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Description

Dans cette vidéo, Karine Grijol décrypte l'origine et les modes d'expression des conflits observés dans le cadre du développement de projets d'énergies renouvelables à l'échelle locale. Son propos se focalise tout particulièrement sur les projets d'implantation d'éoliennes.

Domaines
  • Energies renouvelables
État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Mentions Licence
  • Sciences sociales
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 7. Energie propre et d'un coût abordable
Types
  • Grain audiovisuel
Les énergies renouvelables : remise en contexte historique
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Défis et enjeux de l'énergie à différentes échelles
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Villes et énergies renouvelables
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Géopolitique des énergies renouvelables
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Contributeurs

GRIJOL Karine

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Karine GRIJOL, Maître de conférences – Université de Perpignan Via Domitia 

En matière de développement des énergies renouvelables, l’éolien est tout à fait emblématique des conflits d’aménagement.

    Les chiffres le prouvent d’ailleurs puisque en cas de projet, le taux de recours en France est de 35 % alors qu’il n’est que de 5 % pour les autres types d’industries.

    Ce chiffre record évoque bien toute la difficulté qu’il peut y avoir à appliquer au nom du développement durable la formule désormais célèbre de René Dubos : « Penser global, agir local ».

En effet, en matière d’éolien, si on pense global, tout le monde y est favorable. On est dans l’abstraction et évidemment le consensus est réel lorsque l’on envisage la place de la plus mature des énergies renouvelables – hors hydraulique -, dans le cadre d’une transition énergétique. Lorsqu’il s’agit de passer dans le champ du concret, lorsqu’il s’agit d’implanter une centrale derrière le générateur, les choses se compliquent, aboutissant parfois d’ailleurs à des situations de blocages.

Implantée dans les espaces ruraux, la présence d’éoliennes, est vécu par certains comme une intrusion. Pour quelles raisons ?

    On le voit très nettement sur l’affiche qui apparaît, une poigne d’acteurs exogènes qui plante un élément industriel démesuré au sein d’un espace de nature. Les oiseaux s’envolent, l’équilibre est rompu et le sens des lieux change. On passe d’un espace préservé à une zone d’exploitation industrielle.
 
    Ce changement, intervenu dans le paysage, rompt alors la relation identitaire et le lien affectif qui a pu se lier entre un individu et un territoire à l’image spécifique.

C’est d’abord cette perspective de rupture et la crainte qu’elle suscite qui poussent les résidents à l’action.

    Le paysage a donc une valeur identitaire forte, il est patrimoine.

    Le registre est sensible ce qui complique très largement les débats.

    Mais le fait est et on ne peut l’ignorer que ce sentiment de dégradation des paysages s’étend, se généralise, monte en intensité.

    Nos sociétés semblant avoir de plus en plus de difficultés à vivre dans les paysages qu’elles produisent.

Aussi est-on très éloignés d’une simple posture d’égoïsme local, NIMBY Not In My BackYard, puisque l’enjeu c’est aussi celui du bien-être des populations, ce qui fait sens dans une réflexion sur le développement durable.

Localement, face à face, ceux qui gagnent et ceux qui redoutent de perdre. 

•    Dans ceux qui gagnent, il faut distinguer les acteurs privés et les acteurs publics. 

    Dans la catégorie des acteurs privés, deux catégories :
-    Ceux qui viennent exploiter un gisement éolien particulièrement lucratif compte-tenu de l’obligation de rachat ;
-    Et ceux qui tirent profit de cette exploitation par la location de leur terrain.

    Les acteurs publics, eux aussi bénéficient de retombées financières pour leurs territoires à partir du moment où ils autorisent la mise à disposition de ce gisement.

Et dans cette catégorie de ceux qui gagnent, les profits sont très inégalement répartis.

    Entre 7 et 12 % de rentabilité pour ceux qui investissent chaque années alors que pour ceux qui accueillent quelques milliers d’euros seulement.

•    Dans ceux qui redoutent de perdre, on peut aussi distinguer les acteurs privés des acteurs publics mais ici tous craignent une perte d’attractivité de leurs territoires.

    Aussi l’intérêt particulier ne se situe pas forcément au niveau local. Alors évidemment certains craignent une dépréciation de leurs biens immobiliers mais la réaction tient surtout à la peur d’une dévalorisation de l’image d’un territoire et d’un coup d’arrêt porté à une dynamique économique induite.

    Cet intérêt général au niveau local, se heurte à des intérêts privés et particuliers au niveau global puisqu’en effet, la plupart des développeurs exploitants sont des filiales de consortiums multi énergies, hyper puissants au niveau mondial. 

    C’est le cas par exemple de GDF Suez qui détient partiellement la compagnie du vent ou Maïa Eolis ou encore, Eole Génération.

Donc, si je synthétise, la situation est la suivante, espace du gisement versus territoires. En d’autres termes, espaces perçus versus espaces vécus.

Ce qui fait que nous sommes bien en plein conflit d’intérêt autour de la maîtrise de l’espace et les affrontements sont réels.

De part et d’autres, les moyens de la confrontation sont différents :
-    Institutionnels pour les porteurs de projets. Ils produisent une étude d’impact et orchestrent la concertation et ;
-    Associatifs pour la société civile.

Et chacun des protagonistes va chercher à se situer sur le registre de l’autre.

•    Bénéficiant déjà d’une certaine légitimité technique, les développeurs exploitants cherchent à convaincre sur le plan du sensible. Ils cherchent à faire la preuve que l’éolien s’inscrit bien dans l’esprit des lieux et qu’il crée du lien social à partir du moment où le projet est commun. L’objectif étant de rassurer quant aux conséquences afin de gagner l’acceptation  des populations.

•    Les opposants eux, vont chercher à échapper à l’argument de la subjectivité et de la représentation, ils se placent alors sur le terrain du concret, du réel et ils vont faire appel à la matérialité des sensations ou à l’expérience du vécu par la projection de films, par exemple. Ils vont aussi chercher à faire reconnaître l’incompatibilité entre l’éolien et leur territoire. Et en même temps, par la dénonciation des limites techniques et économiques, ils sortent du cadre local et cherchent à généraliser leurs arguments. Ils se font contre-experts, se fédèrent, se rendent visibles en affichant très largement leur opposition. Leur objectif à eux étant d’alerter quant aux conséquences sur le territoire.

On le voit sur ces deux affiches évoquant le même projet, la mésentente est complète et particulièrement difficile à arbitrer puisque les uns et les autres placent au cœur de leurs arguments la défense de l’environnement et le développement durable.

    Le problème étant donc que deux intérêts supérieurs sont en présence :
-    La préservation des paysages ;
-    Et le développement des énergies renouvelables.

Et que dans le cadre de l’éolien, et bien l’un et l’autre semblent incompatibles.

Aussi l’Etat, qui est le garant de l’intérêt général, doit pouvoir jouer un rôle d’arbitre. 

•    Pour ce faire, il doit trouver la bonne échelle de réflexion, pas évident puisque depuis 15 ans on est passé de la commune livrée aux lois du marché à la région, échelon global et décisif de réflexion.

•    L’Etat doit aussi organiser la planification, le danger est que l’on substitue à une approche d’abord sensible, une grille de lecture et d’analyse qui soit uniquement pragmatique.

•    Il doit aussi stabiliser la législation afin de rassurer le plus grand nombre mais depuis 20 ans, et bien cette législation oscille entre durcissement et assouplissement. 

•    Et enfin, il doit jouer le jeu de la démocratie participative. Cela passe par la réalisation d’une étude d’impacts qui ne laisse aucune place à l’ambiguïté et qui donc ne soit pas financée par les porteurs de projets.

En conclusion, contrairement à une idée reçue, les conflits éoliens ne sont pas le résultat d’une attitude de rejet systématique et de défense archaïque, ils nous parlent du territoire et de ses enjeux tout autant que des  capacités de résistance du local à l’injonction du global. En ce sens, ils font pleinement partie du processus de négociation dans le cadre de la gouvernance.

Donc les questions qui subsistent sont celles que posent tous les conflits d’aménagement et qui ont déjà été soulevés par Philippe SUBRA : 
-    Quels usages privilégier ? 
-    En fonction de quelles priorités ? 
-    Et au profit de qui ?

Cette dernière question en appelle une autre, peut-être plus philosophique : à qui profitent nos peurs ?