En ligne depuis le 02/11/2017
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Description
Gilles Boeuf, professeur à l’université Pierre et Marie Curie, est le référent scientifique de ce MOOC Biodiversité & changements globaux.
Les grandes thématiques de ce cours ont été définies avec son concours et avec celui de l’ensemble des responsables scientifiques du MOOC biodiversité, proposé en 2015 sur FunMOOC, à savoir : Philippe Cury (IRD), Marion Gosselin (IRSTEA), Éric Rochard (IRSTEA), Étienne Hainzelin (CIRAD), Nathalie Machon (MNHN), Bernard Swynghedauw (ex-INSERM), Denis Couvet (MNHN) et Serge Bahuchet (MNHN). Ce MOOC « Biodiversité et changements globaux » constitue en effet le prolongement du MOOC « Biodiversité ».
Deux niveaux de difficulté sont proposés selon les contenus de ce parcours : le niveau "Débutant" s'adresse aux apprenants de niveau Bac à Bac+3 (Licence), tandis que le niveau "Approfondi" est plutôt destiné aux apprenants de niveau Master et +.
Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre en quoi la biodiversité est essentielle à l'existence humaine.
- Comprendre les services que la biodiversité rend aux sociétés humaines.
- Découvrir certaines possibilités qu’ont les acteurs publics et privés de mieux prendre en compte la biodiversité dans leurs actions, afin de la conserver.
- Comprendre les raisons pour lesquelles les peuples autochtones et les communautés locales sont les gardiens de la biodiversité.
- Comprendre les ressorts d’un engagement individuel et collectif en faveur de la biodiversité.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
- Bac+4
- Bac+5
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Parcours thématique
Mots-clés

Les changements globaux (2 vidéos)

Les réponses de la biodiversité aux changements globaux (8…

Position des acteurs face à l'enjeu "Biodiversité" (12…

Biodiversité, changements globaux et sociétés (7 vidéos)
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED «Biodiversité et changements globaux ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Outils juridiques et économiques de gestion de la biodiversité
Catherine Aubertin
Directrice de recherche, IRD
Quels sont les outils juridiques et économiques dont disposent les États, pour défendre la biodiversité et permettre son adaptation au changement global ?
1. Problématique
Pour l'économie standard, les problèmes d'environnement viennent du fait que les éléments de l'environnement sont des biens communs qui n'ont pas de marché, qui n'ont pas de propriétaires, et surtout qui n'ont pas de prix, les prix étant l'information économique majeure qui fonde les décisions. Il y a une externalité lorsque le bien-être d'un agent est atteint par l'activité d'un autre agent, sans qu'il y ait contrepartie monétaire. La question est donc : comment internaliser ces externalités, c'est-à-dire comment faire rentrer dans le marché ces dommages à l'environnement, ces biens de l'environnement ?
2. Approches
Dans un premier temps il va falloir définir des droits de propriété. On ne peut pas aller dans un marché si on n'est pas propriétaire du bien que l'on va échanger. Il va également falloir créer des institutions, car l'idée des marchés spontanés s'avère rarement observée. Loin d'être neutres, on constate donc que les interventions de l'État définissent à la fois des représentations de la biodiversité et à la fois des arbitrages entre intérêts publics et intérêts privés. En économie l'environnement il y a 2 grandes références à ce sujet.
Arthur Pigou, considéré comme le père du principe pollueur-payeur, va donner l'exemple d'un train passant à travers une forêt et mettant le feu à la forêt. L'État va imposer une taxe au conducteur de la locomotive ou au propriétaire du train pour indemniser le propriétaire de la forêt. C'est un jeu de carottes et de bâtons, d'amendes et d'incitations. Le but est donc d'indemniser ceux qui ont subi un préjudice et de modifier les comportements de ceux qui polluent.
L'autre approche est celle de Ronald Coase, qui renvoie dos à dos le pollueur et le pollué. Son idée est que parfois l'intérêt privé peut être important et peut supplanter l'intérêt public. Par exemple on peut estimer que la société nationale de chemins de fer est importante pour la société. Il va analyser les problèmes de pollution en termes de droits de propriété : le droit à polluer, le droit de ne pas être pollué. De ses théories vont naître les marchés des quotas, par exemple les crédits carbone que l'on connaît dans le cadre de la convention sur le changement climatique, et les paiements pour services environnementaux, où ce sont les personnes qui subissent le préjudice qui vont payer pour faire cesser le préjudice. Ce qu'il faut souligner chez Ronald Coase, c'est que ces échanges de droits de propriété vont se faire sans intervention de l'État, et que les coûts des transactions sont très faibles. Ce qui bien sûr se vérifie rarement.
3. Instruments
Il y a d'abord un premier bloc qu'on va appeler commandes à contrôle. Ce sont les pouvoirs régaliens de l'État, les politiques publiques, les autorisations, les licences, etc. , ce qu'on appelle d'une façon plus générale les arrangements institutionnels. La fiscalité, on l'a vu, la carotte et le bâton, le contrôle et les normes, les compensations et puis les indications géographiques, et puis en termes d'aménagement du territoire la création d'aires protégées. Il y a aussi tout un arsenal législatif, avec par exemple les conventions internationales, qui vont avoir force de loi une fois qu'elles sont transcrites dans la législation nationale.
Un deuxième type d’instruments concerne les instruments économiques. On voit là qu'il y a des échanges financiers, par exemple les impôts, les taxes, les amendes, les crédits incitatifs, toujours la carotte et le bâton. Il y a là aussi des instruments dits de marché, qui sont particulièrement intéressants car ils financiarisent les biens de l'environnement qui, jusqu'à présent, n'avaient pas de prix. L'idée est de donner une valeur et de créer des marchés pour des biens immatériels. Par exemple on peut s'étonner qu'il y ait un marché du carbone, dans la mesure où le carbone étant un déchet de la production industrielle, il n'a théoriquement pas de valeur. Mais il va acquérir une valeur si on considère qu'un des objectifs de la convention climat est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et donc de réduire les émissions de flux de carbone dans l'atmosphère. Il y a également la question des ressources génétiques. On crée donc des marchés à partir des biens de l'environnement. On va trouver aussi des bourses d'actifs environnementaux, où vont s'échanger des droits à polluer ou à être compensé. Par exemple, dans la loi brésilienne, quelqu'un qui a déforesté de façon illégale sa propriété, doit racheter à quelqu'un d'extérieur plus vertueux la conservation, une servitude environnementale sur une forêt existante. Il y a également ce système de payer pour des services environnementaux. On peut citer l'exemple de Vittel qui va payer des agriculteurs pour que ceux-ci modifient leurs pratiques agricoles, afin de ne pas polluer les sources d'eau.
Un troisième bloc serait les instruments de gestion de l'environnement. Ce sont des instruments volontaires. Dans ce cas, l'État va s'appuyer sur et cautionner les actions de la société civile. Dans ce bloc on va retrouver les engagements et les codes de bonne conduite, ce qu'on appelle la soft law, c'est-à-dire tous ces engagements qui n'ont pas de force juridique et contraignante. C’est le cas par exemple des lignes directrices de Bonn, qui expliquent comment partager les avantages ou l'exploitation des ressources génétiques au sein de la Convention sur la diversité biologique. Il y a également un foisonnement de marques et de normes privées, les normes ISO, les normes FSC, qui concernent le fait que le bois provienne de plantations, du moins d'exploitations durables des forêts, le mouvement Slow Food qui fait attention aux valeurs sociales de l'alimentation, le RSPO qui est un certificat pour l'exploitation durable de l'huile de palme, et puis toutes les marques que vous connaissez du commerce équitable.
4. Loi pour la reconquête de la biodiversité
La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et du paysage me semble bien témoigner de ce mélange d'instruments dont dispose l'État. Elle date du 8 août 2016, et elle a plusieurs principes fondamentaux.
D'abord elle va parler de la réparation du préjudice écologique. C'est important, c'est inscrit dans le Code civil récemment, c'est-à-dire que jusqu'à présent seules les personnes physiques pouvaient subir un préjudice. Les éléments de l'environnement ne pouvaient pas subir de préjudice. Dorénavant, une rivière polluée subit un préjudice et peut acter en justice. Nous avons également la solidarité écologique, notion qui est nouvelle, et qui marque vraiment un tournant dans les relations de la société avec l'environnement, dans la mesure où c'est une idée éco-centrée, et non plus anthropocentrique, mettant l'homme au centre du monde. Nous avons aussi la non-régression du droit de l'environnement, c'est-à-dire qu’on ne peut pas adopter des lois moins disantes que les lois protégeant l'environnement. Enfin, nous avons la création d'une institution, l'agence française pour la biodiversité.
Je voudrais insister sur 2 points importants, qui sont développés dans cette loi pour la reconquête de la biodiversité. Il s’agit du principe de compensation, c'est-à-dire le dernier moment de la séquence, éviter, réduire, compenser. Par exemple quand une société réseau ferré de France, va lancer des lignes de chemins de fer dans une réserve naturelle, la première chose à faire ça va être d'éviter de faire passer ses rails, la deuxième chose de réduire le dommage, et enfin si c'est vraiment impossible et s'il le faut dans l'intérêt du public, il va falloir compenser. Il y a alors plusieurs idées. La première est qu'il n'y ait pas de perte nette. Ca veut dire que cette compensation doit se faire par un gain de biodiversité. Il ne s'agit pas de dire que la forêt existante va être mise sous cloche. Là il n'y a pas de gain de biodiversité. Il faudra donc par exemple restaurer des zones dégradées. De là va naître ce statut d'opérateur de compensation, c'est-à-dire un nouveau métier de personnes qui vont restaurer des sites dégradés, et avec ces unités de biodiversité gagnées, de restauration, et qui vont permettre à la personne ayant commis un dommage, d'être en accord avec la loi.
Le dernier point qui me semble extrêmement important est celui de la ratification du protocole de Nagoya, inclus dans la loi pour la reconquête de la biodiversité. Le protocole de Nagoya est un protocole contraignant qui fait partie de la Convention sur la diversité biologique. Il régule l'accès aux ressources et au partage des avantages. Le constat est double : ceux qui exploitent les ressources génétiques ne participent généralement pas à la protection de la biodiversité, et les fournisseurs des ressources génétiques, que ce soit les États ou les porteurs de connaissances traditionnelles, ne reçoivent pas non plus des retombées des avancées industrielles à partir de ces ressources génétiques. L’objectif a donc été de créer tout un système d'organisation ou le fournisseur de ressources génétiques doit donner son consentement préalable, en connaissance de cause à l'utilisateur, et utilisateurs et fournisseurs doivent signer un contrat de partage des avantages, où les obligations et les attendus de chacun vont être définis. La loi sur la biodiversité donc va expliquer comment organiser se partage des avantages qui peuvent être monétaires et non monétaires.
5. Conclusion
Je voudrais insister sur 2 points. Le premier est la multiplicité des outils dont disposent les États pour régir leur environnement. La deuxième chose est aussi de ne peut-être pas porter autant d'importance aux solutions de marché. Elles ne peuvent en effet exister qu'avec le support des États et elles sont minoritaires comme solution par rapport aux pouvoirs régaliens de l'État.
Contributeurs
BAHUCHET Serge
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
BOEUF Gilles
Sorbonne Université
Couvet Denis
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Mouillot David
Université de Montpellier
Dumez Richard
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Roué Marie
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Semal Luc
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Ronce Ophélie
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Aubertin Catherine
IRD - Institut de Recherche pour le Développement
Marniesse Sarah
AFD - Agence française de développement
Shin Yunne
IRD - Institut de Recherche pour le Développement
Kefi Sonia
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Leménager Tiphaine
AFD - Agence française de développement
Bousquet François
CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement
Laurans Yann
IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales)
Henin Jeanne
AFD - Agence française de développement
Charmantier Anne
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Delpierre Nicolas
Université Paris Sud
Jiguet Frédéric
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Gilbert Laurent
L'Oréal Recherche et Innovation
Blanc Nathalie
CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Chlous Frédérique
MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Pourchez Laurence
INALCO - Institut National des Langues et Civilisations Orientales
Lammel Annamaria
Université Paris 8