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Description

Cette collection de 14 vidéos pédagogique sur les invasions biologiques, produite et coordonnée par UVED, a pour objectif de vous permettre de mieux comprendre ce processus, les impacts qui en découlent, ainsi que les stratégies de prévention ou de gestion associées. Placée sous la responsabilité scientifique de Franck Courchamp (CNRS), elle fait intervenir 13 spécialistes issus d'établissements de référence dans le domaine.

Objectifs d'apprentissage :

- Définir une espèce exotique envahissante
- Expliquer le processus d'une invasion biologique et les facteurs qui en sont responsables
- Identifier les différents types d'impacts associés aux invasions biologiques et évaluer leur coût pour les sociétés
- Décrire les stratégies, les outils et les méthodes permettant de prévenir ou de gérer les invasions biologiques
- Analyser les raisons pour lesquelles les invasions biologiques font encore l'objet d'une préoccupation limitée dans la société
- Identifier les moyens les plus fiables pour s'informer sur les invasions biologiques

 

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Cours
Objectifs de Développement Durable
  • 14. Vie aquatique
  • 15. Vie terrestre
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
invasions biologiquesespèces exotiques envahissantesimpact écologiqueimpact environnementalimpact socio-économiqueimpactscoût
  • Invasions biologiques : quelles conséquences pour nos sociétés ?
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Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée d’une vidéo de la collection UVED « Les invasions biologiques ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.

Invasions biologiques : quelles conséquences pour nos sociétés ?

Christophe Diagne, Institut de recherche pour le développement

1. Les impacts des invasions biologiques sur nos sociétés
Si certaines espèces exotiques envahissantes sont connues pour apporter des bénéfices à des populations humaines, ces bénéfices restent globalement marginaux et sont largement dépassés par les impacts négatifs. En effet, au-delà de leurs impacts, qui sont de mieux en mieux documentés, sur la biodiversité et les écosystèmes, les invasions biologiques constituent aussi une menace sérieuse pour le bien-être de nos sociétés, qu'il s'agisse, par exemple, de blessures physiques, de propagation de maladies infectieuses, de détérioration d'infrastructures, de risques pour la sécurité alimentaire, de pertes économiques ou même de stress psychologique.

Dans son dernier rapport, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, mieux connue sous son acronyme IPBES, propose une classification standardisée de ces différents impacts. Ainsi, les espèces exotiques envahissantes ont des impacts négatifs sur la nature, les contributions de la nature aux populations et la bonne qualité de vie. Deux de ces trois catégories d'impacts retiennent particulièrement notre attention, car elles illustrent la profondeur avec laquelle ces espèces exotiques envahissantes peuvent perturber les sociétés humaines.

D'une part, les impacts sur les contributions de la nature aux populations incluent des conséquences majeures, telles que la réduction de l'approvisionnement alimentaire, une problématique rencontrée dans toutes les régions du monde. À cela s'ajoutent des risques environnementaux accrus, notamment les incendies, l'érosion des sols, la production de pollens allergisants, la propagation de maladies zoonotiques, ainsi que les empoisonnements ou encore les envenimations.

D'autre part, les impacts sur la bonne qualité de vie concernent des éléments essentiels au bien-être des populations. Cela inclut les ressources matérielles et immatérielles, comme la nourriture et le carburant, mais aussi des aspects cruciaux tels que la sécurité, la santé, les pratiques économiques et culturelles et même les relations sociales.
Ces impacts très divers témoignent tous de la gravité des invasions biologiques pour les sociétés humaines.

2. Quelques exemples
L'ambroisie à feuille d'armoise
Venue d'Amérique du Nord, elle s'est largement répandue en Europe et en Asie. Cette plante produit un pollen extrêmement allergisant responsable de troubles respiratoires graves, comme la rhinite allergique ou l'aggravation de l'asthme. Chaque année, des millions de personnes en Europe sont affectées.

La jacinthe d'eau
Originaire d'Amérique du Sud, elle a envahi de nombreuses régions tropicales et subtropicales à travers le monde. Cette plante aquatique étouffe littéralement les écosystèmes en formant des tapis denses à la surface de l'eau. Elle a ainsi gravement réduit les populations de tilapias, un poisson essentiel à la pêche locale, mettant en péril la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de milliers de pêcheurs.

Le moustique tigre
Cette espèce, originaire d'Asie du Sud-Est, a étendu son aire de répartition grâce à la mondialisation et touche désormais l'Europe et les Amériques. Elle est vectrice de maladies graves, telles que la dengue, le chikungunya, ou encore la fièvre jaune.

Le serpent brun
Depuis l'Australie et l'Indonésie, ce serpent a envahi l'île de Guam, dans le Pacifique. Il a créé d'importants dégâts matériels et des courts-circuits en s'introduisant dans les installations et poteaux électriques de l'île.

La légionnaire d'automne
Depuis les Amériques, la légionnaire d'automne a atteint l'Afrique, l'Asie et l'Australie. Cet insecte ravageur s'attaque à des cultures essentielles, comme le maïs, le sorgho, ou encore le riz, et compromet ainsi la sécurité alimentaire de millions de personnes, particulièrement dans les pays en développement.

Le rat noir et la souris domestique
Enfin, les rongeurs, comme le rat noir et la souris domestique, sont de véritables globe-trotteurs. Originaires d'Asie, ils sont aujourd'hui présents quasiment partout dans le monde. Ces espèces sont porteuses de pathogènes comme la leptospirose, la peste ou la salmonellose, entre autres. Elles sont aussi responsables de situations de malnutrition et de précarité, par la destruction des denrées alimentaires stockées et des biens matériels.

3. Quelle métrique pour quantifier ces impacts ?
Les impacts des invasions biologiques sont donc divers et multidimensionnels, et sont par conséquent complexes à quantifier de manière homogène et standardisée. Pourtant, une telle quantification est essentielle pour alerter le public et les décideurs sur l'ampleur du problème, pour orienter les actions de gestion durable, mais également pour améliorer les efforts en matière de recherche scientifique. Pour cela, l'utilisation d'une métrique commune apparaît essentielle.

Dans ce contexte, la monnaie, ou encore le coût économique, s'impose naturellement comme une unité de mesure universelle et concrète. En effet, parler en termes d'argent permet de rendre tangibles les conséquences de ces invasions biologiques. Il est important de préciser que ces coûts économiques ne sont pas un type d'impact en particulier. Ils sont plutôt une représentation quantifiée des différents types d'impacts liés aux invasions biologiques.
Comme le montre cette figure, ces coûts peuvent concerner aussi bien des dommages directs et indirects des invasions biologiques que des coûts de gestion pour lutter contre l'expansion d'une espèce exotique envahissante ou en limiter ses impacts.

4. Qui supporte le coût des invasions biologiques ?
Pour les coûts de gestion, comme ceux engagés par les pouvoirs publics, ou parfois par des entreprises privées, la réponse est assez évidente. En revanche, pour les coûts liés aux dommages, comme les frais hospitaliers en cas de maladie provoquée par une espèce exotique envahissante, la répartition est bien plus complexe. Entre les organismes publics, les assurances privées, et parfois directement les individus eux-mêmes, il n'est pas toujours facile d'identifier qui en assume la charge finale. Ce qui est certain, c'est que ces coûts, sous une forme ou sous une autre, entraînent toujours des pertes pour certains acteurs.

5. Le réseau de recherche InvaCost
C'est dans ce contexte qu'un réseau de recherche appelé InvaCost s'est constitué ces dernières années. Ce consortium regroupant plus d'une centaine de collaborateurs scientifiques et non académiques a développé une méthodologie commune pour compiler, standardiser, analyser et évaluer les coûts économiques des invasions biologiques à partir d'une base de données publique et évolutive qui a été construite de manière collective. Cette base regroupe aujourd'hui plusieurs milliers d'estimations individuelles de coûts économiques rapportés dans la littérature scientifique et non scientifique. Cette approche a également permis de produire des analyses approfondies des coûts économiques liés aux invasions à différentes échelles : taxonomique, géographique ou encore sociétale, offrant une meilleure compréhension de la dimension économique de ces invasions biologiques et de leurs impacts.

6. Les résultats d'InvaCost
Les coûts économiques des invasions biologiques s'élèvent à au moins 1 738 milliards de dollars sur les 50 dernières années. Pour la seule année 2017, les coûts estimés dépassent 163 milliards de dollars, un montant plus de 20 fois supérieur au budget combiné de l'Organisation mondiale de la santé et de l'ONU pour la même année. De plus, ces coûts augmentent de manière exponentielle, avec un quadruplement toutes les décennies. Cette augmentation s'explique aussi bien par l'intensification des activités humaines qui favorisent les invasions biologiques que par l'accroissement des études scientifiques qui permettent de documenter ces coûts. Il est cependant difficile de déterminer précisément l'influence respective de ces deux facteurs.

Malgré ces chiffres impressionnants, il est important de souligner que ces coûts demeurent encore très largement sous-estimés par rapport à la réalité de leur magnitude. Ils se basent uniquement sur les données publiées et disponibles, laissant de côté de nombreux coûts non documentés ou non encore monétisés. Les impacts des espèces exotiques envahissantes qui n'ont pas encore été évalués, et donc pas encore été quantifiés, contribuent également à cette sous-estimation qui, en réalité, ne représente que la partie émergée de l'iceberg.

Un autre point clé concerne la répartition de ces coûts selon les taxons et les pays. Les données montrent que certains groupes, comme les insectes et les mammifères, et certains pays, comme les États-Unis, concentrent une part importante des coûts enregistrés. Cette distribution reflète en partie des réalités biologiques et économiques.

Les insectes et mammifères, par exemple, engendrent souvent des impacts majeurs en raison de leur biologie ou de leurs interactions avec les activités humaines, et les États-Unis, avec leur large territoire et leur grande puissance économique, sont fortement exposés aux invasions biologiques. Mais cette répartition s'explique aussi par des biais dans les efforts de recherche. Les États-Unis, grâce à leurs moyens financiers et humains, sont mieux équipés pour collecter, analyser et publier des données sur ces coûts que beaucoup d'autres pays à travers le monde. Par ailleurs, les insectes et les mammifères figurent parmi les groupes les plus étudiés en science des invasions. Cela signifie que leurs impacts sont non seulement mieux documentés, mais aussi mieux quantifiés, ce qui amplifie naturellement leur poids apparent dans les analyses globales. Ainsi, cette concentration des coûts n'est pas toujours représentative d'une réalité mondiale, mais reflète aussi des disparités dans les priorités et les capacités de recherche.

7. Conclusion
Les invasions biologiques causent d'énormes impacts directs et indirects pour les sociétés humaines. L'utilisation du coût économique comme métrique commune vise avant tout à sensibiliser le plus large public possible sur la diversité et l'importance de ces impacts, bien que ces chiffres économiques, aussi impressionnants soient-ils, ne suffisent même pas à refléter l'ensemble des conséquences de ce phénomène global, dont l'ampleur réelle reste aujourd'hui difficilement quantifiable pour les écosystèmes.

 

Contributeurs

Courchamp Franck

directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Renault David

professeur , Université de Rennes

Leroy Boris

maître de conférences , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Diagne Christophe

chargé de recherche , IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Marino Clara

chercheuse post-doctorante à la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité

Albert Arnaud

chargé de mission Espèces Exotiques Envahissantes , OFB - Office Français de la Biodiversité

Bernery Camille

chargée de mission Espèces exotiques envahissantes à l'UICN France

Soubeyran Yohann

Coordinateur Espèces exotiques envahissantes à l'UICN Comité français

Bonnaud Elsa

maître de conférences , Université Paris-Saclay

Decocq Guillaume

professeur , Université de Picardie Jules Verne

Massé Cécile

référente Espèces non indigènes au sein de PatriNat

Renard Truong Tanara

coordinatrice du rapport IPBES de 2023

Arbieu Ugo

chercheur post-doctorant , Université Paris-Saclay