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Description

Cette collection de 14 vidéos pédagogique sur les invasions biologiques, produite et coordonnée par UVED, a pour objectif de vous permettre de mieux comprendre ce processus, les impacts qui en découlent, ainsi que les stratégies de prévention ou de gestion associées. Placée sous la responsabilité scientifique de Franck Courchamp (CNRS), elle fait intervenir 13 spécialistes issus d'établissements de référence dans le domaine.

Objectifs d'apprentissage :

- Définir une espèce exotique envahissante
- Expliquer le processus d'une invasion biologique et les facteurs qui en sont responsables
- Identifier les différents types d'impacts associés aux invasions biologiques et évaluer leur coût pour les sociétés
- Décrire les stratégies, les outils et les méthodes permettant de prévenir ou de gérer les invasions biologiques
- Analyser les raisons pour lesquelles les invasions biologiques font encore l'objet d'une préoccupation limitée dans la société
- Identifier les moyens les plus fiables pour s'informer sur les invasions biologiques

 

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Cours
Objectifs de Développement Durable
  • 14. Vie aquatique
  • 15. Vie terrestre
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
invasions biologiquesespèces exotiques envahissantesimpact écologiqueimpact environnementalimpact socio-économiqueimpactscoût
  • Prévenir les invasions biologiques
  • Les invasions biologiques : détection précoce et réaction rapide
  • Comment gérer les espèces exotiques envahissantes ?
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Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée d’une vidéo de la collection UVED « Les invasions biologiques ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.

Prévenir les invasions biologiques

Arnaud Albert, OFB

1. Contexte
Les espèces exotiques envahissantes, que l’on appelle également les “EEE”, constituent une menace pour la biodiversité et une pression pour les services rendus par cette biodiversité aux humains. C’est pourquoi elles font l’objet d’actions diverses et variées pour les gérer au sens large du terme.
Ces actions peuvent notamment être menées aux différentes étapes des invasions biologiques, processus successif que vivent certaines espèces exotiques pour devenir des espèces exotiques envahissantes. Ces étapes sont au nombre de quatre, comme rappelées en 2023 par le rapport mondial sur les EEE de l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. Ce sont donc le transport, l’introduction, l’établissement et la propagation.

Parmi les actions à mener, ce sont celles qui interviennent le plus en amont du processus d’invasion qui sont les plus efficaces et les moins coûteuses, car elles interviennent avant même que les espèces exotiques puissent arriver dans l’environnement d’un nouveau territoire d’accueil dans lequel certaines peuvent devenir problématiques. On parle ainsi d’actions de prévention, qui sont menées sur les étapes de transport et d’introduction des espèces exotiques.
Ces actions de prévention ont pour objectifs de limiter ou de réduire d’une part le transport des espèces exotiques vers de nouveaux territoires puis d’autre part l’introduction de ces espèces exotiques dans l’environnement de ces nouveaux territoires.

2. La réglementation
Une des actions phares de la prévention est la mise en place d’une réglementation relative aux espèces exotiques envahissantes. Les EEE les plus problématiques peuvent ainsi être interdites de toutes activités, dont le transport et l’introduction. Dans l’Union européenne, il existe depuis 2014 le règlement n°1143 du Parlement et du Conseil sur la prévention et la gestion de l’introduction et de la propagation des EEE. Les EEE les plus préoccupantes pour l’UE sont inscrites à la liste de l’Union, elles sont alors interdites d’introduction sur le territoire national, de détention, de transport, de colportage, d’utilisation, d’échange, de mise en vente, de vente et d’achat. En 2024, ces EEE sont au nombre de 88, dont 47 espèces animales et 41 espèces végétales, mais la liste évolue régulièrement. Parmi ces espèces, pour la flore, on peut évoquer les jussies, originaires d’Amérique du Sud, qui posent des problèmes de concurrence avec les autres espèces végétales indigènes dans les cours d’eaux notamment, tandis que pour la faune, on peut évoquer le frelon à pattes jaunes, originaire de l’Est de l’Asie, qui posent des problèmes aux apiculteurs et à leurs ruches en prédatant les abeilles domestiques.

En France, cette réglementation est reprise en partie dans le Code de l’environnement, avec l’article L411-6 pour appliquer la liste de l’Union. Cela se traduit par les arrêtés ministériels du 14 février 2018. Il est important de noter que pour les Régions ultrapériphériques, qui sont pour l’Union européenne six des territoires ultramarins français, elles disposent de leurs propres listes réglementaires, qui sont plus restrictives et qui intègrent la liste de l’Union. Comme exemple on peut citer le problème des mammifères introduits dans les îles d’outre-mer, comme les rats, qui peuvent provoquer des disparitions d’espèces endémiques.

Cette réglementation a par la suite besoin d’être appliquée concrètement. Cela passe notamment par la mise en place d’actions de police et de contrôle, pour réguler les activités de commerce et de tourisme qui sont les principales causes de déplacement des espèces à l’échelle internationale. D’une part, il y a des contrôles aux frontières, au niveau des aéroports et des ports, sur les passagers et les marchandises, exercés en particulier et respectivement par les Douanes et par les Sivep, les services d’inspections vétérinaires et phytosanitaires aux frontières du Ministère de l’agriculture.

D’autre part, il y a des contrôles des établissements détenteurs, comme les horticulteurs et les éleveurs, ou les jardineries et les animaleries, contrôles qui sont réalisés entre autres par l’Office français de la biodiversité et les Directions départementales de la protection des populations. Ces deux types de contrôles ont pour objectifs de vérifier qu’il n’y a pas d’activités illégales d’importation d’espèces réglementées. Ils requièrent la montée en compétences des agents de contrôle par le biais du déploiement de formations.

3. La biosécurité
En dehors de la législation et du contrôle de l’application de la législation, une autre action importante de prévention est la mise en place de mesures de biosécurité. La biosécurité peut consister à la mise en œuvre de bonnes pratiques par les acteurs confrontés aux EEE, pour éviter l’introduction des espèces exotiques dans l’environnement.

Parmi les moyens de biosécurité, on peut évoquer la sensibilisation du grand public, pour que celui-ci utilise de bons gestes pour éviter l’introduction des EEE dans le milieu naturel. Par exemple, il est préconisé aux particuliers de ne pas se débarrasser des déchets verts dans la nature et de ne pas relâcher les animaux de compagnie dans la nature aussi, mais plutôt de les confier à des déchetteries ou de les placer dans des refuges. L’éducation à l’environnement et la communication auprès des citoyens et des élus par la diffusion notamment de brochures, de posters, de vidéos, de conférences et d’expositions restent deux outils indispensables pour générer une prise de conscience et des changements transformateurs des modes de vie. Il est essentiel de mettre les gens au cœur du problème, en les impliquant aux solutions possibles.

Par ailleurs, en termes de biosécurité, on peut aussi évoquer l’engagement des professionnels et la mobilisation de la société. Des codes de bonne conduite professionnelle sont parfois mis en place par des filières d’acteurs concernés par les EEE, afin que les socio-professionnels de certains secteurs ne préconisent plus l’utilisation d’EEE dans leurs projets de plantation ou de réensauvagement, ou pour qu’ils évitent la dispersion de manière accidentelle d’EEE lors de chantiers ou pendant des usages. Pour exemple, on peut évoquer le cas de VALHOR, l’interprofession du végétal, qui regroupe les différentes familles des professionnels du végétal, dont le code de conduite dispose de 7 engagements, par exemple celui de promouvoir l’utilisation de plantes de remplacement aux EEE.

Cette responsabilisation et cette autorégulation peuvent également amener à l’utilisation des sciences participatives comme outil de surveillance du territoire, pour détecter précocement et à proximité les nouvelles introductions issues parfois d’échappements ou de fuites des lieux de détention.

4. La prévention dans les textes nationaux et internationaux
De manière plus globale, en France, les actions de prévention évoquées au cours de cette vidéo sont notamment cadrées par le Plan d’action de 2022 pour prévenir l’introduction et la propagation des EEE. Ce plan a les quatre priorités d’intervention présentées dans cette vidéo: communication et sensibilisation, guides d’informations pratiques, réglementation, contrôle.

Ce plan, publié et piloté par le Ministère en charge de l’environnement, permet de mettre en oeuvre en partie la Stratégie nationale relative aux EEE de 2017, qui est quant à elle le principal texte stratégique coordonnant les actions sur les EEE en France et qui permet aussi à la France de respecter ses engagements européens et internationaux. Cette stratégie, également du Ministère de l’environnement, concerne tous les territoires, toutes les espèces et tous les milieux. Elle est constituée de 5 axes, 12 objectifs et 38 actions dont plusieurs traitent de la prévention. Par exemple, il y a l’Action 3.3 qui a pour objectif de renforcer la coopération entre les différents services chargés de l’application de la réglementation avec l’élaboration notamment de plans de contrôle. Il y a aussi l’Action 11.4 pour intégrer le sujet des EEE dans les programmes scolaires. Le plan d’action répond également aux exigences de l’implémentation du Règlement européen sur les EEE de 2014, dont le chapitre 2 sur la prévention et l’article 13 sur les voies d’introduction et de propagation.

Il existe d’autres cadres institutionnels sur les EEE sans toutefois être spécifiques à ce sujet. A l’échelle française, la Stratégie nationale biodiversité 2030, la SNB numéro 3, publiée en 2023, dispose de la mesure 10 pour limiter l’introduction et lutter contre les espèces exotiques envahissantes, dont l’action 1 qui a pour objectif de mieux prévenir l’entrée sur le territoire d’EEE. A l’échelle internationale, le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, publié en 2022, vise avec sa cible 6 à empêcher l’introduction et la propagation des principales EEE, notamment dans des territoires prioritaires comme les îles. Ces deux programmes permettent de mettre en œuvre la Convention sur la diversité biologique, la CDB de 1992, dont l’article 8 traite des EEE.

5. Conclusion
Pour conclure, il est à noter le besoin de renforcer la coopération inter-administrations, avec une approche “une seule santé”, OneHealth en anglais, en associant santé humaine, santé animale et santé de l’environnement. Ce triptyque sanitaire nécessite d’intégrer les enjeux des EEE dans l'ensemble des politiques publiques et sectorielles en combinant les domaines de l’environnement, de l’agriculture et de la santé.

Contributeurs

Courchamp Franck

directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Renault David

professeur , Université de Rennes

Leroy Boris

maître de conférences , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Diagne Christophe

chargé de recherche , IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Marino Clara

chercheuse post-doctorante à la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité

Albert Arnaud

chargé de mission Espèces Exotiques Envahissantes , OFB - Office Français de la Biodiversité

Bernery Camille

chargée de mission Espèces exotiques envahissantes à l'UICN France

Soubeyran Yohann

Coordinateur Espèces exotiques envahissantes à l'UICN Comité français

Bonnaud Elsa

maître de conférences , Université Paris-Saclay

Decocq Guillaume

professeur , Université de Picardie Jules Verne

Massé Cécile

référente Espèces non indigènes au sein de PatriNat

Renard Truong Tanara

coordinatrice du rapport IPBES de 2023

Arbieu Ugo

chercheur post-doctorant , Université Paris-Saclay