En ligne depuis le 29/05/2015
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Description
Dans cette vidéo, Pascale Braconnot présente les méthodes qui sont utilisées pour valider les modèles climatiques, à partir notamment d'une comparaison entre climat observé et climat modélisé. Elle évoque également les méthodes qui sont utilisées pour évaluer l'incertitude de ces modèles.
Objectifs d’apprentissage :
- Connaître les méthodes utilisées pour valider les modèles climatiques
- Comprendre les méthodes utilisées pour évaluer l'incertitude de ces modèles.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Mentions Licence
- Mathématiques
- Physique
- Physique, Chimie
Niveau
- Bac+3
- Bac+4
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
BRACONNOT Pascale
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Evaluation des modèles climatiques
Pascale BRACONNOT
Chercheur – CEA
Comment assoit-on la crédibilité des résultats des modèles de climats qui sont utilisés pour les projections climatiques futures ?
1. Les facteurs qui affectent les modèles climatiques
Plusieurs facteurs vont affecter les résultats des modèles : le contenu même des modèles, la façon dont les équations sont représentées, la dynamique, la physique, toutes les interactions avec les cycles biogéochimiques mais ce n'est pas tout (voir figure ci-dessous). Dans les aspects physiques on fait intervenir un certain nombre de paramètres qu'il faut définir et que l'on ajuste afin d'avoir des interactions correctes entre tous les éléments du système. Les petites variations de ces paramètres peuvent éventuellement affecter les résultats.
De la même manière, faire une simulation, c'est imposer des conditions limites et des perturbations externes que l'on appelle forçage et qui ont aussi leurs propres incertitudes et qui peuvent donc aussi affecter les résultats. La façon dont on mène une expérience, le protocole, la façon dont on implémente les forçages dans les simulations peuvent aussi différer d'un modèle à l'autre et affecter donc les résultats. Enfin, il y a le phénomène assez intrinsèque au climat de ce qui est lié à la variabilité interne. Cette variabilité introduit du bruit et ne facilite pas la comparaison aux observations. Il faut en tenir compte dans les comparaisons modèles/données. C'est donc pour ça que l'on développe des évaluations à différents niveaux en s'intéressant aux climatologies et aussi à la capacité des modèles à reproduire un climat différent de l'actuel.
2. Comparaison modèle/réel
La première évaluation de base vise à savoir si les climatologies représentées par les modèles sont réalistes ou non en comparant aux nombreuses observations disponibles. On peut faire appel à des tas de résultats de campagnes de mesures sur le terrain ou alors aux donnés satellites. Si on fait la différence entre les résultats simulés et les observations, on voit que les modèles ont tendance à être un petit peu trop froids dans l'hémisphère nord et trop chauds dans l'hémisphère sud, plutôt sur les océans. On a la confirmation de cela si on regarde en moyenne zonale en fonction de la latitude les différences de températures de la mer simulées et observées. On voit bien que l'on a des simulations trop chaudes dans l'hémisphère Nord et trop froides dans l'hémisphère Sud et on voit aussi une grande disparité entre les résultats des modèles. Donc on met comme ça en évidence des comportements communs et des comportements spécifiques à certains modèles. Ce qu’on aime bien aussi, c’est être capable de caractériser très rapidement ces résultats et de savoir si certains modèles sont meilleurs que d'autres ou si les modèles évoluent dans le temps. Pour cela, on a recours au diagramme de Taylor (ci-dessous).
Ce diagramme, sur l'axe du bas, va représenter l'amplitude du signal simulé. Sur l'arc de cercle, on va avoir une mesure de la corrélation entre ce qui est simulé et ce qui est observé. Lorsqu'on compare la distance entre le point observé et n'importe lequel des points sur la carte, on va avoir la différence quadratique moyenne qui va donner un écart d'amplitude entre ce qui est simulé et ce qui observé. Donc plus on est proche du point des observations, meilleurs on est. Plus on en est loin, moins bons on est. Ce diagramme nous permet de savoir si c'est parce que la corrélation est bonne entre modèles et observations ou alors si c’est l’amplitude du champ qui est mal simulée. On voit par exemple ici, si on prend ce qui est marqué CMIP 5 ou CMIP 3 qui sont deux grands ensembles de simulations, on voit que ces deux grands ensembles de modèles ont à peu près le même type de qualité par rapport aux observations.
3. Cas particulier de la couverture nuageuse
Souvent, ce que l'on modélise n'est pas directement comparable aux observations. C'est le cas par exemple des nuages, qui sont des structures de très fine échelle, que l'on représente dans les modèles et que l'on peut maintenant comparer à de nombreuses données satellites. Mais les nuages observés par satellite n’ont pas exactement les mêmes caractéristiques que l'on simule et pour ça, on va développer des petits logiciels pour pouvoir les comparer, qui font comme si un satellite volait dans le modèle et regarde et mesure les nuages. On va ainsi pouvoir mieux comparer les couvertures nuageuses.
Ce que montre la comparaison de ces deux cartes ci-dessus (vous avez à gauche le résultat des satellites et à droite les résultats des modèles), c'est que ce modèle particulier a tendance à avoir des couvertures nuageuses (donc c’est en jaune sur la figure), qui sont plus importantes dans les moyennes latitudes de l'hémisphère nord et de l'hémisphère sud que ce qui est représenté dans les observations dans les mêmes régions. On met donc là en évidence un défaut dans la représentation des nuages bas dans ce modèle.
4. Utilisation des paléoclimats
Pour savoir si un modèle est capable de simuler un climat différent de l'actuel, on peut utiliser de nombreuses expériences menées par la Terre dans les climats passés. On utilise donc les paléoclimats comme tests de notre capacité à représenter ces climats différents. Un exemple donné ici concerne le climat d'il y a 6000 ans. J’ai mis sur la figure ci-dessous une reconstitution des précipitations annuelles en millimètres par an qui sont donnés par les petits points.
Quand c’est bleu c'est-à-dire qu'il y avait plus de précipitations ; quand c’est rouge, ça veut dire qu'il en avait moins là où on avait des données. Ce que vous avez sur la carte c'est la moyenne d’un ensemble de modèles, la différence à la période actuelle, pour cette période. Lorsque c’est bleu, c’est qu’il y avait plus de précipitations ; lorsque c’est rouge, c’est qu'il y a moins de précipitations dans les modèles. Alors, cette époque est marquée par une variabilité saisonnière plus importante du rayonnement solaire dans l'hémisphère nord. Cela induisait des moussons beaucoup plus intenses et c'est pour ça qu'il y a plus de pluies par exemple dans toute la région du Sahara et du Sahel sur cette carte. Ce que vous voyez aussi, c'est que si l'on compare les résultats des modèles et des données par les petits ronds de couleur, on voit qu’au premier ordre, les modèles représentent très bien les variations observées, mais lorsque l'on regarde de plus près et si l'on va plus loin dans les analyses, on se rend compte qu'ils ont un petit peu tendance à sous-estimer l'amplitude des changements observés. Donc les modèles sont satisfaisants et tout à fait crédibles sur leurs grandes lignes et ont quand même des défauts dans la représentation – par exemple pour ce climat -, de l'amplitude des précipitations.
5. Incertitudes sur les projections climatiques
Grâce à ces différentes évaluations, on est capable de mieux caractériser les incertitudes des projections climatiques comme celles que l'on fait pour le prochain siècle. Vous avez sur la figure ci-dessous les résultats pour les ensembles de modèles de changements de température en moyenne annuelle pour l'ensemble de la planète, en fonction du temps.
On représente la partie 1950 à 2000, ce qui est le climat actuel. Ensuite, on fait des simulations avec différentes hypothèses de l'évolution socio-économique et donc des émissions de gaz à effet de serre, dans des cas où il n'y a pas de mesures qui sont prises, c'est le paquet rouge et dans le cas où des mesures sont prises pour les réductions des émissions, c'est le paquet bleu. Cet ensemble de modèles et les comparaisons nous permettent de caractériser les incertitudes liées à la modélisation. Ce sont les barres d’erreur autour des projections pour chacun des paquets.
6. Conclusion
Lorsqu'on s'intéresse au changement climatique, les erreurs et les incertitudes provenant des modèles ne sont pas la seule source d'incertitude à prendre en compte. Il faut aussi prendre en compte des incertitudes d’autre nature qui font appel aux résultats d'autres communautés, comme par exemple les hypothèses qui sont faites sur l'évolution des facteurs socio-économiques et qui caractérisent les paquets rouges et bleus à l'horizon 2100. C'est grâce à l'ensemble et la prise en compte de l'ensemble de ces incertitudes que l'on est capables de mieux caractériser les risques pour la société du changement climatique en cours.