mais ça, ça dépend de quoi ? Pas seulement du prix du carbone. Ca dépend des politiques de régulation des marchés énergétiques. On a la même chose pour le marché des carburants à grande échelle qui dépend du prix des terres et de la rémunération des agriculteurs. Enfin, et surtout, les risques d’investissements bas carbone - parce qu'on a un prix du carbone, c'est bien, il en faut, mais ça peut très bien ne pas suffire à déclencher les investissements -, sont liés au fait que des brusques variations des prix du pétrole et des prix des devises peuvent annuler très rapidement l'impact de toute taxe carbone, même significative. Il y a bien sûr aussi les incertitudes technologiques.

5. Conclusion

Le coût économique et social d'une politique climatique n'est pas seulement affaire de coûts techniques. Il dépend de la façon dont la hausse des prix de l'énergie est accompagnée par des politiques fiscales et financières, par des politiques de transport, d'urbanisme, d'aménagement du territoire. De telles mesures ne sont pas adoptées uniquement pour des raisons climatiques mais bel et bien en fonction d'autres enjeux de développement et de politique économique.