En ligne depuis le 16/01/2018
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Description
Ce parcours de formation a pour ambition d'apporter à un large public des connaissances de base sur l'ingénierie écologique, sur la base de vidéos de cours et d'activités pédagogiques collaboratives. Il mobilise une équipe d'experts scientifiques reconnus, et s'adresse à un large public francophone et international.
Le parcours de formation "Ingénierie écologique" est piloté scientifiquement par Luc ABBADIE, écologue, Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, Directeur du Laboratoire BIOEMCO/Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement de Paris (CNRS UPMC, IRD, INRA, UPEC, ENS). Il mobilise une équipe de 28 experts scientifiques reconnus, issus de disciplines et d'établissements variés (établissements d'enseignement supérieur, organismes de recherche, entreprises, institution).
Objectifs d’apprentissage :
- Acquérir des éléments de repère pour définir l’ingénierie écologique
- Acquérir les bases scientifique pour penser l’ingénierie écologique
- Connaître les contextes de déploiement de l’ingénierie écologique
- Appréhender l’ingénierie de manière responsable, systémique et pluridisciplinaire
- Identifier les facteurs clés pour impulser et mettre en œuvre avec succès l’ingénierie écologique.
Deux niveaux de difficulté sont proposés selon les contenus de ce parcours : le niveau "Débutant" s'adresse aux apprenants de niveau Bac à Bac+3 (Licence), tandis que le niveau "Approfondi" est plutôt destiné aux apprenants de niveau Master et +.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+1
- Bac+2
- Bac+3
- Bac+4
- Bac+5
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Parcours thématique
Mots-clés

Émergence de l'ingénierie écologique (7 vidéos)

Les bases écologiques de l'ingénierie écologique (9 vidéos)

Les défis à relever de l'ingénierie écologique (9 vidéos)

Déploiement de l'ingénierie écologique (8 vidéos)
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Ingénierie écologique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Services écosystémiques et multifonctionnalité
Sébastien Barot,
Chercheur, IRD
Je vais vous parler des liens entre ingénierie écologique, services écosystémiques et multifonctionnalité.
1. Définitions
L’idée de services écosystémiques n’est pas dans les premières définitions de l’ingénierie écologique. Dans la définition de Mitsch de l’ingénierie écologique, dans les années 2000, l’ingénierie écologique concerne des pratiques qui permettent de produire des écosystèmes durables intégrant les sociétés humaines et qui bénéficient à la fois aux sociétés humaines et à l’environnement naturel. Dans cette définition, on n’a pas la notion de services écosystémiques. Par contre, à partir du moment où on parle de bénéfices de ces services des écosystèmes aux sociétés humaines, par définition, il s’agit de services écosystémiques. De plus en plus, on parle de multifonctionnalité. C’est-à-dire que quand on manipule des écosystèmes, on espère que ces écosystèmes vont rendre différents services, pas un seul service. Par exemple, en agriculture, on va devoir à la fois produire de la nourriture, mais aussi réguler le cycle du carbone et réguler les changements climatiques, protéger la biodiversité... On doit donc rendre un certain nombre de services et c’est ce qu’on appelle la multifonctionnalité, qui a priori est très importante en ingénierie écologique.
2. Cadre conceptuel
Le schéma général est le suivant (voir ci-dessous). Au centre du schéma, on a les écosystèmes et leurs fonctionnements. Le fonctionnement d’un écosystème c’est de la biodiversité en interaction avec le milieu physico-chimique. Ces écosystèmes produisent un certain nombre de services, d’approvisionnement, de régulation, des services culturels. Ils produisent aussi des disservices. Un exemple de disservice est celui des moustiques qui vont nous piquer et éventuellement transmettre des maladies. Ces services et ces disservices sont un intermédiaire entre les écosystèmes et les sociétés humaines. Sur la partie gauche du schéma, c’est l’impact de sociétés humaines sur les écosystèmes, l’impact de la gestion, et l’impact de l’ingénierie écologique sur les écosystèmes. On sait depuis longtemps que les sociétés humaines ont tendance à impacter négativement les écosystèmes. Cela veut dire que les écosystèmes vont moins bien fonctionner et probablement rendre moins de services.
Cette idée est à la base de la notion de service écosystémique. On a inventé cette notion pour montrer que les sociétés humaines dépendent des écosystèmes, et pour convaincre les sociétés humaines qu’il fallait peut-être mieux traiter les écosystèmes de façon à produire plus de services et à ne pas impacter les sociétés humaines. Cette notion de service écosystémique sert dans un premier temps à protéger les écosystèmes. On peut aller un peu plus loin, vers la gestion et vers l’ingénierie écologique. L’ingénierie écologique va essayer de modifier et de manipuler les écosystèmes de façon à produire un certain nombre de services qui sont les services désirés. Du coup, on a cette boucle de rétroaction en pointillés, en bas du schéma, qui montre que les sociétés humaines en fonction des services et disservices qu’elles vont recevoir, devraient infléchir et modifier leurs pratiques qui impactent les écosystèmes pour, de nouveau, aboutir aux services écosystémiques désirés.
3. Mesurer les services écosystémiques
Un défi assez important est celui de la mesure des services écosystémiques produits par des systèmes anthropisés et par des systèmes manipulés. Il y a eu deux tendances : 1) soit les gens se sont dit « quand on est dans un écosystème manipulé, on ne va pas mesurer ses services écosystémiques parce que cet écosystème est manipulé, il ne produit pas de services écosystémiques » ; 2) soit les gens ont finalement pris en compte les services écosystémiques des systèmes anthropisés, par exemple la production d’un champ de blé, sans prendre de recul et sans se dire que cette production de blé était aussi due à des manipulations humaines qui ne pouvaient pas rentrer dans le cadre des services écosystémiques. C’est ce qu’on voit sur le schéma ci-dessous. Idéalement il faudrait pouvoir séparer la flèche bleue, qui sont les services écosystémiques vrais, qui sont vraiment dus au fonctionnement naturel des systèmes écologiques et la flèche rouge qui correspond à l’effet des manipulations. Les effets des manipulations sont importants à prendre en compte parce qu’on sait qu’en agriculture, ces manipulations peuvent poser un certain nombre de problèmes. Par exemple, on sait que les engrais sont très importants pour la production de blé, mais qu’il y en a une partie qui part dans la nappe phréatique et la contamine, rendant l’eau non potable par exemple. Idéalement, il faudrait séparer les services écosystémiques vrais, ce que j’appelle les services écosystémiques nets, des services qui sont liés aux manipulations.
Dans la réalité, ce n’est pas possible. C’est ce qu’on voit dans la partie basse de la figure. Tous les mécanismes au sein des écosystèmes sont intriqués, sont mélangés les uns avec les autres et on ne peut pas vraiment séparer. Dans un champ de blé, la production de blé est due à la fois à la photosynthèse qui est complètement un processus naturel, et aux pesticides et aux engrais qui eux sont vraiment des produits de la manipulation humaine, et qui posent un certain nombre de problèmes écologiques. Par conséquent, la seule chose qu’on puisse vraiment estimer directement, ce sont les services écosystémiques bruts.
4. Mesurer la multifonctionnalité
Si on veut comparer différentes pratiques d’ingénierie écologique, comme par exemple différentes pratiques d’agriculture, ce qu’il faut faire c’est mesurer à la fois les services d’approvisionnement, les services de régulation, les services culturels, mais aussi les disservices. Quand on mesure ces disservices, il faut mesurer à la fois les disservices qui, comme les moustiques, sont a priori liés au fonctionnement naturel de l’écosystème, et puis mesurer les disservices qui sont liés aux manipulations. Les nitrates qui partent dans la nappe phréatique sont un exemple de disservice lié à la manipulation, à l’apport d’engrais, mais il faut en tenir compte. Il faut tenir compte aussi des changements dans l’état de l’écosystème. Quand on manipule un écosystème en ingénierie écologique, on souhaite que cet écosystème continue à être dans un état qui va lui permettre de produire des services écosystémiques. En agriculture, on sait que certaines pratiques ont conduit à la dégradation des sols, à la perte de matière organique, à la perte de fertilité. On sait que ces pratiques sont mauvaises dans le sens où ça rend l’agriculture non durable. C’est donc quelque chose qu’on cherche à éviter en ingénierie écologique.
5. Prendre en compte les coûts indirects des manipulations
Il y a une dernière chose à prendre en compte. Il s’agit des coûts environnementaux qui sont directement liés aux manipulations. Le problème des nitrates qui passent dans la nappe phréatique sont un disservice qui passe par le fonctionnement de l’écosystème. Mais il y a aussi tout un tas de coûts environnementaux qui sont liés par exemple à la production des intrants. Par exemple, pour produire ces engrais azotés, il faut utiliser des sources d’énergie non durables ce qui est un problème. À chaque fois qu’on va utiliser un camion, un tracteur en ingénierie écologique, on va utiliser des combustibles fossiles, on va contribuer au réchauffement climatique. C’est quelque chose qu’il faut prendre en compte aussi. Une autre façon de présenter ça, c’est qu’à chaque fois qu’on va vouloir comparer et évaluer des pratiques d’ingénierie écologique, il va falloir à la fois mesurer et estimer les services écosystémiques, mesurer les disservices et puis faire une espèce d’analyse de cycle de vie qui prend en compte tous les coûts écologiques de nos manipulations.
6. Redéfinir l’ingénierie écologique
Cela conduit à une nouvelle définition de l’ingénierie écologique qui, elle, est basée sur les services. L’ingénierie écologique est un ensemble de pratiques et de techniques qui permettent de produire durablement des services désirés en minimisant les disservices et impacts non désirés, tout en maintenant la capacité de l’écosystème à fournir ce service. Cette définition est un peu nouvelle, même si on y retrouve un certain nombre d’éléments importants qu’on trouvait dans les autres définitions. On retrouve l’idée de durabilité et puis on retrouve, un peu en filigrane, la notion d’auto-organisation. L’idée en ingénierie écologique est qu’on va manipuler un écosystème et qu’on espère que cet écosystème va pouvoir fonctionner tout seul, produire un certain nombre de services écosystémiques sans nécessiter trop de manipulations. En agriculture, ça veut dire qu’on va essayer de minimiser les intrants tout en continuant à produire par exemple du blé. Si on a une toiture végétalisée, on va essayer que cette toiture végétalisée remplisse un certain nombre de services, mais en évitant d’avoir à irriguer la toiture, en évitant d’avoir à la tondre, en évitant d’avoir à mettre des pesticides chaque année. L’idée de l’ingénierie écologique est bien de maximiser la production de vrais services écosystémiques liés au fonctionnement écologique, au mécanisme écologique, tout en minimisant les manipulations, les intrants et les coûts écologiques de ces manipulations.