En ligne depuis le 29/05/2015
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Description
Dans cette vidéo, Didier Paillard s'appuie sur les variations passées du climat pour mettre en évidence les différentes échelles de temps et les grands mécanismes associés aux variations du climat. Il montre également l'existence dans le climat de phénomènes de rupture.
Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre les différentes échelles de temps et les grands mécanismes associés aux variations du climat.
- Comprendre les phénomènes de basculement du système climatique.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Mentions Licence
- Sciences de la Terre
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
Paillard Didier
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC « Causes et enjeux du changement climatique ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
Climat à « long terme » : ruptures et irréversibilités
Didier PAILLARD
Chercheur – CEA
Les paléoclimats sont les climats anciens. Ils nous renseignent sur l'évolution naturelle du système climatique depuis plusieurs dizaines voire centaines de millions d'années et ça nous permet de situer la perturbation actuelle dans un contexte plus large et aussi de mieux en comprendre les processus.
1. Les climats passés
Sur la figure ci-dessus, vous avez une évolution des températures à la surface de la Terre au cours des dernières environ 500 millions d'années jusqu'à la période actuelle. Vous remarquez que l'échelle de temps est zoomée sur la partie la plus récente avec des unités qui correspondent à des milliers d'années sur la partie droite et plutôt des dizaines, centaines voire des centaines de millions d'années sur la partie gauche. L’amplitude de ces variations est de plusieurs degrés, voire même jusqu'à environ 10°C plus chauds pour les périodes les plus chaudes. 10°C en plus correspond à des climats tropicaux dans les régions polaires actuelles avec des fossiles de crocodiles ou des fossiles de palmiers que l'on retrouve au nord du cercle polaire par exemple. A l'inverse, les périodes les plus froides, notamment le dernier maximum glaciaire il y a environ 20 000 ans, correspondent à des étendues glacées très développées, notamment sur le Canada ou sur l'Europe du Nord, comme je vous en parlerai un petit peu plus loin. Ce qu'il faut remarquer, c'est que notre période « récente », c'est-à-dire de quelques millions d'années, est plutôt relativement froide. Nos écosystèmes sont donc plutôt adaptés à des climats froids tels qu'ils ont pu fluctuer au cours des dernières périodes glaciaires et interglaciaires. Dans ce contexte, une question intéressante est de savoir ce qui permet de réguler le climat aux échelles de temps géologiques.
2. Importance du cycle du carbone
Il est intéressant de voir que le système de régulation le plus important est le cycle du carbone. En effet, le carbone sur Terre est contrôlé essentiellement par une source volcanique. La quantité de carbone augmente dans l'atmosphère et dans les océans sous l'influence des volcans et à l'inverse, l'érosion des continents permet de générer une précipitation des carbonates au fond des océans et donc cette érosion va permettre de diminuer la quantité de CO2 dans l'atmosphère. Il se trouve que l'érosion dépend du climat. Plus il fait chaud, plus l'érosion est importante et c'est ce mécanisme qui va permettre de contrôler la température à la surface de la Terre aux échelles de temps géologiques. La transition paléocène – éocène d’il y a environ 55 millions d'années est assez intéressante puisqu'elle correspond à un événement abrupt, à un accident climatique avec une remontée très brutale des températures. L'échelle de temps s’étale ici entre 56 millions d'années jusqu'à 54 millions d'années. On voit que ce réchauffement très brutal d'environ 5°C s'accompagne sans doute d'une augmentation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère et d'une augmentation de l’acidité dans les océans. Ce n'est pas sans rappeler ce qui nous arrive en ce moment. De façon naturelle, le thermostat carbone permet de revenir à l'état initial au bout d'environ 200 000 ans. C'est-à-dire que notre planète est régulée à travers le cycle du carbone avec une constante de temps d’environ 200 000 ans, ce qui est très court à l'échelle géologique, sans doute un petit peu long à l'échelle de nos sociétés humaines.
3. Cycles glaciaires et interglaciaires
De façon plus récente, nous avons donc des cycles glaciaires et interglaciaires avec une alternance récente donc entre des périodes de maximum glaciaire (comme il y a environ 20 000 ans) et puis des périodes interglaciaires (comme ce que nous vivons aujourd'hui ou en tout cas dans la période historique). Ces cycles sont très intéressants parce que, d'une part, dans l'histoire des sciences c’est la première démonstration que les climats changent effectivement au cours du temps. Donc au XIXe siècle, c'est la découverte de ces périodes glaciaires qui a posé la question climatique aux scientifiques et donc de savoir comment fonctionnait le système climatique.
Les mécanismes sous-jacents ne sont d'ailleurs toujours pas très bien compris. Alors il est clair que ces cycles sont rythmés par les paramètres orbitaux de la Terre, donc par des phénomènes astronomiques mais il est aussi prouvé maintenant que le cycle du carbone a un rôle très actif dans le fonctionnement de ces cycles glaciaires et interglaciaires. Pour donner quelques chiffres, en période glaciaire, on a une température d'environ 5°C plus froide, des calottes de glace, comme on peut le voir sur la figure ci-dessus, qui recouvrent l'ensemble du Canada et de l'Europe actuelle. Cela correspond à une baisse du niveau marin puisque cette glace provient ultimement de l'océan. Cette baisse du niveau marin est d'environ 120 mètres ce qui a des conséquences assez majeures sur la forme des continents et sur le trait de côte.
4. Vitesse des variations climatiques
On pourrait penser que ces variations climatiques à long terme sont en général lentes, ce qui est vrai. Mais une des surprises de cette dernière décennie a été de s'apercevoir qu'en fait, il y a certains événements extrêmement rapides qui surviennent au cours de ces changements climatiques. En particulier pendant les périodes de réchauffement comme la dernière déglaciation, on se rend compte que l'on peut avoir des réchauffements très importants, de l'ordre de 10°C au Groenland environ à l'échelle d'une vie humaine (c'est-à-dire environ 50 ans). Sur ce même type d'événement, on a de façon associée des débâcles d’icebergs très importantes, donc avec des diminutions importantes du volume des calottes de glace.
Notamment il y a 14 600 ans, on s'est rendu compte que le niveau de la mer était remonté d’environ une vingtaine de mètres en 300 ans, ce qui correspond à un rythme d’environ 5 ou 6 mètres par siècle, ce qui est absolument considérable (figure ci-dessus). Ce genre d'événements très rapides dans les changements climatiques sont encore très mal compris mais ça pose effectivement des questions dans le contexte actuel de savoir si ce genre de choses doivent être envisagées ou pasà l'échelle du siècle ou des siècles prochains.
5. Conclusion
Pour conclure, on se rend compte que les composantes lentes du système climatique ont un rôle finalement assez structurant sur l’état du système climatique. J’inclus notamment dans ces composantes lentes l’océan profond, les calottes de glace et le cycle du carbone à long terme.
Les mécanismes associés malheureusement ne sont pas toujours bien compris. Ils sont relativement incertains parce que nous manquons de recul et d'observation quant aux variations de ces composantes lentes du système, et par conséquent, elles sont souvent relativement mal prises en compte, voire parfois pas du tout prises en compte dans les projections climatiques futures. Néanmoins, il me semble important de comprendre que le contexte de changement climatique actuel va entraîner donc ce type de changements à très long terme, avec à la fois des variations lentes mais aussi potentiellement des variations rapides et des ruptures dans le système.