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Description

Dans cette vidéo, Katia Laval présente l'une des premières interrogations sur le rôle de l'homme sur le climat : la sécheresse au Sahel. Elle évoque successivement les différentes théories qui ont été avancées pour tenter de comprendre cela.

Objectif d’apprentissage :
- Comprendre les raisons et l'origine des sécheresses au Sahel.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
Thèmes
  • Enjeux Climat/Eau
Types
  • Grain audiovisuel
Le système climatique : échelles d'espace et échelles de temps
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Le rôle de l'effet de serre sur le climat, de Joseph Fourier à aujourd'hui
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Changement climatique : la naissance d'une problématique
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La détection et l'attribution des changements climatiques, le rôle des facteurs naturels
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La détection et l'attribution des changements climatiques, le rôle des activités humaines
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Prévisibilité du climat : l'état de nos certitudes et de nos questionnements
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Contributeurs

Laval Katia

Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

La sécheresse au Sahel : première interrogation sur le rôle de l’homme sur le climat

Katia LAVAL
Professeur émérite – Université Pierre et Marie Curie

Le Sahel a connu des sécheresses épouvantables au début des années 70. Ces sécheresses ont persisté pendant une vingtaine voire une petite trentaine d'années. Les chercheurs se sont posé la question : pourquoi ces sécheresses ont-elles existé pendant ces années-là ? Qu'est-ce qui a provoqué ces situations exceptionnelles ?

1. Contexte

Le Sahel est une région qui borde le Sahara, région terriblement désertique, l’une des plus désertiques sur la planète. C’est une région où les pluies sont entre 200 mm par an et 600 mm par an (figure ci-dessous).

Ce sont des pluies qui sont assez faibles, dont la diminution peut provoquer des situations épouvantables pour l'agriculture. Et en effet, des sécheresses ont provoqué des famines et morts de populations. Ces sécheresses ont provoqué l'intérêt des chercheurs parce que c'était un problème intéressant et parce que ça provoquait des situations sociales terriblement graves. Les chercheurs se sont donc posé la question des sécheresses au Sahel. Pendant une vingtaine d'années, des années 50 à 1970, il y avait plutôt des situations humides au Sahel, avec des pluies qui étaient normales (figure ci-dessous). Puis arrivent les années 70, en particulier 72 – 76 – 87, avec des diminutions de pluie épouvantables. Pendant ces périodes-là, les populations ont terriblement souffert.Pourquoi sommes-nous passés d'un régime qui était un régime humide à un régime qui était un régime de sécheresse où donc les difficultés apparaissaient de manière très importante pour toutes ces populations ?

2. Première théorie

Deux chercheurs brillants, Jules CHARNEY et Joe OTTERMAN, ont proposé des théories pour expliquer ces sécheresses qui avaient existé non seulement au Sahel mais dans d'autres régions semi arides. Pour toutes ces régions, on avait changé l'usage des sols. Pour le Sahel par exemple, on avait fait des surpâturages dans ces régions et ces surpâturages faisaient disparaître les herbacées de ces régions. Or, les régions où vous n'avez pas de végétation sont des régions où vous avez un pouvoir réfléchissant du rayonnement solaire très important.  

L’albédo du sol, le pouvoir réfléchissant du rayonnement solaire, est beaucoup plus faible si vous avez des herbacées ou des arbres. Il est évident que si vous changez le pouvoir réfléchissant du sol, vous changez la température. Ce qui est très particulier dans ces régions semi arides qui bordent les déserts, c'est que quand vous jouez sur la température du sol, vous jouez sur la circulation, vous jouez sur les mouvements ascendants de l'atmosphère, et alors là vous provoquez une variation de précipitations. La théorie de CHARNEY paraissait intéressante et celle de Joe OTTERMAN, très semblable à la première, paraissait très intéressante. On avait à cette époque justement le démarrage des modèles de circulation générale d'atmosphère, c'est-à-dire les prémices des modèles de climat que l'on utilise aujourd'hui. Les chercheurs ont cherché à comprendre ce phénomène à l’aide de ces modèles. Ils ont simplement changé l’albédo des sols dans ces régions semi arides et ils ont regardé ce qui se passait au niveau des pluies. Cet effet de surpâturage qui changeait l’albédo du sol a entraîné dans les modèles une variation des pluies au Sahel et donc a entraîné une confirmation de la théorie de Joe OTTERMAN et de Jules CHARNEY. Vous voyez par exemple sur la figure ci-dessous une situation où on a un modèle qui représente la variation de pluie des régions en fonction de la latitude, de 0 à 35° nord dans les régions en Afrique.

Pour une situation normale où l'albédo est intermédiaire entre le sol nu et la végétation, on a une quantité de pluie qui est normale. Quand on change l'albédo en provoquant justement ce surpâturage, la pluie diminue de manière assez importante. On a donc bien une confirmation de la théorie de CHARNEY. Si on exagère le phénomène en changeant extrêmement l'albédo, en mettant un albédo de désert, et bien on obtient une situation désertique.

3. Nouvelle théorie

Cette théorie a connu un certain succès. Mais ce n'était pas tout. C'était l'époque où nous avions en même temps des mesures de température de la mer par satellite. On a fait des expériences où on a changé les températures de la mer en Atlantique, en Pacifique, en Inde mais surtout en Atlantique. On s'est aperçu que quand on prescrivait les températures de la mer des années sèches ou quand on prescrivait dans les modèles les températures de la mer des années humides, on arrivait aussi à cet effet de sécheresse au Sahel ou d’année humide. On avait deux théories qui s'affrontaient. Mais comment expliquer cette variabilité d'une année sur l'autre que vous voyez là dans les sécheresses au Sahel mais en même temps cette persistance, puisque ça a duré pendant 20 ans : de 1950 à 70, des années humides, puis des années sèches ? De théories se sont élaborées. Elles expliquaient que la variabilité interannuelle et la variabilité décennale sur plusieurs dizaines d'années pouvaient s'expliquer d'une part par des effets de température de la mer et d'autre part par des effets de végétation et que les deux devaient intervenir en même temps. Deux théories qui s'affrontent : l’une avec un effet de l'homme, le surpâturage, et l'autre avec un effet de la variabilité interne du système climatique où l’homme n’est responsable en rien.

4. Situation actuelle

Où en est-on aujourd'hui ? Depuis 10-15 ans, le Sahel reverdit. On le mesure par les satellites. En même temps, la pluie augmente. On doit donc expliquer pourquoi il y a un nouveau régime qui s'établit. Est-ce encore une fois la variabilité interannuelle due aux températures de la mer en Atlantique ? Certains le croient. D'autres pensent que la végétation est intervenue et que peut-être des effets sur la végétation ont provoqué cet effet-là. D'autres pensent que l'humidité de l'atmosphère à cause des effets de changements climatiques dus aux gaz à effet de serre a changé et que cette augmentation d'humidité sur le Sahara a provoqué une mousson plus importante et qui est allée plus au nord et qui touchait le Sahel. Vous voyez que ces théories s'affrontent et si je peux ajouter un mot à cette complexité des phénomènes, je vous dirais que l'augmentation du gaz carbonique dans l'atmosphère provoque une augmentation de la végétation et qu’au Sahel, c'est peut-être ça qui a provoqué l'augmentation de végétation et ensuite l'augmentation de précipitations. Toutes ces théories s'affrontent, et on cherche à comprendre de plus en plus l'interaction entre ce grand régime de mousson qui effleure le Sahel et les circulations de méso-échelles qui sont liées à ce qui se passe sur la végétation, sur les zones humides, sur les zones sèches dans ces régions. Les chercheurs travaillent encore là-dessus.