En ligne depuis le 12/11/2015
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Description
Dans cette vidéo, Jean-Philippe Steyer discute de la production de biogaz. Il présente tout d'abord ce qu'est le méthane, d'où il vient, et de quelle manière il est utilisé depuis plusieurs siècles par les humains. Puis il explique le procédé de méthanisation, et enfin évoque le développement et le potentiel de cette voie de valorisation en France.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Objectifs de Développement Durable
- 15. Vie terrestre
- 7. Energie propre et d'un coût abordable
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
STEYER Jean-Philippe
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Énergies renouvelables ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Digestion anaérobie et biogaz : une histoire ancienne pour aujourd’hui et pour demain
Jean-Philippe STEYER
Directeur de recherche – INRA
Je vais vous parler de la digestion anaérobie que l'on appelle aussi méthanisation. Je vais essayer de vous montrer que c'est une histoire ancienne pour aujourd'hui et pour demain pour produire des énergies renouvelables. On va voir toute l'histoire de ce procédé magique.
1. Le méthane
Le méthane est un composé chimique naturel composé de quatre atomes d'hydrogène et d'un atome de carbone. Il a été découvert par Alessandro VOLTA, en 1776, qui étudiait le gaz inflammable des marais, c'est-à-dire les feux follets que l'on produit en remuant la vase des marais poitevins par exemple. Pour la petite histoire, VOLTA a aussi inventé la première pile électrique. Le méthane est un composé qui est le plus simple des hydrocarbures. Vous avez par exemple l'équivalent énergétique d’un mètre cube de méthane qui représente un peu plus d'un litre d’essence, un litre de mazout ou 9,7 kWh d’électricité. C'est un processus obtenu de façon naturelle. Vous avez par exemple l’un des meilleurs « méthaniseurs » qui est la vache, bien connue pour les émissions de gaz à effet de serre à travers le méthane. Il existe un brevet argentin qui récupère le méthane produit par les vaches et pour ensuite le valoriser. Il y a quelques exemples de production de méthane : les feux follets ou gaz de marais, fumeurs noirs dans l’océan, termites, ou encore rizières.
2. Récupération du méthane
Il existe un procédé de récupération du méthane enfoui sous terre, issu de la décomposition de la matière organique par des micro-organismes. En effet, le méthane est dégradé par des bactéries, des micro-organismes. Ce sont des millions de micro-organismes qui travaillent ensemble et qui ont la particularité de pouvoir dégrader la matière organique sans oxygène. La matière organique, si vous prenez le dictionnaire Larousse, c'est l'ensemble des composés cellulosiques de lignine et de protéines d'origine essentiellement végétale et fournis par les litières de feuilles et des rameaux et par les racines. La matière organique, sans oxygène, est dégradée par des bactéries qui vont se développer, produire quelque chose que l'on appelle le bio gaz qui est composé pour grande partie de méthane et un peu de CO2 et la matière organique qui n'est pas dégradée va être appelée la matière organique résiduelle. Pourquoi attendre des millénaires pour avoir de l'énergie ? Hier et aujourd'hui, le méthane était essentiellement obtenu par extraction du méthane enfoui dans les couches terrestres et qui va servir après avec du gaz naturel par exemple. Mais on peut utiliser aussi ce que l'on vient de voir, donc la méthanisation ou la digestion anaérobie pour produire de l'énergie à partir des matières organiques issues des effluents par exemple agroindustriels, issues des boues de stations d'épuration, issues de nos poubelles (donc tout ce qui est déchets urbains) et puis également issus de résidus agricoles. Ces micro-organismes vont dégrader cette matière organique pour produire le méthane qui va être valorisable sous forme énergétique et la matière organique résiduelle qui va servir de fertilisant et d'engrais pour les sols après pour pouvoir par exemple favoriser des cultures.
3. Production industrielle de méthane
Si cette production est aujourd'hui une réalité, elle l’était également hier. Vous avez par exemple la cuisinière Gazelle, dans les années 50, fonctionnait avec le gaz que l'on appelait le gaz de fumier qui n'est rien d'autre que la décomposition du fumier par des micro-organismes ce qui est un processus de méthanisation. Vous avez d'autres exemples de méthaniseurs, comme des méthaniseurs agricoles qui vont traiter les résidus agricoles, ceux qui vont traiter des effluents industriels, essentiellement agroalimentaire, et ceux qui, notamment dans les pays en voie de développement, servent à produire de l'énergie localement. Une installation de méthanisation à la ferme va par exemple traiter des déchets agricoles, de l’ensilage, des déchets de restauration ou de collectivités, tout ce qui est les rejets du type fumier, lisier ou déchets d’abattoirs également et puis les boues de stations d'épuration. Tout cela va être mis en contact au sein d'un digesteur qui va produire le bio gaz. Ce bio gaz va pouvoir valorisé sous forme électrique et sous forme de chaleur par cogénération (c'est une première voix de valorisation). Il pourra également être réinjecté dans le réseau de gaz naturel ou utilisé comme biocarburant pour des voitures au type GNV. En sortie de ce méthaniseur, la matière organique résiduelle va pouvoir soit être épandue directement sur les sols, soit être compostée pour servir d'engrais futur. Il y a des exemples de biocarburants, comme à Lille où vous pouvez remplir le réservoir de votre voiture avec du bio gaz, vous pouvez faire rouler ce que l'on appelle des flottes captives qui vont être soit des bennes à ordures, soit des bus, mais également vous avez ici l’exemple d’un tracteur autrichien et puis d'une voiture, essentiellement celle-là en Suède, qui est en avance sur l'utilisation du bio gaz comme biocarburant. Vous avez à peu près 200 méthaniseurs aujourd'hui en France qui sont en activité ou qui vont être prochainement en activité qui couvrent l'ensemble du territoire. Un autre exemple de valorisation future de la méthanisation, c'est ici vous avez la page de garde d'un ouvrage qui est disponible sur le site Internet de l’INRA, qui était une expertise collective sur la contribution de l'agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dix actions techniques ont été évaluées, dont la méthanisation. Il faut savoir que sur les 500 et quelques millions de tonnes de CO2 émises par la France chaque année, l'agriculture en produit à peu près 20 %. Si jamais - sans changer la production agricole, sans changer le revenu pour l'agriculteur -, on installait des méthaniseurs partout en France pour traiter les résidus agricoles, on pourrait éliminer 30 % des gaz à effet de serre issus de l'agriculture ce qui est énorme et ce pour un prix relativement modique puisque ça tourne autour de 20/25 € la tonne de CO2 évitée. L'État a donc lancé des plans, dont le Plan Energie Méthanisation Autonomie Azote, lancé par le ministère de l'agriculture et le ministère de l'écologie qui prévoit qu'aujourd'hui (c’était en 2013), de passer de 90 installations sur le territoire à plus d'un millier en 2020. Il faut savoir, comme je vous le disais, qu’aujourd'hui il y a à peu près 200 installations donc c’est en bonne voie pour que ça puisse se développer très prochainement.
4. Conclusion
La méthanisation et la digestion anaérobie sont un procédé biologique issu de la nature, totalement naturel et sans OGM. C'est un procédé qui traite nos résidus à la fois liquides, à la fois solides, c’est un procédé qui valorise nos résidus, on l'a vu, énergie ou fertilisants. La production d'énergie peut servir à produire à la fois soit de l'électricité soit de la chaleur, soit un biocarburant pour des flottes captives, soit être réinjectée directement dans le réseau de gaz. C'est une filière aussi qui crée des emplois de proximité et non délocalisables. Aujourd'hui la France a à peu près 1500 emplois directement liés au bio gaz, il faut savoir que l'Allemagne - l'Allemagne est en avance -, donc l'Allemagne compte à peu près 8000 méthaniseurs à la ferme pour 50 000 emplois directement sur place. A titre de comparaison, AREVA c’est 40 000 emplois. C'est également une filière stratégique pour notre autonomie énergétique. L’ancien ministre de l’agriculture, Monsieur le Foll, avait annoncé que si jamais on valorisait tous nos déchets, on pourrait se passer des importations de gaz naturel de Russie. Si vous avez plus envie d'informations, un site Web est disponible sur le laboratoire de biotechnologie de l'environnement de l'INRA à Narbonne.