En ligne depuis le 22/11/2019
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Description
Jean-Paul Moatti, Président-directeur général de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), présente dans cette vidéo (11'44) le Rapport mondial de 2019 sur le développement durable (GSDR). Il explique les particularités de ce travail, réalisé par 15 scientifiques indépendants, et nous en dévoile les 4 grands messages.
Objectif d’apprentissage :
- Connaître les 4 grands messages que porte le Rapport mondial de 2019 sur le développement durable (GSDR).
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+1
- Bac+2
Objectifs de Développement Durable
- Les 17 ODD
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Moatti Jean-Paul
Professeur Emerite , Université Aix-Marseille
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée, d’une vidéo du MOOC UVED « Objectifs de développement durable ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Le Rapport mondial sur le développement durable (GSDR) de 2019 : présentation générale
Jean-Paul Moatti,
Président-directeur général de l’IRD
Je suis l'un des membres du panel d'experts indépendants qui a été mandaté par le secrétaire général des Nations unies à la demande des États membres pour rédiger et élaborer le premier rapport quadriennal d'évaluation des objectifs du développement durable qui avaient été adoptés en septembre 2015 par l'ensemble des pays membres des Nations unies. Ce rapport a été présenté en septembre 2019 lors de la session spéciale consacrée aux ODD, aux Objectifs de développement durable, par l'Assemblée générale des Nations unies.
À la différence des Objectifs du millénaire qui couvraient la période 2000-2015, l'Agenda 2030, qui est celui des ODD, concerne tous les pays du monde. On peut dire en effet que tous les pays du monde, d'une certaine façon, sont en voie de développement durable, qu'il s'agisse des pays riches qui ont garanti un niveau de vie et un niveau social élevé pour l'essentiel de leurs populations, mais au prix de coûts environnementaux considérables, ou qu'il s'agisse des pays en développement, qui eux ont une empreinte écologique et environnementale moindre, mais qui ont beaucoup de progrès à faire pour garantir à la grande masse de leurs populations des conditions de vie décentes.
1. Le rapport GSDR
Le rapport dit GSDR, Global Sustainable Development Report, a été élaboré par un groupe de 15 experts indépendants. Dans l'histoire, c'est d'une certaine façon une première. Bien sûr, cela fait très longtemps que les Nations unies élaborent des rapports d'évaluation dans tel ou tel domaine et s'appuient pour ce faire sur l'expertise de personnalités scientifiques.
Par exemple, dans cette année 2019, est sortie la sixième édition du Global Environnemental Outlook, GO6, qui un rapport très exhaustif sur les informations qu'on peut avoir au plan planétaire sur l'état de l'environnement et des différents milieux naturels. Mais ce rapport, comme beaucoup d'autres, reste élaboré par – et sa responsabilité reste du ressort de – les agences onusiennes.
De la même façon, chaque année, le Programme des Nations unies sur le développement, le PNUD, ou UNDP en anglais, sort des statistiques et un rapport sur l'état du développement humain avec ce fameux indicateur de développement humain inspiré des travaux du prix Nobel d'économie Amartya Sen, qui fait le point sur l'état de la situation sur de nombreux indicateurs sociaux et environnementaux. Mais là encore, la responsabilité est celle de l'agence onusienne concernée.
De façon un petit peu différente, les trois grands accords multilatéraux, ce qu'on appelle les COP, les Conventions des Parties, qui visent à protéger l'environnement et à sauver la planète face à des changements environnementaux globaux qui la menacent très directement : la COP sur le climat face au réchauffement climatique, la COP sur la biodiversité et la COP sur la désertification s'appuient chacune d'entre elles sur des groupes d'experts, le groupe d'experts le GIEC sur le climat, l'IPBES, le groupe qui travaille sur la biodiversité et puis le groupe scientifique qui est au service de la Convention sur la lutte contre la désertification et la protection des terres. Ces groupes sont des groupes scientifiques, mais même dans ce cas-là, leurs rapports finaux, en particulier la partie qui est réservée aux recommandations à l'égard des décideurs, est négociée entre d'une part les scientifiques et d'autre part les représentants des différents pays.
Cette version du GSDR à laquelle j'ai participé couvre la période 2015-2019. C’est le premier rapport quadriennal de ce type. D'autres devant suivre tous les quatre ans d'ici à 2030. Elle est différente des autres dans la mesure où les experts dont je fais partie ont eu le dernier mot et la totale responsabilité sur le texte final. C'est dans le langage onusien ce qu'on appelle un rapport non négociable. Il s'est appuyé sur une très large concertation : avec la communauté scientifique internationale, et par l’intermédiaire de réunions que nous avons organisées dans les cinq grands continents, non seulement avec des scientifiques, des universitaires, mais avec des représentants de l'ensemble des acteurs économiques, sociaux, politiques qui sont concernés par le développement durable. Le manuscrit a été aussi l'objet d'interactions avec les représentants des États membres, les représentants des ONG et de différentes organisations accréditées auprès des Nations unies.
Mais contrairement à tous ces rapports antérieurs précédemment évoqués, c’est en toute indépendance que les 15 experts du GSDR 2019 ont eu la responsabilité du texte final et notamment des recommandations qui sont adressées aux Nations unies, aux gouvernements, mais aussi à l'ensemble des acteurs pour essayer d'accélérer et d'améliorer la transition vers ce développement durable.
Alors quels sont les principaux messages que porte ce rapport et que je vais essayer de vous résumer ?
2. Message 1. La trajectoire générale n’est pas bonne
Il faut vraiment sonner le tocsin parce que non seulement la trajectoire dans laquelle nous sommes actuellement ne nous garantit absolument pas de pouvoir atteindre les 17 Objectifs du développement durable et leurs 169 cibles en 2030, mais dans de nombreux domaines la trajectoire est dans le mauvais sens, c’est-à-dire que nous régressons et que nous nous éloignons des Objectifs du développement durable au lieu de nous en approcher.
3. Message 2. Il est encore possible d’agir
Dans l'état actuel de nos connaissances et de nos technologies, et si nous en avons la volonté, il est possible d'entraîner l'ensemble des sociétés du monde dans le sens d’une trajectoire du développement durable et de se rapprocher des objectifs en 2030. Mais il faut pour cela, comme il est dit dans le GSDR, plutôt se concentrer sur les flèches que sur les boîtes. Les boîtes, c'est chaque Objectif du développement durable pris séparément : la sécurité sanitaire, la sécurité alimentaire, l'adaptation et l'atténuation face au changement climatique, la réduction des inégalités et ainsi de suite. Mais ce que la littérature scientifique et l'ensemble des évaluations que nous nous sommes efforcés de synthétiser dans ce rapport démontrent, c'est qu'il faut surtout s'intéresser aux interrelations entre les différents ODD. C’est essentiel pour mieux comprendre les chaînes causales, complexes, qui font que tel ou tel phénomène de l'environnement peut réagir sur la société et sur d'autres domaines. C’est essentiel aussi pour s’assurer que des politiques bien intentionnées pour atteindre tel ou tel Objectif n'aient pas des effets involontaires très négatifs sur les autres. La question est de savoir comment faire en sorte de maximiser les cobénéfices qu'il peut y avoir. Par exemple, on sait très bien que si on améliore l'accès à l'éducation des jeunes filles, cela a des effets non seulement sur l'ODD lié à l'éducation, mais aussi sur d’autres objectifs relatifs à l'amélioration de la santé, l'amélioration de la contribution des femmes au marché du travail et à la productivité et l'amélioration de l’égalité de genre entre les femmes et les hommes.
4. Message 3. Mobiliser les grandes masses financières
Si on veut arriver à utiliser le savoir et les technologies existantes pour aller dans le sens des Objectifs de développement durable, il va falloir - comme le disent les acteurs de l’aide publique au développement - mobiliser les milliards. Bouger les grandes masses financières, qui sont de l'ordre de plusieurs trillions (un trillion = 1000 milliards) est indispensable.
5. Message 4. Pour une science de la durabilité
Il faut augmenter la contribution de la science et de la technologie à la réalisation des Objectifs de développement durable. Pour cela, il faut dans une certaine mesure changer la façon dont nous faisons de la science et dont la science collabore avec la société. Il faut notamment promouvoir ce champ nouveau en pleine expansion de la Sustainability Science (en anglais), ou science de la durabilité, ou encore science du développement durable. Si nous avons déjà suffisamment de savoirs pour réaliser les Objectifs de développement durable, nous manquons terriblement de savoirs et de savoir-faire pour voir comment utiliser au mieux ce savoir. Comment éviter que les ODD rentrent en contradiction les uns avec les autres ? Comment ce savoir doit-il être adapté localement pour construire des trajectoires concrètes de développement durable ? C'est le plus important parce qu'en définitive, tout se joue au niveau local, au niveau des territoires où chacun d'entre nous vit sa vie quotidienne, son travail quotidien, et où s’investissent des communautés, des collectivités, des familles et des individus.