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Description

Question-clé posée à Luc Abbadie, Professeur d'Ecologie à l'Université P. et M. Curie, Directeur de l'Institut d'Ecologie
pour la série vidéo "SocioEcoSystèmes - Ecosystèmes et sociétés, un futur partagé" (Réduire les pressions humaines sur les écosystèmes et la biosphère - Quelles pistes pour la transition écologique?)

Conception et réalisation de cette série vidéo : Anne Teyssèdre

État
  • Valorisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Entretiens et témoignages
Objectifs de Développement Durable
  • 15. Vie terrestre
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
  • Enjeux Climat/Biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
changement climatiquesolimpactsdioxyde de carbonebiodiversitématières organiquesérosion
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Contributeurs

Abbadie Luc

professeur émérite , Sorbonne Université

Luc Abbadie, professeur d’Écologie à Sorbonne Université Sciences
Question-clé transcrite et éditée par Anne Teyssèdre

Impact du changement climatique sur les sols et la végétation ?

Le changement climatique agit à travers la température et les précipitations, mais il y a un autre facteur qui est lié au changement climatique, ou plus exactement qui est à la source du changement climatique : c’est l’augmentation de la quantité de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Donc il faut en fait traiter ces deux aspects là, parce que ces deux aspects vont avoir un impact sur la végétation. Ensuite, on aura un impact sur le changement climatique, plutôt seulement sur le côté précipitations et températures, directement sur le stock de matière organique du sol. Donc on va essayer de regarder un petit peu comment tout ça s’organise.

Le premier effet, cela va être essentiellement les précipitations et températures, qui vont pouvoir jouer directement sur la productivité végétale. On a dit précédemment que le niveau de matière organique du sol, y compris sa qualité d’ailleurs, est lié directement à la dynamique de la végétation. Donc à chaque fois qu’on va prédire un changement de dynamique de la végétation en réponse au changement climatique, on aura un changement de la dynamique du sol.

Si on prend en considération également l’aspect CO2, il y a beaucoup de plantes aujourd’hui –pour les spécialistes, qui sont du type photosynthétique C3, peu importe- ce sont des plantes herbacées mais aussi et surtout des arbres. La plus part de ces plantes là -la plupart des arbres donc- dans les conditions actuelles de concentration en CO2, sont en manque de CO2. C’est-à-dire qu’elles ne sont pas capables de donner tout leur potentiel photosynthétique. Très souvent, pour avoir tout le potentiel photosynthétique d’un arbre, il faut monter à 700, 800 900 ppm de CO2 – aujourd’hui on est à 400 ppm. Autrement dit, c’est le grand paradoxe, les arbres manquent de CO2.

Donc si vous augmentez le taux de CO2, vous augmentez la productivité primaire, la productivité des arbres. Donc les arbres sont contents : ils ont plus de carbone ! Mais s’ils ont plus de carbone, ils ont aussi besoin du coup de plus d’azote, de plus de phosphore, de plus de tout… et ça c’est dans le sol. Donc on a là, vous voyez, une espèce de situation contradictoire.

D’une part, je pousse mieux parce que j’ai plus de CO2, donc je vais avoir plus de branches, plus de feuilles, plus de racines, donc je vais faire entrer plus de carbone dans le sol. Donc c’est bien, ça va améliorer la fertilité de mon sol. Mais de l’autre côté, puisque j’ai plus de carbone, il faut que je trouve plus de carbone et de phosphore. Et cela, c’est quoi ? Et bien, c’est la réserve du sol. Donc il va falloir que les plantes puisent plus dans la réserve du sol. Et pour rendre les éléments nutritifs du sol accessibles, une des stratégies mises en œuvre par beaucoup de végétaux, c’est d’injecter dans le sol des petites molécules, qui dérivent de la photosynthèse, qui vont avoir un effet énergétique qui va réveiller les microorganismes du sol, qui du coup vont s’attaquer à la matière organique du sol pour récupérer l’azote et le phosphore et donc vont diminuer le stock de matière organique.

On a donc deux processus opposés. D’un côté une stimulation de la production végétale qui tend à augmenter le stock du sol, et de l’autre une stimulation de l’activité microbienne du sol via la production d’énergie par les plantes –la libération d’énergie dans le sol par les plantes-qui va diminuer le stock du sol. Donc il faut faire une balance entre les deux processus et honnêtement, pour l’instant, on a quand même assez peu d’études à long terme qui permettent de dire « c’est sûr, finalement, plus de CO2 donnera plus de matière organique ».

Les résultats significatifs dont on dispose aujourd’hui vont plutôt dans ce sens là, mais ils ne sont encore pas très nombreux, donc restons prudents.

Alors si on revient à la pluie et à la température, évidemment il peut y avoir beaucoup d’autres effets. Une augmentation de la disponibilité en eau peut avoir des effets positifs sur la production végétale, parce que cela va augmenter le stock de matière organique dans le sol, la qualité du sol, mais cela peut aussi avoir un effet stimulant sur l’activité des microbes, ce qui aura un résultat contraire. La température stimule directement la productivité végétale, mais trop de température peut engendrer une baisse de la photosynthèse – une chaleur trop élevée. Cela a été montré sur les forêts du Costa Rica, par exemple – les feuilles du sommet de la canopée sont déjà exposées à de fortes températures. La croissance actuelle des températures conduit à un franchissement de seuil, en quelque sorte, et on rentre dans la partie négative de la température sur l’efficacité de la photosynthèse, donc on a plutôt une réduction de la production végétale.

Donc vous voyez, on est tout de suite sur un système complexe, on a vraiment des éléments qui peuvent jouer dans différentes directions.

Si on regarde l’effet température-humidité directement sur les microorganismes du sol, il y a eu des publications il y a quelques années qui ont fait pas mal de bruit. Celles-ci suggéraient que, par exemple en Angleterre et au Pays de Galles, on avait dans tous les milieux –y compris les milieux qui ne sont pas touchés par l’Homme, et ça c’est une grosses surprise- une baisse assez forte de la teneur en matière organique des sols. Et ça c’est très compatible avec l’hypothèse du changement climatique puisqu’effectivement, en Grande Bretagne, en Angleterre, on a à peu près 1°C de température moyenne en plus (un peu comme partout en Europe), et donc effectivement c’est favorable à une activation de la microflore du sol et donc à un baisse du stock organique du sol.

Donc c’est assez compliqué tout ça. C’est un travail scientifique qui n’est pas encore résolu, à mon avis ça va prendre encore un peu de temps. Au fond, savoir si le changement climatique aura un effet positif ou pas sur la matière organique du sol, cela reste quand même un peu difficile à déterminer aujourd’hui.

Bien entendu, il peut y avoir aussi des effets du changement climatique sur l’érosion des sols.

C’est facile à comprendre aussi. Cela va beaucoup jouer avec la manière dont les pluies se comporteront. Seront-elles plus violentes, ou pas ? Y aura-t-il plus d’événements extrêmes ?

Donc on comprend bien qu’il y aura un effet physique d’entraînement par exemple de particules du sol, donc un accroissement de l’érosion et un appauvrissement du sol par ce biais là. Il y aura également, si on a une diminution de la teneur en matière organique pour les raisons qu’on a expliquées, et bien on aura une diminution de la cohésion du sol, et donc une fragilité vis à vis de l’érosion supplémentaire.

Dans les régions arides, un des effets du changement climatique peut être la raréfaction de la pluie. Une diminution, en gros, soit de la quantité d’eau qui va tomber, soit une concentration dans le temps de la quantité d’eau qui va tomber, autrement dit un allongement de la période de sécheresse. Avec la raréfaction de la pluie, on peut avoir bien entendu une diminution du tapis végétal, en termes de productivité. Comme tout le monde le sait, le tapis végétal c’est aussi une couche de protection contre les effets mécaniques directs de la pluie, par rapport à l’érosion, et c’est –une fois de plus!- la production de matière organique qui assure cette cohésion du sol.

Ceci dit, le changement climatique -on l’a évoqué avant- vient en plus d’autres phénomènes, notamment l’usage des sols et les modalités de l’agriculture. Je pense qu’on va aborder cette question plus en détail un peu plus tard, mais une bonne partie de la question du cycle du carbone, y compris à l’échelon global, se joue en milieu agricole.