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Description

Gonéri Le Cozannet, chercheur au BRGM, discute dans cette vidéo du changement climatique en Europe. Il en montre les principaux impacts et risques puis il donne des clés pour apprécier la pertinence des mesures d’adaptation aujourd’hui disponibles.

Objectifs d'apprentissage :

- Identifier les principaux risques liés au changement climatique en Europe
- Appréhender les solutions d’adaptation sous plusieurs angles afin d’apprécier leur pertinence

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Science politique
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 13. Lutte contre le changement climatique
Thèmes
  • Atténuation, Adaptation & Résilience
  • Écologie & Action politique
  • Les solutions
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
changement climatiqueEuroperisquescatastrophes naturellesadaptationpolitiquesressource en eausécheresseODDGIECécosystèmes
Changement climatique et santé humaine
Changement climatique et santé humaine
Changement climatique, agriculture et sécurité alimentaire
Changement climatique, agriculture et sécurité alimentaire
Atténuer le changement climatique : quels défis économiques ?
Atténuer le changement climatique : quels défis économiques ?
Changements climatiques en Méditerranée
Changements climatiques en Méditerranée
Le changement climatique : une réalité en Normandie
Le changement climatique : une réalité en Normandie
Contributeurs

Le Cozannet Gonéri

chercheur au BRGM

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L'Europe face au défi du changement climatique

Gonéri LE COZANNET, Chercheur au BRGM

1. Les risques clés en Europe en lien avec le changement climatique
En février 2022 est paru un rapport du GIEC sur les impacts, la vulnérabilité et l’adaptation qui comprend un chapitre sur l’Europe. Ce chapitre identifie quatre risques clés :
1) les vagues de chaleur avec des conséquences pour la santé des personnes et pour les écosystèmes ;
2) les pertes de rendement agricole dues aux vagues de chaleur et aux sécheresses ;
3) les pénuries d’eau qui affectent le monde agricole mais également la production d’électricité, les barrages, les centrales thermiques, et les particuliers ;
4) les inondations côtières en raison de l’élévation du niveau de la mer et les inondations continentales en raison des pluies intenses.

Vous avez ci-dessus une photo qui illustre une inondation continentale liée à un épisode de pluie intense, en 2016. Cet évènement a coûté à peu près 1,4 milliards d’euros de dommages assurés. Il a deux fois plus de chances de se produire aujourd’huique dans un climat préindustriel.

Au-delà de ces quatre risques clés, on a une série de risques en cascade qui peuvent concerner les feux de forêt ou les risques pour le système assurantiel et financier ou les risques de pertes de chaîne de production. Plus le réchauffement climatique va s’aggraver et plus ces risques deviendront intenses.

Si on prend l’exemple du risque sur la santé humaine et la mortalité, on voit par exemple que jusqu’à 0,7°C de réchauffement, on a très peu d’effets sur la santé humaine du réchauffement climatique en Europe. Entre 0,7 et 1,5°C, on a des effets qu’on va qualifier de modérés, comme des morts pendant les canicules, mais en nombre suffisamment limité pour ne pas mettre en danger les systèmes de santé. Puis, plus on monte dans les températures globales et à l’échelle de l’Europe, plus on va vers des risques graves jusqu’au moment où on atteint les limites à l’adaptation : autour de 3°C de réchauffement climatique, on atteint des limites à l’adaptation, et on peut avoir autour de 90 000 morts par an en Europe et des systèmes de santé - dans le sud de l’Europe – qui présentent un risque d’effondrement.

2. L’adaptation au changement climatique en Europe
Face au changement climatique, on a une adaptation qui est réelle et qui progresse, mais qui reste insuffisante face à la rapidité des changements. C’est illustré ci-dessous à travers les plans nationaux d’adaptation.

Ces plans nationaux sont l’un des dispositifs pour l’adaptation, mais il y en a de nombreux autres : plans régionaux, plans des villes, actions des acteurs privés, etc. On voit par exemple que la France est relativement satisfaite de la manière dont elle prépare l’adaptation, évalue les risques, identifie les options, et suit et évalue son adaptation au niveau national. En revanche, en termes de mise en œuvre, elle est moins satisfaite. Si on regarde la Grande-Bretagne, on voit qu’elle est plus satisfaite de sa mise en œuvre. Malgré cela, l’équivalent du Haut conseil pour le climat de la Grande-Bretagne considère que la Grande-Bretagne est moins bien préparée au changement climatique qu’en 2015, simplement parce que l’adaptation allait trop lentement par rapport à un changement climatique qui allait très vite. En d’autres termes, on a un fossé entre la planification et la mise en œuvre de l’adaptation, et ce fossé continue de se creuser.

3. Faisabilité et efficacité des mesures d’adaptation
L’enjeu est de sortir d’une adaptation qui est souvent très locale et limitée à un segment d’activité et d’aller vers des transformations qui soient vraiment susceptibles de nous mettre dans de bonnes situations face au changement climatique, voire peut-être d’améliorer les conditions de vie.

Le rapport du GIEC évalue les mesures d’adaptation au regard de leur efficacité et de leur faisabilité, dans différents secteurs comme la santé humaine, les inondations, l’agriculture. Ici, nous nous intéressons aux pénuries d’eau (figure ci-dessous).

Aujourd’hui, on observe qu’en Europe les mesures d’adaptation consistent surtout à augmenter l’offre d’eau. Ça va être par exemple le stockage d’eau dans les nappes ou en surface, la désalinisation d’eau de mer, ou encore la réutilisation de l’eau usée. Si on prend le cas du stockage, on voit que l’efficacité est limitée car avec le réchauffement climatique, on a davantage d’évaporation et de transpiration des plantes. Lors des sécheresses, on aura donc plus vite des situations de tension sur la ressource en eau. En termes de faisabilité, la faisabilité économique est relativement limitée dans la mesure où ce sont des infrastructures qui coûtent cher. Par contre, il y a un soutien institutionnel à ce type de solution. Aussi, on a des compromis en termes écologiques parce que l’eau qui est prélevée pour être stockée dans des réservoirs manquera tout simplement à des écosystèmes de rivières ou à des estuaires.

Si on regarde l’ensemble des mesures disponibles, on a toute une série de mesures moins bien développées aujourd’hui qui concernent la demande. Ce sont par exemple des réglementations qui permettent d’éviter une demande trop forte en eau, ou alors des instruments économiques comme une tarification de l’eau progressive. Ça peut être également une concertation entre usagers ou l’utilisation de cultures qui sont moins demandeuses en eau. Économiquement, ces mesures sont intéressantes car elles sont très peu coûteuses. D’un point de vue institutionnel, elles sont soutenues mais nécessitent peut-être une volonté de coopérer. Aussi, l’intérêt qu’on peut voir de ces mesures orientées demande est qu’elles limitent les conflits entre usagers. En revanche, ces mesures orientées « demande », seules, sont moyennement efficaces et doivent être combinées aux mesures orientées « offre » afin de faire face à cette pénurie d’eau liée au changement climatique.

4. Compromis
Un autre moyen d’évaluer les mesures d’adaptation est de regarder les coûts-bénéfices et les compromis de chaque mesure, au regard notamment des 17 Objectifs de Développement Durable (figure ci-dessous).
À chaque fois que vous avez un « plus », c’est que l’Objectif de Développement Durable concerné est favorisé par la mesure d’adaptation. La bonne nouvelle est que la plupart des mesures d’adaptation s’accompagnent d’avantages pour l’économie, le bien-être et les écosystèmes. Mais ce n’est pas le cas de toutes. On a l’exemple des infrastructures côtières qui constituent un compromis : on offre de la sécurité dans les villes contre les inondations, mais on perd des espaces pour les écosystèmes. Si on prend l’exemple des mesures qui concernent la terre et les écosystèmes côtiers, océaniques et terrestres, on voit que l’agroforesterie est une mesure qui est très bien évaluée. Elle permet, par exemple, d’avoir une eau de meilleure qualité, de conserver davantage d’écosystèmes terrestres, et puis d’aller vers une meilleure santé. Cette mesure est donc très bien évaluée au regard des Objectifs de Développement Durable.

5. Conclusion
Dans ce sixième rapport du GIEC, on voit toute une série de mesures d’adaptation qui sont vraiment des transformations et qui nous permettent de nous adapter à un changement climatique qui est déjà là. Malheureusement, on ne va pas dans cette direction. On va plutôt vers la figure de gauche (ci-dessous) qui est une illustration très schématique, mais qui montre bien vers quoi on va : des pertes massives de biodiversité marine, de biodiversité terrestre, des risques pour la production alimentaire, des villes dans lesquelles les îlots de chaleur urbains sont amplifiés par le manque de végétation et par la pollution de l’air liée à des transports qui sont toujours carbonés. A droite, on a un monde dans lequel on a atteint les Objectifs de Développement Durable, on a limité le réchauffement climatique, on s’y est adaptés, et on a limité les pertes de biodiversité. Dans ce monde, on a réussi à mettre en œuvres des Aires Marines Protégées, sans pêche, l’agroécologie, qui est une solution pour l’agriculture qui consiste à limiter les intrants, les nitrates, les phosphates, les pesticides, pour offrir des possibilités aux écosystèmes sauvages de s’adapter au changement climatique. C’est également un monde dans lequel on a des villes avec une production d’énergie décarbonée, avec de la végétation pour limiter les îlots de chaleur urbains, et également avec des transports décarbonés et de la place pour la marche, le vélo, les transports en commun. Aujourd’hui, malheureusement, on ne va pas vers ce monde dans lequel on a réussi ces transformations.

La question est « comment faire pour accélérer ? ». Car on a des signaux faibles que l’on avance dans ces questions d’adaptation mais de manière beaucoup trop lente. On a toute une section du rapport du GIEC qui examine les conditions favorables à une accélération de l’adaptation. Ces conditions favorables incluent un engagement politique à tous les niveaux de gouvernement avec des objectifs clairs, et également, une gouvernance qui soit inclusive, avec des participations directes qui mettent en priorité l’équité et la justice.

Finalement, ce qu’on cherche à obtenir, ce n’est pas seulement s’adapter au changement climatique, mais également l’atténuer, limiter les pertes de biodiversité, améliorer la santé, la qualité de vie, l’économie, et tout ceci, c’est ce que le rapport du GIEC appelle le développement résilient face au changement climatique.