En ligne depuis le 15/01/2018
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Description
Thierry Dutoit, directeur de recherche au CNRS, évoque dans cette vidéo (8'21) la restauration écologique : sa définition, son histoire, ce sur quoi elle porte, ses objectifs, ses indicateurs de succès. Il en propose quelques exemples avant de conclure par une mise en relation de cette restauration écologique avec l'ingénierie écologique.
Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre ce qu’est la restauration écologique
- Situer l’ingénierie écologique par rapport à la restauration écologique.
Contexte
Cette vidéo fait partie de la semaine de cours "Les défis à relever de l'ingénierie écologique" du MOOC Ingénierie écologique.
Restaurer des écosystèmes dégradés, dépolluer des milieux, créer des continuités écologiques, développer une agriculture plus respectueuse de l'environnement, sont autant de défis qui se posent aujourd'hui à nous. Pour y répondre, de plus en plus de réflexions et de pratiques se tournent vers l'ingénierie écologique, solutions que l'on dit "basées sur la nature". Ce MOOC vous propose d'en découvrir les fondements, les enjeux, les outils, les acteurs ainsi que les conditions de mise en œuvre.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Mentions Licence
- Génie civil
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+3
- Bac+4
- Bac+5
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
- Les solutions
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Dutoit Thierry
Restauration écologique et/ou ingénierie écologique ?
Thierry Dutoit, Directeur de recherche au CNRS
Alors restauration écologique et/ou ingénierie écologique, quel terme employer dans ces relations entre l'homme et la nature en matière de conservation, de gestion des espèces naturelles, notamment.
Pour une définition de la restauration écologique, on définit la restauration écologique, généralement, comme le processus qui assiste l'auto-réparation d'un écosystème qui a été dégradé, endommagé et détruit. Processus qui assiste l'auto-réparation, c'est-à-dire que, finalement, on accompagne la résilience de la nature, c'est-à-dire sa capacité à revenir à un état avant la perturbation. Dans ce domaine de la restauration écologique, on peut distinguer 2 sous-domaines ; la réhabilitation qui consiste à intervenir pour restaurer une des fonctions de l'écosystème, comme sur cette diapositive on va mettre en place, en fait, des micro-aménagements pour retenir l'eau dans le cadre d'érosion torrentielle ou alors la restauration sensu stricto qui consiste à restaurer l'intégralité d'un écosystème à travers sa richesse en espèces, sa composition en espèces, sa structure mais aussi ses fonctions.
D'où vient la restauration écologique ?
Aux origines de la restauration écologique, celle qui a été documentée par des informations de recherche, les premiers projets ont lieu aux États-Unis dans les années 30, notamment par un professeur de l'université du Wisconsin, Aldo Leopold, qui a été le premier à mettre en place des opérations de restauration de grandes prairies nord-américaines à partir de terres dégradées par des cultures intensives. Il a notamment été à l'origine, on peut dire, des grands axes, des grandes idées de la restauration écologique moderne actuelle à travers son discours qui était, notamment, de restaurer des échantillons d'écosystème et non pas l'ensemble, en fait, des milieux concernés et sur la définition de l'écosystème de référence qui dans son cas n'est pas l'écosystème originel d'Amérique du Nord, mais une relation entre l'homme et la nature qui était déjà, dans cet espace, fortement influencée par la gestion des grands troupeaux d'herbivores par les Amérindiens. En France, les origines de la restauration écologique peuvent être attestées, en fait, peuvent remonter finalement par les opérations de restauration des terrains en montagne qui ont été mises en place au dix-neuvième siècle dans le cadre de la lutte contre l'érosion torrentielle dans les Alpes, suite à des opérations de déforestation intensive et de surpâturage.
Que faut-il restaurer ?
Quand on restaure les écosystèmes, on peut chercher à remettre en place la biodiversité sous toutes ses composantes, les animaux, les végétaux, etc. , mais également à tous les niveaux d'organisation c'est-à-dire des gènes aux paysages. On peut également s'intéresser à la fonctionnalité des écosystèmes, à savoir les fonctions qui sont nécessaires pour que ces écosystèmes fonctionnent, c'est le cas de le dire, mais également pour les fonctions qui vont rendre des services à l'homme qu'on appelle maintenant "services écosystémiques". On peut aussi s'intéresser, tout simplement, à redonner du sauvage à ces écosystèmes en s'intéressant à la naturalité, notamment à la naturalité future qui est celle qui va s'exprimer une fois que les dégradations auront cessé.
Quels sont les objectifs de la restauration écologique ?
On considère en matière de restauration écologique que les objectifs sont de remettre l'écosystème qui a été dégradé sur une trajectoire qui va lui permettre d'atteindre une référence qui existe encore ou qui n'existe plus, et à savoir que cette référence a elle-même, en fait, finalement, des oscillations et que le succès de la restauration écologique existera quand ces deux courbes seront superposées, contrairement à la courbe de l'échec où on n'a pas réussi soit à réintroduire des espèces, soit à remettre en place des fonctions.
Comment évaluer le succès de la restauration écologique ?
Évaluer le succès de la restauration écologique, ça voudrait dire qu'on a été capables de remettre en place toutes les composantes de l'écosystème et toutes ses fonctions. Généralement sur toutes les méta-analyses qui ont pu être faites, à l'image de ce qu'il se passe actuellement sur la présentation, on n’atteint généralement pas l'intégralité, la restauration de l'intégralité de l'écosystème mais un palier, ce palier étant différent selon les compartiments auxquels on s'est adressé. Ici, dans le cadre de la restauration des zones humides, on estime qu'on a pu restaurer 70 à 80 % des populations d'oiseaux, des végétaux, etc. , mais en aucun cas, on n’a pu atteindre la référence, en fait, qui existait avant les perturbations. Face à ce constat qui est général, une alternative a été proposée à la restauration active des écosystèmes passés qui est celle, finalement, d'accepter notre incapacité à restaurer certains écosystèmes, quand les niveaux de dégradation ont été trop forts, c'est-à-dire quand l'habitat a été trop perturbé ou qu'on a perdu trop d'éléments. Dans ce cas-là, on va parler de nouveaux écosystèmes, ces nouveaux écosystèmes sont tout à fait viables. Certes, ils ont perdu des espèces et des fonctions suite à la dégradation, mais on peut espérer qu'à l'avenir à nouveau, ils gagneront ces espèces et ces fonctions et donc, là, l'objectif de restauration dite passive ou spontanée, sera finalement de laisser faire la nature telle qu'elle s'exprime aujourd'hui, intégrant les changements d'usage et les changements climatiques.
Quelques exemples, en fait, d'opérations de restauration écologique qui intègrent, finalement, des principes d'ingénierie écologique, c'est par exemple utiliser pour la restauration ce qu'on appelle des ingénieurs de l'écosystème, c'est-à-dire des espèces qui vont avoir des rôles majeurs dans la restauration de l'écosystème à l'image ici, par exemple, d'une opération qui a été faite pour de la restauration de pelouse sèche méditerranéenne où nous avons été amenés à transplanter des reines fondatrices, c'est-à-dire des fourmis moissonneuses, avec pour objectif que ces fourmis nous redistribuent les graines des espèces de ce milieu. Donc après les avoir récoltées et mises en éprouvette, nous sommes des scientifiques, elles sont réintroduites dans le milieu et nous allons suivre ensuite leur implantation et les impacts qu'on espère positifs sur la richesse et la diversité des plantes de ce milieu.
Enfin, au contraire, sur ce même type de milieux qui sont des pelouses sèches méditerranéennes, quand vraiment le niveau de dégradation a été trop fort, comme ici dans le cadre de l'installation de carrières et d'une centrale à bitume qui a détruit totalement le milieu, y compris son sol, sa végétation, mais, comme vous le voyez, qui a aussi inclus dans ce milieu de nombreux matériaux exogènes, on peut être amené à faire un autre choix qu'une rétro-action active qui, finalement, n'atteindra pas ses objectifs, c'est finalement de laisser s'exprimer la nature qui s'est mise en place depuis l'arrêt de cette exploitation, comme on le voit ici, avec la présence d'un nouvel écosystème totalement différent de ce qui existait avant, mais qui finalement, peut présenter des originalités avec la présence d'arbres, de nappes d'eau perchées, etc. , et d'espèces qui peuvent être potentiellement intéressantes au niveau patrimonial.
Pour conclure, restauration ou ingénierie écologique ?
Et bien, on peut faire finalement de la restauration écologique sans faire, finalement, d'ingénierie écologique, c'est-à-dire en utilisant des processus d'ingénierie civile, on n'a qu'une action, finalement, que pour les vivants ou au contraire, si on veut vraiment avoir une action à la fois pour le vivant, c'est-à-dire restaurer les écosystèmes, mais aussi par le vivant, dans ce cas-là, comme nous avons vu dans l'exemple, quand on utilise des ingénieurs de l'écosystème, on va faire de l'ingénierie écologique sensu stricto, une action qui est à la fois pour et par le vivant. Et vous allez voir que, dans la pratique, quelquefois, on va étendre cette dénomination "ingénierie écologique" à de la restauration écologique ou à des processus de bio-inspiration, de biomimétisme. Les termes, encore une fois, sont en perpétuelle évolution.
Quelles perspectives dans ce domaine en matière de recherches au niveau de la restauration écologique ? Finalement, quelle nature voulons-nous ? Allons-nous plutôt restaurer des écosystèmes nouveaux en laissant faire la nature dans le cadre des changements climatiques actuels ? Allons-nous continuer à essayer de restaurer des écosystèmes culturels qui ont disparu et dont on atteindra peut-être finalement pas l'intégralité vu les changements de conditions écologiques et socio-économiques ? Quels sont les objectifs prioritaires pour la restauration ? Comme nous l'avons vu, faut-il axer sur la biodiversité et les services écosystémiques, ou même la naturalité ? Quelles techniques allons-nous privilégier ? Nous voyons que, finalement, pourquoi ne pas utiliser d'ingénierie écologique qui va avoir un impact environnemental plus faible que le génie civil, donc agir dans la durabilité ? Et enfin comment évaluer ce fameux succès de restauration, notamment à court terme, pourquoi pas ne pas utiliser des espèces bio-indicatrices qui vont nous révéler ce succès de restauration ?