En ligne depuis le 15/01/2018
0/5 (0)
Description
Jean-Christophe Lata, maître de conférence à l'Université Pierre et Marie Curie, discute dans cette vidéo (8'06) du pilotage de la complexité des écosystèmes, tout particulièrement appréhendé à travers la notion de services écosystémiques. Sur la base d'exemples comme la nature en ville ou les toitures végétalisées, il montre les éléments sur lesquels devrait reposer la recherche de seuils et de compromis dans les stratégies d'ingénierie écologique.
Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre les défis liés au pilotage des services écosystémiques
- Appréhender la question des arbitrages entre services écosystémiques sur la base de l’exemple des toitures végétalisées.
Contexte
Cette vidéo fait partie de la semaine de cours "Les défis à relever de l'ingénierie écologique" du MOOC Ingénierie écologique.
Restaurer des écosystèmes dégradés, dépolluer des milieux, créer des continuités écologiques, développer une agriculture plus respectueuse de l'environnement, sont autant de défis qui se posent aujourd'hui à nous. Pour y répondre, de plus en plus de réflexions et de pratiques se tournent vers l'ingénierie écologique, solutions que l'on dit "basées sur la nature". Ce MOOC vous propose d'en découvrir les fondements, les enjeux, les outils, les acteurs ainsi que les conditions de mise en œuvre.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+3
- Bac+4
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Lata Jean-Christophe
Le pilotage des services écosystémiques
Jean-Christophe Lata, Maître de conférences à l'UPMC
Nous allons parler du pilotage des services écosystémiques qui est quelque chose d'important puisque c'est au centre de l'ingénierie écologique. Alors, un des points majeurs est que ce pilotage des services écosystémiques doit reposer sur une vision systémique, donc une vision scientifique de ces services. Pourquoi ? En fait, dans un écosystème, toutes les composantes et les processus sont liés entre eux. Ça veut dire que quand vous modifiez un service, vous allez modifier d'autres services, et donc piloter des services écosystémiques, c'est quoi ? C'est manipuler des interactions. Donc, pour répondre à la question : comment piloter ces services ? Et en particulier comment piloter plusieurs services, dont des multi-services, 2 réponses importantes.
Il faut expliciter la complexité qui est absolument inévitable. Complexité d'écosystèmes qui sont diversifiés, mais également des composantes de ces écosystèmes et des services qui sont fournis par ces composantes, et en particulier certains services qui sont parfois ignorés. Un bon exemple, c'est le sol, à part pour les agro-écosystèmes, le sol est très souvent ignoré alors que les services associés au sol, stockage, déstockage de carbone sont importants.
Et puis, donc comme manipuler des services est absolument aventureux, sur quel bouton appuyer finalement pour piloter ces services ? Eh bien, il faut identifier les seuils et compromis entre services entre eux, mais également entre services et disservices, donc quelque chose qui est négatif. Un bon exemple, ce sont les arbres en ville. Planter des arbres en ville apporte des services, comme le rafraîchissement, mais également potentiellement des disservices. Ces arbres en ville peuvent augmenter les allergies au pollen par exemple. Donc, regarder ces seuils, regarder ces compromis avec un but ultime qui est d'essayer de fournir des indicateurs pertinents de la multi-fonctionnalité.
Alors, sur le premier point, différents composants donnent différents services. Ici, vous avez un exemple sur les écosystèmes urbains qui sont des exemples que je vais prendre aussi par la suite. Des chercheurs ont regardé dans la ville de Stockholm en Suède différents écosystèmes. Vous avez des arbres de rue par exemple, des forêts urbaines ou des zones humides, et quels services ils pouvaient rendre comme la qualité de l'air, la réduction du bruit, ou le drainage des eaux de pluie. Ces chercheurs ont montré finalement que ces différents types d'écosystèmes ne fournissent pas les mêmes potentiels de services. On peut noter par exemple que les ruisseaux rendent peu de services, alors que les zones humides rendent beaucoup de services. Cela est à mettre en lumière également avec la conservation des zones humides qui est en particulier une priorité européenne. On peut noter également que le service écosystémique qui est le traitement des eaux usées va être rendu finalement uniquement par ces zones humides. Donc, si l'on veut piloter vers ce service, on devra intégrer des zones humides dans le tissu urbain. Donc, finalement lesquels choisir ? Est-ce qu'on prend seulement les zones humides parce qu'elles rendent beaucoup de services ? Mais, également est-ce qu'on peut vouloir panacher entre ces différents écosystèmes ? Donc, ce sont des choses qui ne sont pas simples.
Le deuxième point est sur les seuils et compromis, donc entre services et disservices. Vous avez en bas un deuxième exemple d'analyse sur à gauche, les services écosystémiques, et puis à droite, les disservices, et les chercheurs ont regardé ces services qui se focalisaient autour des cycles bio-géochimiques, et ils ont remarqué en particulier que l'amplitude sur laquelle on pouvait jouer pouvait dépendre des services, elle peut être faible, elle peut être forte, mais également le niveau d'incertitude de la connaissance scientifique, eh bien, peut être faible, mais également important. C'est ce que je vous ai mis en encadré, en particulier, les émissions de gaz à effet de serre qui sont à la fois des services et des disservices. Par exemple, sur les émissions de gaz à effet de serre qui sont à la fois en service et en disservice, on peut noter que le niveau d'incertitude est fort, et donc cela appelle à plus d'études scientifiques pour analyser un petit peu à quel niveau ils peuvent jouer.
Je vais finir avec un exemple appliqué sur les toitures végétalisées. Vous avez ici une photo d'une expérimentation sur des toits d'immeubles dans le dix-neuvième arrondissement pour un projet financé par la Caisse des Dépôts et Consignations Biodiversité et une thèse qui s'est fini en 2016. Donc, le but de ces manipulations était de se poser la question : quel était le meilleur compromis entre les services rendus par les toits verts, mais également en termes de prix financier ? Donc, on a testé plusieurs choses qui se voient sur la photo. Différents niveaux de diversité végétale, différents niveaux de profondeur de sol, mais également différents types de sols, des sols naturels, mais également des sols artificiels qui sont des substrats finalement vendus par les entreprises pour les toitures végétalisées. Donc, le premier exemple de résultat est ici sur des services de régulation classique : la dépollution de l'air et des eaux, la rétention de l'eau lors des fortes pluies, et puis également le rafraîchissement de l'air. Vous avez sur des figures en blanc, le sol naturel, en noir, le sol artificiel, et à différentes profondeurs.
Bien, au final, on s'aperçoit que les services vont réagir différemment à ces différents niveaux de configuration. À gauche, on voit que la biomasse des plantes est maximale sur un sol artificiel profond, ce qui est très bien finalement pour le long terme de la toiture végétalisée. Au milieu, la rétention de l'eau est minimale sur un sol naturel peu profond, mais à droite, à l'inverse, le potentiel de rafraîchissement est maximal sur un sol naturel peu profond. Donc, qu'est-ce qu'on doit faire finalement sur le toit vert ? Si on veut mettre en avant un service écosystémique, on va choisir une configuration. Si l'on veut plusieurs services écosystémiques, il faudra trouver finalement - c'est ce que j'ai mis en bas - un compromis par exemple entre production et rafraîchissement, et ce sera quelque chose qui ne sera pas forcément évident.
Le dernier exemple est sur le service de pollinisation. En regardant 2 plantes : centaurée et lotier, vous voyez sur la figure du haut que suivant la profondeur, nous n'aurons pas le même nombre de fleurs. Cependant, la réponse finalement des pollinisateurs et des différentes classes de pollinisateurs va être différente. De gauche à droite, on a les bourdons, les abeilles solitaires, puis les abeilles domestiques, et finalement, la réaction de ces différentes classes de pollinisateurs va à nouveau ici dépendre des différentes configurations et traitements. Donc, on voit que c'est là également complexe si on veut trouver un compromis.
En conclusion, je dirais que jouer sur les services écosystémiques n'est pas quelque chose qui est évident, surtout si l'on veut adresser à plusieurs services un bouquet de services. Donc, avant de répondre de façon nette à ces questionnements, eh bien, il faudra encore beaucoup d'études, en particulier sur les services écosystémiques très fonctionnels et liés au cycle biologique.