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Description

Ce MOOC a pour ambition d'apporter à un large public des connaissances de base sur l'ingénierie écologique, sur la base de vidéos de cours et d'activités pédagogiques collaboratives. Il mobilise une équipe d'experts scientifiques reconnus, et s'adresse à un large public francophone et international.

Le MOOC "Ingénierie écologique" est piloté scientifiquement par Luc ABBADIE, écologue, Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, Directeur du Laboratoire BIOEMCO/Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement de Paris (CNRS UPMC, IRD, INRA, UPEC, ENS). Il mobilise une équipe de 28 experts scientifiques reconnus, issus de disciplines et d'établissements variés (établissements d'enseignement supérieur, organismes de recherche, entreprises, institution).

Objectifs d’apprentissage :
- Acquérir des éléments de repère pour définir l’ingénierie écologique 
- Acquérir les bases scientifique pour penser l’ingénierie écologique
- Connaître les contextes de déploiement de l’ingénierie écologique
- Appréhender l’ingénierie de manière responsable, systémique et pluridisciplinaire
- Identifier les facteurs clés pour impulser et mettre en œuvre avec succès l’ingénierie écologique.
 

Deux niveaux de difficulté sont proposés selon les contenus de ce parcours : le niveau "Débutant" s'adresse aux apprenants de niveau Bac à Bac+3 (Licence), tandis que le niveau "Approfondi" est plutôt destiné aux apprenants de niveau Master et +.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+1
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
  • Bac+5
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
écosystèmeséthiqueéconomiedroitingénierie écologiqueanthropologie
  • Le pilotage des services écosystémiques
  • Restauration écologique et/ou ingénierie écologique ?
  • La dépollution à l'interface urbain / rural
  • Les zones de rejets végétalisées
  • Les Trames vertes et bleues
  • Le génie végétal
  • L'ingénierie agroécologique
  • La compensation écologique
  • Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations : la compétence GEMAPI
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La compensation écologique

Harold Levrel, Professeur à AgroParisTech

 
La compensation écologique correspond aux actions qu'on réalise en faveur de la biodiversité, pour contrebalancer des impacts négatifs qui ont eu lieu sur cette biodiversité.

Elle peut concerner deux situations. La première est le cas de dommages accidentels, notamment liés à des pollutions. Dans ce cas, on va réaliser une compensation après le dommage. Il y a aussi les compensations au titre de la réglementation sur les dommages autorisés. Dans ce cas, l'impact est autorisé, mais il est conditionné par la réalisation de mesures compensatoires. C'est le cas dans la loi sur l'eau, Natura 2000, ou la loi sur les espèces protégées. Le plus souvent, il s'agit d'impacts liés à l'aménagement du territoire, route, urbanisme et ce type d'infrastructures.

Pour évaluer la qualité des mesures compensatoires, on a un certain nombre de critères sur lesquels je vais revenir maintenant. La faisabilité écologique, tout d'abord. Pour évaluer la faisabilité écologique d'une mesure compensatoire, il s'agit tout d'abord d'évaluer la nature de l'impact. En effet, l'impact peut avoir lieu sur des milieux déjà dégradés, auquel cas la compensation pourra être moins exigeante. En revanche, s'il s'agit de milieux qui sont en très bonne qualité, la compensation sera plus exigeante. Il y a aussi la question d'irréversibilité des impacts, si les impacts sont irréversibles, la compensation doit, elle aussi, être définitive. La nature de l'impact joue un rôle important. Tout cela doit permettre d'établir une frontière à la compensation, c'est-à-dire, qu'est-ce qui est autorisé.

Justement, concernant les compensations, le point essentiel est de savoir qu'est-ce que l'on sait faire aujourd'hui en matière de restauration écologique, évidemment on ne sait pas tout restaurer. Certains habitats sont, aujourd'hui, assez bien connus et peuvent bénéficier d'actions qui vont générer des effets positifs, d'autres beaucoup moins. Ce qu'on constate aujourd'hui dans la littérature, c'est que les niveaux d'efficacité de la restauration écologique atteignent à peu près entre 75 % et 80 % d'un état naturel, par rapport à un état dégradé, on va réussir à récupérer jusqu'à 70 à 80 % au regard d'un référentiel d'état naturel.


 

Cette efficacité dépend beaucoup de plusieurs paramètres. Un des paramètres essentiels, c'est la taille des actions de restauration écologique. Comme on le voit sur la figure, à partir de cent hectares, pour la restauration de zones humides, on va retrouver une efficacité très forte. En revanche, si on est sur des petites surfaces autour d'un hectare, l'efficacité de la restauration écologique des zones humides est très faible.


 

Maintenant, quand on veut évaluer cette efficacité, comment le faire ? On doit avoir plutôt recours à des approches multicritères, parce que si on s'intéresse à un indicateur de biodiversité animale, de biodiversité végétale, ou de fonctionnalités des écosystèmes, on n'aura pas les mêmes réponses et les mêmes résultats. Il faut donc combiner ces différents indicateurs pour avoir une vision d'ensemble des effets de la restauration écologique. On le voit sur la figure, il y a des différences très importantes en matière de réponse et de temps de réponse des écosystèmes selon les indicateurs que l'on choisit.


 

Les points essentiels pour évaluer la qualité des mesures compensatoires concernent, l'additionnalité et la pérennité des gains et l'équivalence écologique. Pour bien comprendre cela, il est intéressant de revenir sur la manière dont on peut réaliser les mesures compensatoires, aussi bien en France qu'à l'étranger.

Une première manière de faire, ce sont les actions de préservation. Il s'agit de protéger un habitat qui serait menacé. Dans la figure, en vert clair, on a les zones humides, en vert foncé, on représente un autre écosystème naturel comme une forêt, et en rouge, des écosystèmes artificiels. Si je reviens à cette figure, la présentation, c'est simplement protéger un espace de zones humides. Il n'y a pas de gain écologique, il n'y a pas, non plus, de gains surfaciques.

Une deuxième manière de faire, c'est de réaliser des actions d'amélioration. Il s'agit d'améliorer la qualité d'un flux qui peut avoir des effets négatifs sur l'écosystème aquatique. Il peut s'agir de mettre en place une station d'épuration pour limiter les polluants ou de limiter l'invasion d'une espèce sur la zone. On a un gain fonctionnel, un gain en termes écologiques, mais pas surfaciques.

Une action création revient, quant à elle, à transformer un écosystème naturel par un autre écosystème naturel. Dans notre exemple, il s'agirait de remplacer une partie de zones forestières par des zones humides, en considérant qu'elles ont plus de valeur pour différentes raisons. C'est beaucoup discuté parce que la légitimité à transformer un habitat naturel par un autre habitat naturel ne va pas de soi.

La seule action qui génère véritablement des gains écologiques et surfaciques, c'est l'action de restauration écologique qui nécessite de transformer des zones artificielles en zones naturelles. C'est à partir de ces éléments-là qu'on peut qualifier l'additionnalité des actions de compensation, mais aussi l'équivalence par rapport à des impacts réalisés. Il est aussi nécessaire de prendre en compte la séquence à partir de laquelle on va pouvoir délivrer des autorisations d'impact. En effet, idéalement, il faudrait que l'autorisation soit totalement conditionnée par les résultats de l'action écologique, de l'action de compensation. Comme on le voit sur cette figure, on peut démontrer qu'au bout d'un certain nombre d'années, on va avoir des résultats écologiques concernant les fonctions écologiques de l'écosystème, la présence de certaines espèces, l'absence d'espèces invasives. C'est au fil de ces résultats qu'on devrait donner les autorisations, et non pas donner des autorisations sous conditions de compensation qui pourraient avoir lieu après. Il y a donc un enjeu d'anticipation.

Il y a aussi un enjeu de mutualisation. Si on prend la partie gauche sur cette figure, on voit que dans le cas classique des mesures compensatoires, l'administration, le régulateur va demander au développeur de réaliser des mesures compensatoires lui-même. Ce qui se passe dans ce cas-là, c'est qu'il va trouver des zones dégradées et faire des restaurations écologiques à proximité du lieu d'impact. Cette méthode a deux inconvénients. Le premier, c'est que pour l'administration, cela nécessite de contrôler beaucoup d'acteurs. Le deuxième effet négatif, c'est un effet timbre-poste, c'est-à-dire que comme on a plein de petites actions de compensations réalisées de manière non connectée, tout ça est très peu efficace. Sur la partie droite, on a le recours à ce qu'on appelle un système de sites naturels de compensation, qui vise à réaliser des actions de restauration sur des plus grandes surfaces. Dans ce cas, l'administration va demander au développeur non pas de réaliser lui-même la compensation, mais d'acheter des droits de compensation à un autre acteur, qu'on appelle sponsor de compensation, qu'on pourrait aussi appeler opérateur de compensation. Cet opérateur de compensation va réaliser des actions de restauration collective sur des plus grandes surfaces. Ça a deux avantages, le premier, c'est plus facile à contrôler pour l'administration. Il n'y a plus qu'un seul acteur à aller voir. Par ailleurs, il va y avoir des plus grandes surfaces, d'où une plus grande efficacité dans l'action de restauration écologique.


 

Un avant-dernier point essentiel est la proximité spatiale. En effet, les mesures compensatoires n'ont pas lieu exactement sur le même lieu, en particulier lorsqu'il y a des actions de mutualisation. On voit, sur cette figure, que les distances moyennes sont autour de 10 à 20 kilomètres entre la zone d'impact et la zone de compensation. Peut-être que d'un point de vue écologique, ça peut se justifier, mais d'un point de vue social, en tout état de cause, ce ne sont pas les mêmes populations qui auront subi l'impact et celles qui bénéficieront des actions de restauration écologique, ça pose donc des questions. D'un point de vue écologique, on peut s'interroger parfois sur ces distances. Vous voyez dans cette figure, c'est une description des zones d'impact et des zones de compensation dans un état des États-Unis, en Caroline du Nord, et on voit bien les distances entre ces zones d'impacts et de compensation, et donc la redistribution générée par ce type d'action. Un dernier critère essentiel est la présence d'une autorité environnementale indépendante. Aujourd'hui, en France, on manque encore d'une autorité environnementale qui soit complètement déconnectée des acteurs politiques du territoire. C'est un élément pourtant essentiel pour avoir une validation des enjeux écologiques associés à la mesure compensatoire.