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Description

Hervé Douville, chercheur au Centre National de la Recherche Météorologique et co-auteur du dernier rapport du GIEC (AR6 WG1 Ch8), discute dans cette vidéo des effets du changement climatique sur le cycle de l’eau, et notamment sur les précipitations. Moyennes, variabilité, incertitudes : il met en lumière les évolutions récentes et discute des projections pour les prochaines décennies.

Objectifs d'apprentissage :

- Identifier les évolutions récentes du cycle de l’eau, au niveau planétaire, sous l’effet du changement climatique ou de prélèvements excessifs
- Comprendre les risques, en matière de modification du cycle de l’eau, associés à différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre et sur la base de différents modèles de climat
- Comprendre les notions de moyenne, de variabilité et d’incertitude quand on parle d’évolutions climatiques

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 13. Lutte contre le changement climatique
Thèmes
  • Enjeux Climat/Eau
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
changement climatiquecycle de l'eauressource en eausécheresseprécipitationmodèles climatiques
Climate Change and Biodiversity
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Climate change and fire activity in metropolitan France
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Ice sheet vulnerability to climate change
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The ocean and the climate
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Marine biodiversity and climate change
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Changement climatique et biodiversité
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Changement climatique et activité de feux en France métropolitaine
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Sensibilité des calottes polaires au changement climatique
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L'océan et le climat
L'océan et le climat
Biodiversité marine et changement climatique
Biodiversité marine et changement climatique
Contributeurs

Douville Hervé

Chercheur, Centre national de la Recherche Météorologique

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Effets du changement climatique sur le cycle de l’eau

Hervé DOUVILLE, Chercheur au Centre National de la Recherche Météorologique, Co-auteur du dernier rapport du GIEC

Les changements du cycle de l’eau sont très variables, à la fois d’une région à l’autre ou d’une saison à l’autre, et ils ne sont pas uniquement causés par le changement climatique d’origine anthropique, mais aussi par les changements d’utilisation des sols et les prélèvements dans la ressource. Il y a une anthropisation croissante du cycle de l’eau et le changement climatique n’est qu’une facette des perturbations anthropiques de ce cycle.

J’aborderai d’abord les changements observés et leur éventuelle attribution à des activités humaines, puis je présenterai brièvement les projections concernant l’évolution du cycle de l’eau au cours du XXIe siècle.

1. Changements observés
On peut documenter ces changements sur la base d’observations in situ (pluviomètres, mesures de débit) mais aussi, depuis quelques décennies, sur la base d’observations spatiales. En particulier, depuis le début du XXIe siècle, la mission GRACE permet de documenter l’évolution de l’ensemble des stocks d’eaux superficielles et souterraines qui, dans certaines régions, représentent le stock majeur de ressources en eau.

Quand on regarde la carte de l’évolution depuis 2002, on voit que la réponse est très hétérogène d’une région à l’autre, avec des régions où la ressource augmente (en bleu) et des régions où elle diminue substantiellement (en rouge). C’est notamment le cas, par exemple, de la mer d’Aral. J’insiste encore sur le fait que ce n’est pas uniquement ou essentiellement dû au changement climatique, mais plutôt à des prélèvements excessifs en raison d’une riziculture intense dans la région.

2. Attribution des changements observés
Au-delà de la détection des changements observés, les modèles de climat permettent d’aller jusqu’à l’attribution des causes. On peut en effet les forcer par l’évolution observée des gaz à effet de serre et des aérosols anthropiques, et constater dans nos simulations qu’au cours du XXe siècle, l’effet des gaz à effet de serre sur le cycle de l’eau a été en grande partie masqué par l’effet des aérosols anthropiques.

Les aérosols ont majoritairement pour effet de refroidir la surface des continents parce qu’ils réfléchissent une partie significative du rayonnement solaire incident. Étant émis dans l’hémisphère nord, du fait de la présence en majorité des pays industriels dans cet hémisphère, cela a créé un différentiel de réchauffement entre les deux hémisphères, et cela a conduit à une migration de la zone de convergence intertropicale, notamment des climats de mousson, vers l’hémisphère sud. Par ailleurs, cet effet réfléchissant limite le réchauffement de surface, limite l’augmentation de l’évaporation en surface liée aux gaz à effet de serre, et donc limite l’aridification, y compris aux moyennes latitudes de l’hémisphère nord.

À partir de la fin du XXe siècle, les efforts de dépollution atmosphérique ont permis de limiter les émissions d’aérosols anthropiques, alors que les émissions de gaz à effet de serre ont continué à augmenter. Dès lors, on comprend aisément que l’attribution des changements du cycle de l’eau aux effets anthropiques ait été délicate jusqu’à la fin du XXe siècle et ne soit vraiment importante qu’à partir du début du XXIe siècle.

Grâce à l’utilisation combinée des observations et des modèles, ces études d’attribution nous permettent notamment de dire que l’augmentation des pluies observées dans les hautes latitudes de l’hémisphère nord a une origine anthropique, que l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des plus fortes pluies à l’échelle quotidienne est également renforcée par les activités humaines, et, par ailleurs, comme on le voir sur la figure ci-dessous, que la fréquence et l’intensité des sécheresses agricoles dans certaines régions du globe (représentées par des hexagones) a également augmenté, notamment sur l’ouest de l’Europe ou le pourtour méditerranéen, et ceci en grande partie en raison du changement climatique d’origine anthropique.

3. Projections
Pour décrire et documenter ces projections, on s’appuie uniquement sur la modélisation numérique et notamment des simulations pilotées par différentes évolutions envisagées pour les concentrations de gaz à effet de serre et d’aérosols anthropiques, ceci selon différents scénarios socioéconomiques.

Si on considère par exemple un scénario médian, qu’on qualifie de scénario SSCP2-4.5 dans le jargon du GIEC, on constate concernant l’évolution saisonnière des précipitations des changements spatiaux très hétérogènes d’une région à l’autre, avec une augmentation des pluies à la plupart des saisons aux hautes latitudes. Mais si on se focalise sur l’Europe (voir figure ci-dessous), celle-ci est essentiellement constatée en hiver aux hautes latitudes et apparaît très peu en été. Inversement, en été, on a une forte diminution des précipitations sur le sud de l’Europe. On constate donc au niveau européen une augmentation de la saisonnalité de la pluviométrie avec plutôt plus de pluie en saison des pluies et moins de pluie en saison sèche.

Si on regarde plus globalement à l’échelle de la planète, on voit que de nombreuses régions subtropicales déjà semi-arides vont voir leur pluviométrie diminuer à la plupart des saisons, et donc de manière annuelle. C’est le cas non seulement du pourtour méditerranéen, mais également de la Californie, de l’Afrique du Sud, du Chili, et d’une partie de l’Australie. Tous ces climats semi-arides vont malheureusement devenir encore plus arides dans un climat plus chaud, ce qui va évidemment poser des problèmes, notamment pour la ressource en eau liée à l’agriculture.

Les modèles nous fournissent également l’évolution des précipitations à l’échelle quotidienne. On peut s’intéresser au nombre de jours sans pluie régionalement ainsi qu’à l’intensité moyenne des précipitations, c’est-à-dire à la précipitation annuelle non pas divisée par le nombre total de jours, mais par le nombre de jours de pluie. On considère qu’un jour de pluie est un jour où la précipitation est supérieure à 1 mm.

Si on se situe sur un scénario médian, on constate que l’intensité moyenne des précipitations va augmenter de manière quasi uniforme sur l’ensemble du globe (figure ci-dessus). Cela va concerner à la fois les évènements de précipitations modérés mais aussi les évènements de précipitations extrêmes avec un risque accru d’inondations associées à de tels évènements.

S’agissant du nombre de jours sans pluie (figure ci-dessus), la réponse est plus hétérogène spatialement, plus variable d’une région à l’autre. On constate à la fois des zones en bleu où le nombre de jours pluvieux augmente, et des zones en rouge où c’est le nombre de jours secs qui augmente, notamment sur l’Amazonie et dans les régions semi-arides que j’ai évoquées et qui sont déjà des régions relativement vulnérables au manque d’eau. On voit donc que le nombre d’évènements pluvieux va diminuer. On risque alors d’avoir une variabilité de plus en plus forte de la pluviométrie annuelle qui va dépendre d’un nombre d’évènements de plus en plus faible.

Cet accroissement de la variabilité du cycle de l’eau d’une année à l’autre est particulièrement flagrant lorsqu’on s’intéresse aux régions tropicales. Sur cette figure est représentée l’évolution de la moyenne des précipitations, en bleu, et du ruissellement, en ocre, en fonction du niveau de réchauffement global atteint dans les projections du XXIe siècle, indépendamment du scénario envisagé.

On constate que la moyenne du ruissellement et que la moyenne des précipitations augmentent en fonction du niveau de réchauffement. On constate en pointillés que l’évolution de la variabilité interannuelle de ces variables, les précipitations mais encore plus le ruissellement, augmente beaucoup plus que l’évolution des moyennes. On va donc avoir des ressources en eau beaucoup plus volatiles dans des régions fortement dépendantes de la ressource, notamment pour leur agriculture.

La conséquence est que nos politiques d’adaptation doivent vraiment être très prudentes, ne pas se baser uniquement sur l’évolution des moyennes, mais aussi sur l’évolution de la variabilité au cours du temps et également d’un modèle à l’autre.

4. Incertitudes
Nous avons sur cette figure, pour un niveau maximum de réchauffement de 5°C, des barres d’erreur qui montrent qu’au-delà de la réponse médiane donnée par l’ensemble des modèles, certains modèles montrent des évolutions encore plus spectaculaires de la variabilité ou de l’augmentation du ruissellement et des précipitations sous les Tropiques, avec des risques d’inondation, mais aussi, en raison de la variabilité croissante, de sécheresse qui pourrait être accrue par rapport à la réponse moyenne souvent commentée dans les rapports du GIEC.

Il est donc très important d’avoir des stratégies d’adaptation qui soient basées sur autant de modèles que possible et non seulement un modèle illustratif, sur l’ensemble des scénarios plausibles en termes d’émissions des gaz à effet de serre, et qui tiennent compte des évolutions moyennes mais aussi de la variabilité temporelle des ressources et des flux d’eau.