En ligne depuis le 12/11/2015
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Description
Dans cette vidéo, Jean-Philippe Delgenès propose un aperçu très complet de la diversité des gisements et des filières qui permettent de produire par voie biologique des vecteurs énergétiques.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Objectifs de Développement Durable
- 7. Energie propre et d'un coût abordable
Thèmes
- Finitude des ressources
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
DELGENES Jean-Philippe
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Énergies renouvelables ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Gisements et filières de productions de vecteurs énergétiques par voie biologique
Jean-Philippe DELGENES, Directeur de recherche – INRA
L’objet de mon propos est de vous présenter les différentes possibilités de valorisation énergétique des biomasses. Cette valorisation énergétique peut prendre différentes formes : la forme thermique comme par exemple la chaleur ou bien les biocarburants, ou bien une forme électrique.
1. La biomasse
Qu'entend-on par biomasse ? C'est un terme générique mais qui a en fait une définition assez précise. Il y a une définition européenne de la biomasse : c'est la fraction biodégradable des produits et résidus de l'agriculture, de la sylviculture et des industries connexes mais également la partie biodégradable des déchets d'origine domestique ou bien industrielle. Finalement, sous ce terme, il y a la biomasse issue de la photosynthèse. Ce gisement est énorme puisque la production annuelle de biomasse végétale est estimée à 170 milliards de tonnes de matière sèche par an sur la planète. Si on comptabilise la biomasse qui est fossilisée, qui se retrouve sous forme de pétrole, de gaz ou de charbon, le gisement mondial est estimé à 1 800 milliards de tonnes de matière sèche par an. Il y a également la biomasse résiduaire, c'est-à-dire la biomasse contenue dans des résidus et dans des déchets. Elle est très diverse puisque l'on y inclut les déchets verts, les ordures ménagères, les déchets d'origine agroalimentaire, les déjections d'élevage. Cette biomasse, qu’elle soit d'origine végétale ou bien d'origine résiduaire constitue donc la matière première pour des usines à produire des vecteurs énergétiques.
2. Bio éthanol
Ces usines peuvent être représentées par des souches pures de micro-organismes, des souches de bactéries, de levures, ou bien de micro algues, ou bien elles peuvent être représentées par des écosystèmes microbiens, c'est-à-dire un ensemble de bactéries ou de micro-organismes très complexes et très divers. Il y a actuellement deux vecteurs énergétiques qui sont produits à l'échelle industrielle, il s'agit donc du bio éthanol et du bio méthane. À côté de ces deux vecteurs, il y a d’autres vecteurs énergétiques qui font simplement l'objet de travaux de recherche et de développement. Je vais commencer par le bio éthanol. Le bio éthanol est, en termes de volume, le premier carburant produit à l'échelle industrielle. Au niveau mondial, en 2013, la production était de 51 milliards de litres aux USA, 41 milliards de litres au Brésil et 6,7 milliards de litres en Europe. Les zones de production font appel à deux types de biomasse. Il y a des biomasses sucrières, comme les betteraves ou bien la canne à sucre, et des biomasses amylacées, comme le blé ou le maïs. À côté de ça, il y a une troisième catégorie représentée par les lignocelluloses mais qui ne font pas l'objet d'une concrétisation industrielle actuellement. La voie de production de l'éthanol à partir de la matière première végétale, se fait en trois étapes. La première étape consiste à transformer ces matières premières végétales en sucres simples, comme le glucose ou le saccharose. Cela se fait par extraction ou diffusion dans le cas des plantes sucrières, cela se fait par hydrolyse enzymatique de l'amidon pour ce qui concerne les plantes amylacées et pour les plantes lignocellulosiques, c'est un peu plus compliqué dans la mesure où il faut faire un prétraitement pour déstructurer les lignocelluloses (comme le bois ou bien les pailles), et ensuite faire une hydrolyse enzymatique de la cellulose. La deuxième étape est la transformation des sucres simples en éthanol. Cela est réalisé par une levure qui s'appelle Saccharomyces cerevisiae et qui est capable de produire 0,38 g d'éthanol par grammes de sucre. La troisième étape est représentée par la récupération de l'éthanol dans le jus de fermentation, ce qui est réalisé par distillation. Une fois l'éthanol pur récupéré, il peut être utilisé en motorisation, et utilisé directement dans les moteurs à allumage commandé. À ce moment-là, on l'incorpore à hauteur de 5, 10 ou 24 % dans de l'essence. Il peut être également utilisé pur, comme au Brésil, mais à ce moment-là il faut utiliser un moteur modifié.
3. Biogaz
Le deuxième vecteur énergétique produit à l'échelle industrielle est le bio gaz. Sa production en 2012 est estimée à 17,2 millions de tonnes équivalent pétrole. Les matières premières mobilisées pour produire du bio gaz sont très diverses puisque le bio gaz peut être produit à partir de la matière organique contenue par exemple dans des déchets d'élevage, des boues de stations d'épuration, des ordures ménagères, des déchets agroalimentaires, ou bien des cultures énergétiques dédiées. Il y a deux différences avec le cas de la production du bio éthanol. C'est que pour le bio gaz, on n’utilise pas une souche pure de micro-organismes mais un écosystème microbien très divers. La deuxième différence est que contrairement à l'éthanol qui ne peut être produit qu'à partir de sucres simples, le bio gaz lui peut être produit à partir de sucres, de lipides, ou bien de protéines. Ceci est rendu possible par le fait que c'est un écosystème microbien très divers qui réalise la conversion de ces matières premières en bio gaz selon quatre étapes : l'hydrolyse, l’acidogénèse, l’acétogénèse puis la méthanogénèse. Il faut savoir que la méthanisation ou la production de bio gaz est une réaction biologique naturelle que l'on rencontre par exemple dans les sédiments de rizières, dans les sédiments de marais ou bien dans les intestins de mammifères. L'homme a simplement cherché à intensifier cette réaction dans des récipients. Ces récipients peuvent être représentés par des digesteurs ou bien par des centres de stockage que l'on appelle donc ISDND. Le bio gaz, une fois purifié, peut avoir 4 applications. Il peut être transformé sous forme de chaleur dans des chaudières par exemple. Il peut être valorisé en chaleur et en électricité grâce à des moteurs de cogénération. Il peut être utilisé comme biocarburant ; on parle alors de bioGNV. Il peut être réinjecté dans le réseau de gaz naturel.
4. Biohydrogène
Je vais aborder maintenant le cas du bio hydrogène. L'hydrogène est un vecteur énergétique qui est actuellement très utilisé comme réactant chimique dans le secteur du raffinage et de la chimie. Mais il peut être également un vecteur prometteur pour les transports et pour la production d'électricité. L'hydrogène peut être produit par voie biologique, on parle de bio hydrogène. Il peut être produit par bio photolyse de l’eau, grâce à des cyanobactéries. Il peut être produit par photofermentation grâce à des bactéries pourpres à partir d'acide acétique et de lumière par exemple. Il peut être produit par fermentation sombre à partir de substrats organiques comme le glucose et ceci grâce à des espèces microbiennes, bactériennes du genre Clostridium.
5. Bio électricité
Le deuxième vecteur énergétique qui fait l'objet de travaux de recherche et de développement intensifs est représenté par la bio électricité. Il est possible de produire de l'électricité grâce à des piles microbiennes dans lesquelles les micro-organismes sont utilisés pour catalyser l'oxydation de cette matière organique et donc produire du courant. A l’anode se passe la réaction d'oxydation des produits finaux de fermentation comme par exemple l'hydrogène. Cette oxydation conduit à la production de protons et d’électrons. Les électrons rejoignent la cathode via un circuit électrique et produisent donc du courant électrique.
6. Bio lipides
Le dernier cas est celui des bios lipides. Il est en effet possible de produire du biocarburant pour les moteurs diesels grâce à des micro-organismes et en particulier des micros algues. Pour l'instant, le biodiesel est produit à partir d’huile de végétaux supérieurs comme le colza, le tournesol, le soja. On réalise une réaction de d’estérification avec du méthanol et les esters méthyliques d’huile végétale peuvent être incorporés au gazole à hauteur de 5 ou de 30 %. Il existe des micros algues qui sont capables d’accumuler des lipides à condition de leur faire subir un stress. Ces micros algues sont cultivées dans des réacteurs. On leur applique un stress comme par exemple une carence azotée, un choc thermique ou une surintensité lumineuse. Elles hyper-accumulent les lipides (jusqu'à 80 % de leur masse sèche). Une fois les micros algues récupérées (notamment par centrifugation, par décantation), on récupère les lipides grâce à un solvant et on les estérifie de la même façon que pour la filière végétale. On obtient alors de l’algobiodiesel.
7. Conclusion
La production de vecteurs énergétiques à partir de biomasse s’inscrit globalement dans le concept de la bioraffinerie, c'est-à-dire que l'objectif est d'utiliser des biomasses pour produire des produits ayant des applications possibles dans le domaine de l'énergie, de la chimie ou bien de la construction. L'intérêt des biomasses réside dans le fait qu’elles sont abondantes et renouvelables. De plus, elles présentent bien souvent un bilan environnemental intéressant, notamment en termes de gaz à effet de serre. Le point sensible de l'utilisation des biomasses pour la production de bioénergie est le bilan économique qui, bien souvent, nécessite un accompagnement des filières de production sous forme de subventions. Pour ce qui concerne les vecteurs énergétiques qui font actuellement l'objet de travaux de recherche et de développement, les travaux actuels visent à optimiser les vitesses, les rendements de conversion en vue de diminuer les coûts de production.