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Description

Gilles Boeuf, professeur à l’université Pierre et Marie Curie, est le référent scientifique de ce MOOC Biodiversité & changements globaux.

Les grandes thématiques de ce cours ont été définies avec son concours et avec celui de l’ensemble des responsables scientifiques du MOOC biodiversité, proposé en 2015 sur FunMOOC, à savoir : Philippe Cury (IRD), Marion Gosselin (IRSTEA), Éric Rochard (IRSTEA), Étienne Hainzelin (CIRAD), Nathalie Machon (MNHN), Bernard Swynghedauw (ex-INSERM), Denis Couvet (MNHN) et Serge Bahuchet (MNHN). Ce MOOC « Biodiversité et changements globaux » constitue en effet le prolongement du MOOC « Biodiversité ».

Deux niveaux de difficulté sont proposés selon les contenus de ce parcours : le niveau "Débutant" s'adresse aux apprenants de niveau Bac à Bac+3 (Licence), tandis que le niveau "Approfondi" est plutôt destiné aux apprenants de niveau Master et +.

Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre en quoi la biodiversité est essentielle à l'existence humaine.
- Comprendre les services que la biodiversité rend aux sociétés humaines.
- Découvrir certaines possibilités qu’ont les acteurs publics et privés de mieux prendre en compte la biodiversité dans leurs actions, afin de la conserver.
- Comprendre les raisons pour lesquelles les peuples autochtones et les communautés locales sont les gardiens de la biodiversité.
- Comprendre les ressorts d’un engagement individuel et collectif en faveur de la biodiversité.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
  • Bac+5
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
biodiversitéchangements globaux
  • Peuples autochtones et communautés locales en prise avec le changement
  • Sociétés arctiques et subarctiques : adaptation et savoirs autochtones
  • Les feux anthropiques, anciennes pratiques et nouveaux services
  • Changements et biodiversité chez les autochtones des forêts d'Afrique centrale
  • Savoirs locaux, femmes et biodiversité dans les Mascareignes
  • Changement climatique et cognition humaine
  • Apprendre autrement la protection de la biodiversité
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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED «Biodiversité et changements globaux ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Sociétés arctiques et subarctiques : adaptation et savoirs autochtones

Marie Roué
Directrice de recherche, CNRS

Nous allons parler des sociétés arctiques et subarctiques et des changements globaux auxquels elles font face aujourd'hui, en particulier des chasseurs inuits de l'Arctique et des éleveurs de rennes samis du Subarctique. Nous allons parler également de leurs savoirs qui leur permettent de faire face en s'adaptant.

1. Changement climatique

Le premier changement d'importance est le changement climatique. Dans ces sociétés, l'augmentation de la température moyenne est deux fois plus rapide que chez nous. Un autre changement important est lié à l'effet de l'albédo : la superficie de la banquise arctique diminue, année après année. Vous avez ci-dessous un graphique qui montre cette baisse continue. Quand elle a fondu, la réflexion ne se fait pas car la surface est noire au lieu d'être blanche. Les conséquences ont lieu d'abord sur la faune. Les ours polaires, par exemple, ont du mal à subsister dans un milieu où la banquise, la glace est tout à fait ininterrompue. C’est le cas aussi des phoques, des baleines, mais également des populations qui en dépendent en raison de la difficulté à trouver ces animaux et de l’insécurité grandissante à cause de cette glace qui n’est pas aussi solide qu'elle l'était auparavant. Or cette glace autorise les déplacements.

2. Sédentarisation

Nous avons aussi dans les années 60 des gros changements. Le premier, majeur, est celui de la sédentarisation des peuples qui étaient nomades ou semi-nomades. Tous les États veulent à ce moment-là leur donner accès à la modernité, à la fois pour les contrôler et pour ne pas avoir à faire face à des situations graves, comme des situations de famine. Cet apport d’un certain niveau de vie va avec l'incapacité de continuer à nomadiser. Or la nomadisation était, pour une grande partie, ce qui permettait de contrôler une exploitation mesurée de chaque espace en des lieux et des moments différents.

3. Ressources et niveau de vie

La motorisation concerne tout d'abord, pour les Inuits ou les Samis, la motoneige, et également en été des hors-bords et des moteurs sur les bateaux. Il y a des bouleversements sociaux et économiques parce qu'on a une économie mixte et qu’il est de plus en plus difficile de faire face à ces dépenses accrues que la modernité apporte. Aussi, il y a un pouvoir accru de l'État qui doit aider ces populations. Cela induit une perte de l'autonomie ce qui, d'un point de vue social, est très importante, puisque ce sont des populations qui savaient faire face à des conditions extrêmes et qui, désormais, se retrouvent en situation de pouvoir dépendre parfois de l'État.

D'un point de vue économique, dès le début du vingtième siècle, le marché de la fourrure s'écroule, mais les peaux de phoque se vendent encore et permettent de faire face aux dépenses. Mais le mouvement environnementaliste va faire pression sur la communauté européenne qui va interdire la vente des peaux de phoque. L'économie de beaucoup de petits villages Inuits va s'écrouler. On voit donc là le lien entre des économies et des modes de pensée occidentaux très lointains et des petites communautés qui voient tout d'un coup leurs ressources disparaître.

Nous avons également dans les années 60 une pénétration de plus en plus grande du développement, avec des routes, un accès aussi par d'autres moyens, comme les avions et beaucoup de barrages. L'énergie hydroélectrique est très précieuse et elle est exploitée partout sur ces grandes rivières. Des mines sont aussi exploitées, car le sous-sol est extrêmement riche en de nombreux minerais et métaux. Des énergies fossiles comme le pétrole et le gaz le sont finalement aussi, par des compagnies internationales, tant dans la mer de Barents que dans la mer Arctique. Dans un premier temps, il s’agit d’une exploitation sur la terre, sur la côte, puis de plus en plus une exploitation offshore dans la mer ce qui, d'un point de vue environnemental, présente beaucoup plus de risques. Par exemple, on ne sait pas très bien comment on pourra faire face à la pollution de l’Amoco Cadiz, dans l'Arctique, au moment de la fonte des neiges et des glaces. Pourtant, ces populations ont une grande résilience et continuent à pratiquer leurs activités traditionnelles.

4. Exemple des Samis

Pour les Samis éleveurs de rennes, la grande question en hiver est que le renne puisse avoir accès à sa nourriture. Le lichen se retrouve sous la neige et il faut qu'il creuse. Or, en raison du changement climatique et de la multiplication des événements extrêmes, on a un temps très inconstant. On a par exemple une fonte de la neige ou même de la pluie verglacée qui entraîne une surface glacée plus ou moins étendue et qui empêche, à ce moment-là, les rennes d'avoir accès à leur nourriture principale. Les savoirs des Samis sont cependant grands et ils pratiquent journellement une surveillance de l'état de leurs pâturages. Ils ont des savoirs qui touchent, pour nous, à des disciplines très variées, comme la botanique, évidemment la zoologie, puisqu'il s'agit d'élevage, la physique, la chimie. Ils ont des méthodes d'observation qui sont très semblables à celles qu'ont les scientifiques : creuser un trou dans la neige et étudier la stratigraphie. Ils en étudient aussi la cristallographie à travers un vocabulaire spécialisé et extrêmement précis qui leur permet de caractériser, de comprendre et de communiquer. C'est donc une science et aussi une stratégie, puisqu'ils prennent des décisions à ce moment-là de déplacer le troupeau, de les faire avancer plus ou moins vite, ou d'aller à un endroit dont ils savent qu'il est encore accessible. Mais c'est aussi une philosophie, la philosophie scientifique de l'impermanence. Alors que les sciences occidentales qui s'occupent séparément de chacun de ces phénomènes, ont tendance à présenter des états, les Samis, dans leur vocabulaire même et dans leur philosophie, savent que le temps et les conditions d'aujourd'hui, ne seront peut-être pas les mêmes demain et que les changements radicaux peuvent arriver, comme par exemple, un pâturage excellent aujourd'hui et rien du tout demain.

5. Modernité et tradition

On a aujourd'hui, chez les Inuits comme chez les Samis et chez les peuples arctiques en général, une nouvelle génération qui utilise les outils de la modernité. La première chose sur laquelle je voudrais insister est que modernité et tradition, contrairement à ce que beaucoup d'idées reçues affirment, ne sont pas du tout en opposition, bien au contraire. Par exemple, pour vous donner un exemple, dans le domaine de la communication, c'est justement la modernité qui permet de continuer des activités traditionnelles, de continuer pour les jeunes, à partir sur la banquise pour les Inuits et pour les jeunes Samis de partir dans la toundra avec les troupeaux de rennes. D'abord parce qu'ils ont les moyens de communiquer avec leurs collègues ou avec des autorités, s'ils sont en danger. Et aussi parce que la coopération peut se monter grâce à cette communication, et parce que la vie familiale peut continuer. Un jeune homme qui va être parti avec son troupeau peut par exemple téléphoner ou envoyer un texto à son amie pour lui dire où il est et pour qu'elle puisse, le week-end, quand elle ne travaille pas, puisque le travail salarié est maintenant nécessaire à l'économie, venir le rejoindre à tel et tel endroit.

Conclusion

On peut se demander quel est le coût de ces implications pour une communauté. Un très petit nombre de personnes qui doivent faire face à beaucoup de changements et qui doivent à la fois, développer des savoirs politiques pour répondre à la menace sur leur territoire, aller discuter, montrer, discuter avec les scientifiques, donc faire correspondre leurs savoirs et ceux des scientifiques, faire en quelque sorte de la traduction. On peut se demander si leurs savoirs aujourd'hui sont abandonnés avec la technicité moderne. Il apparaît que non, car ces savoirs, la plupart du temps, se transforment, se modernisent ou s'hybrident, mais dans une continuation.

Contributeurs

BAHUCHET Serge

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

BOEUF Gilles

Sorbonne Université

Couvet Denis

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Mouillot David

Université de Montpellier

Dumez Richard

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Roué Marie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Semal Luc

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Ronce Ophélie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Aubertin Catherine

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Marniesse Sarah

AFD - Agence française de développement

Shin Yunne

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Kefi Sonia

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Leménager Tiphaine

AFD - Agence française de développement

Bousquet François

CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Laurans Yann

IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales)

Henin Jeanne

AFD - Agence française de développement

Charmantier Anne

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Delpierre Nicolas

Université Paris Sud

Jiguet Frédéric

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Gilbert Laurent

L'Oréal Recherche et Innovation

Blanc Nathalie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Chlous Frédérique

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Pourchez Laurence

INALCO - Institut National des Langues et Civilisations Orientales

Lammel Annamaria

Université Paris 8