Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Sécheresse et ressources en eau en France

Éric MARTIN
Chercheur – Météo-FR

L'eau est un élément clé dans la vie des hommes, des animaux et des plantes. C'est aussi une ressource précieuse, largement utilisée dans certains secteurs comme l'agriculture, l’industrie, l'eau potable ou le tourisme. Nous cherchons de plus en plus à la maîtriser, mais de fait, nous sommes de plus en plus dépendants à cette ressource qui malheureusement, est inégalement répartie dans l'espace et dans le temps. Ce qui fait que lors de sécheresses récentes, associées à de fortes températures, en fait nous avons connu de nombreux problèmes de gestion. Il est donc légitime de se demander quel sera l'avenir de cette ressource dans le cadre du changement climatique.

1. Définitions

Avant de se projeter vers le futur, regardons d'abord ce qu'est une sécheresse et quels enseignements nous apportent les observations du passé. D'une manière théorique, une sécheresse est définie comme un déficit dans une des composantes du cycle de l'eau. On peut parler de sécheresse météorologique, correspondant à une baisse de précipitations, de  sécheresse agricole, correspondant à de l'eau plus basse que la normale dans les sols, ce qui peut poser des problèmes pour le développement des plantes, et de sécheresse hydrologique, correspondant en fait à une baisse de niveau d'eau dans les rivières et dans les aquifères. Prenons l'exemple de 2003, qui fut un été chaud et sec. En fait, 2003 n'est pas une sécheresse météorologique parce que les précipitations ont été normales sur une grande partie de la France. Par contre, c’est une sécheresse agricole, les hautes températures du printemps ayant asséché les sols de manière prématurée (figure ci-dessous).

2. Observations du passé

Si on regarde un peu plus loin vers le passé, il faut savoir que les observations de précipitations ne montrent pas de tendance significative ni à la hausse ni à la baisse sur les 50 dernières années. Par contre, les observations de débit mesuré sur des rivières qui ne sont pas influencées par des barrages ou par des pompages montrent une tendance à la baisse, localisée sur certaines régions du sud de la France, sur la zone entourée en bleu sur le graphique ci-dessous.

Ces tendances à la baisse peuvent être associées soit à la variabilité naturelle du climat parce que le climat a toujours varié et continuera toujours à varier quoi qu'il arrive, ou alors au changement climatique en cours, changement climatique engendré par l'homme. On n'est pas capable aujourd'hui de déterminer quel est le facteur prépondérant dans ces tendances.

3. Projections

Il existe déjà des tendances aujourd'hui. Mais regardons vers le futur. Du côté des précipitations, les tendances annoncées par les scénarios climatiques seraient plutôt à la baisse dans le sud de la France et en été comme dans l'ensemble du bassin méditerranéen. L'augmentation des températures va aussi agir sur le cycle hydrologique via deux processus clés, le premier étant l’évapotranspiration, le deuxième la neige. L’évapotranspiration correspond à l'évaporation directe du sol, plus l’eau extraite par les racines des plantes qui en ont besoin pour se développer. L’évapotranspiration est une composante importante puisque ça correspond à deux tiers des précipitations. Le débit dans les rivières ne correspondant qu’à un seul tiers de précipitations. Dans le climat futur, l’évapotranspiration augmentera parce que les plantes auront besoin de plus d'eau pour continuer à se développer. Au printemps, l’évapotranspiration augmente donc, asséchant les sols jusqu'à un point de rupture situé à la fin du printemps ou au début de l'été à partir duquel les sols deviennent extrêmement secs. L'état de sécheresse s’installe et du coup l’évapotranspiration en climat futur sera plus basse qu'aujourd'hui au cours de l'été (figure ci-dessous).

Le deuxième processus clé correspond à la neige et concerne les rivières de montagne ou immédiatement à l’aval. En climat futur, la fonte de la neige sera plus précoce et sera plus rapide, ce qui fait que la sécheresse estivale dans ces rivières s’installera plus rapidement et c’est un deuxième facteur aggravant pour le cycle hydrologique et les ressources en eau.

Combinons ces deux facteurs (figure ci-dessus) et regardons quel sera l'impact sur les débits des rivières à l'échelle de la France. Voici une carte (ci-dessous) qui montre des tendances et des variations de débit entre la situation actuelle et le climat du milieu du siècle. Les tendances sont plutôt à la baisse sur l'ensemble du territoire, certaines zones étant les plus touchées, en particulier le sud-ouest de la France où les débits seraient divisés par deux.

Une autre zone qui est également relativement bien touchée est une partie du bassin de la Seine. Du côté des sécheresses du sol, sécheresses agricoles, il faut s'attendre à une extension beaucoup plus importante des sécheresses quel que soit le scénario climatique. On passerait de 20 % du territoire touché en moyenne à près de 80 % dans le cas du scénario climatique le plus pessimiste. Ceci est très important et signifie par exemple que l'année 1990 qui est la sécheresse récente la plus étendue connue correspondrait en fait à une année plus humide que la normale à la fin du siècle.

4. Conclusion

Il est clair que le changement climatique apportera des changements profonds au niveau des ressources en eau à l'échelle de la France. Il faut s'attendre à des sécheresses beaucoup plus marquées et beaucoup plus fréquentes et c’est le sud de la France qui sera le plus touché. Ceci va donc engendrer des tensions importantes au niveau de la ressource en eau si aucune mesure n'est prise. Quelles sont les mesures qui pourraient être prises pour essayer de limiter cet impact ? La première mesure serait de limiter l'intensité du réchauffement. La deuxième serait de s'adapter à cette situation nouvelle. S’adapter veut dire mieux consommer l'eau, moins la consommer et développer des méthodes également pour mieux gérer les situations de pénuries qui ne manqueront pas de se produire à l'avenir.