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Description

Rémy Slama, directeur de recherche à l’INSERM, discute dans cette vidéo des relations entre le changement climatique et la santé humaine. Il met tout d’abord en lumière la diversité des risques sanitaires liés au changement du climat, avant d’examiner les liens qui existent entre les stratégies de décarbonation et la santé.

Objectifs d'apprentissage :

- Comprendre la relation qui existe entre la température de l’air et la mortalité humaine, et plus généralement entre changement climatique et mortalité
- Appréhender la diversité des risques sanitaires liés au changement climatique
- Identifier les bénéfices des stratégies de décarbonation en matière de santé humaine

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences sanitaires et sociales
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+1
  • Bac+2
Objectifs de Développement Durable
  • 13. Lutte contre le changement climatique
  • 3. Bonne santé et bien-être
Thèmes
  • Environnement - Santé
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
changement climatiquesantérisques sanitairestempérature de l'air
Changement climatique, agriculture et sécurité alimentaire
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Atténuer le changement climatique : quels défis économiques ?
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L'Europe face au défi du changement climatique
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Changements climatiques en Méditerranée
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Le changement climatique : une réalité en Normandie
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Contributeurs

Slama Rémi

directeur de recherche à l’INSERM

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Changement climatique et santé humaine

Rémy Slama, Directeur de recherche à l’INSERM

1. Changement climatique, température, et santé
Le changement climatique a de multiples manifestations environnementales dont certaines peuvent influencer notre santé. Le paramètre le mieux connu est la température, qui influence notamment la mortalité avec une courbe schématiquement en U. Elle nous indique un optimal de température, autour de 18, 20, 22°C pour lequel la mortalité est la plus faible. La mortalité augmente à la fois quand la température diminue vers les valeurs plus faibles et quand elle croît vers les températures les plus élevées.

Ce schéma montre aussi que ce n’est pas seulement quand on est dans les températures extrêmes, très chaudes, au-delà de 35°C ou très froides, au-delà de -10°C, que la mortalité croît. Des températures qui s’écartent légèrement de 20°C sont associées à une augmentation certes faible, mais réelle de la mortalité à l’échelle des populations.

Le changement climatique va entraîner une modification de la distribution des températures. D’ores et déjà, la température en Europe a crû de 2 à 3°C sur le sol européen par rapport à l’ère préindustrielle. Cela peut sembler relativement faible. Quand il fait 20°C et que le lendemain, il fait 23°C, on n’a pas de raison de se
plaindre.

Mais il faut réaliser que quand la moyenne est décalée de 2 à 3°C, le nombre de jours avec une température extrême, au-delà de 30 ou 35°C, est multiplié de façon très importante. On s’attend ainsi à une multiplication par 20, 30, 40 du nombre de jours avec des températures extrêmes au milieu du XXIe siècle, en Europe, par rapport à l’ère préindustrielle.

Pour prédire l’influence du changement climatique sur la mortalité qui passe par la température, il faut prendre en compte tous ces éléments. C’est ce qui a été fait dans un travail qui a été publié en 2021. Il nous dit d’abord qu’aujourd’hui, de l’ordre de 7 à 8 % des décès sont dus aux températures extrêmes en Europe. Vous voyez, sur la figure ci-dessous, que la majorité de cet impact, aujourd’hui, est un effet des températures froides. Ça correspond à la courbe en bleu, alors que les températures chaudes ont une influence sur la mortalité qui est relativement faible, de l’ordre de 1 % des décès.

Maintenant, si on se projette dans le futur, sous l’hypothèse où on continue à émettre des gaz à effet de serre comme par le passé, ce qui correspond au scénario RCP 8.5, on voit que la mortalité due aux températures chaudes, dont la fréquence va augmenter fortement, croît de façon très importante (courbe en rouge), alors que la mortalité due aux températures froides, dont la fréquence va légèrement diminuer, va un peu diminuer. Globalement, la mortalité totale augmente assez fortement (courbe en noir).

Si les sociétés choisissent de réagir fortement et de se plier à l’Accord de Paris en limitant les émissions (scénario RCP 2.6), la situation future devrait conduire a une légère diminution de la mortalité attribuable aux températures froides, à une légère augmentation de la mortalité due aux températures chaudes et un bilan global sur la mortalité qui correspond à une stagnation, voire une légère diminution de la mortalité en Europe, avec des contrastes entre les pays.

2. Autres impacts du changement climatique sur la santé
Cet impact du changement climatique sur la santé va aussi se manifester par :
• la fréquence des incendies, qui sont associés à la mortalité, et à une émission accrue de particules fines très nocives pour la santé ;

• l’augmentation des événements climatiques extrêmes comme les inondations, les sécheresses, les tempêtes qui, elles aussi, influencent notre bien-être et notre santé ;

• à une augmentation du niveau des mers et à d’autres contraintes environnementales qui peuvent augmenter les conflits environnementaux ;

• une altération de la qualité et de la quantité de la production agricole ;

• une variation de la fréquence de certains allergènes et de maladies infectieuses.

Les facteurs responsables de ces maladies infectieuses sont, dans la plupart des cas, sensibles au climat, notamment à la température, aux précipitations. C’est le cas de deux tiers des agents infectieux qui sévissent en Europe.

Par exemple, les pathogènes qui sont transmis par les moustiques vont être plus ou moins capables de persister et de se répandre si les températures deviennent plus chaudes et si on a en permanence des mares où ils vont pouvoir proliférer. Le changement climatique, en altérant températures et précipitations, est donc susceptible d’influencer la fréquence, la répartition, l’aire de vie de nombreux agents infectieux responsables de pathologies, ce qui fait qu’il y a une préoccupation concernant la survenue de maladies infectieuses et de maladies infectieuses émergentes en lien avec ce changement climatique. Pour certaines pathologies, il est clair que leur fréquence ou leur aire de répartition va avoir tendance à croître. Pour d’autres, il se peut que l’évolution soit en sens inverse. Pour beaucoup d’entre elles, on n’a pas de quantification précise aujourd’hui.

3. Atténuation du changement climatique et santé
Nos sociétés réagissent à ces évolutions en tentant de s’adapter au changement climatique. Les choix que ces sociétés feront pour s’adapter peut avoir des conséquences directes et indirectes sur notre santé. Si, par exemple, on lutte contre les températures essentiellement en généralisant les climatiseurs, il faut avoir conscience que ces climatiseurs, certes, rafraîchissent l’air intérieur, mais rejettent de l’air chaud dans le milieu extérieur. Cela favorise le phénomène d’îlots de chaleur et augmente la température à laquelle les gens qui n’ont pas les moyens d’avoir de climatiseur sont exposés. Ils émettent aussi, dans certains cas, des gaz qui sont nocifs pour la couche d’ozone et donc aussi nocifs pour notre santé. La couche d’ozone nous protège en effet des rayonnements ultraviolets dangereux et sa détérioration va augmenter la fréquence de cancers de la peau ou de problèmes de cataracte.

L’autre grande réaction de notre société est l’atténuation, c’est-à-dire la diminution des gaz à effet de serre et de leurs émissions. La neutralité carbone est ciblée. Pour y arriver, ça veut dire agir sur les principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. Or, ces secteurs sont tous liés à la santé... Les principaux secteurs émetteurs sont le transport, l’agriculture, le résidentiel, et la production d’énergie.

Le transport conditionne des émissions de particules fines émises par de nombreux véhicules à moteur thermique. Le transport conditionne la quantité d’activités physiques. Or, la sédentarité est un des principaux facteurs de risque de maladies cardiovasculaires et métaboliques. Selon les modalités par lesquelles on décarbone le secteur des transports, on va pouvoir éventuellement accroître cette activité physique et on va pouvoir limiter fortement les émissions de particules fines avec un bénéfice potentiel attendu sur notre santé qui peut être majeur.

L’agriculture est un autre secteur très émetteur. Il détermine notre alimentation qui est là aussi un facteur de risque pour notre santé. En décarbonant notre agriculture, on va devoir aller vers une alimentation qui correspond à une part moins importante de viande et de produits laitiers. Ces produits, très émetteurs de gaz à effet de serre, sont associés à une santé moindre qu’un régime riche en céréales et en légumineuses, dont la production coûte beaucoup moins de gaz à effet de serre pour un gramme de protéines produites. Il y a donc un co-bénéfice majeur à décarboner le secteur agricole.

4. Conclusion
Le changement climatique est une menace importante pour notre santé. C’est une menace du point de vue des inégalités entre les territoires et les catégories sociales, mais la réaction qu’appelle ce changement climatique et la décarbonation des grands secteurs responsables des émissions de gaz à effet de serre constituent aussi une formidable opportunité d’améliorer la santé.

Ces co-bénéfices sanitaires de la décarbonation sont susceptibles de se manifester à beaucoup plus court terme que les bénéfices sur le climat et les températures, ce qui fait que cela peut être, pour les décideurs et la société, un formidable levier pour mettre en œuvre des changements assez importants dans tous ces secteurs du quotidien.

Nos sociétés ont ignoré la santé en adoptant un mode de vie reposant fortement sur les énergies fossiles. Il est essentiel, au moment où on s’apprête à décarboner des pans entiers de nos secteurs d’activités, que l’on place les inégalités sociales et la santé au cœur de la réflexion sur les trajectoires qu’on va emprunter vers cette société décarbonée.