En ligne depuis le 26/10/2023
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Description
François Pimont, ingénieur de recherche à l’INRAE, discute dans cette vidéo des effets du changement climatique sur l’activité de feux en France métropolitaine. Il met tout d’abord en évidence les facteurs responsables de cette activité puis montre comment elle a évolué lors des dernières décennies. Il explique enfin comment pourrait évoluer le risque de feux d’ici la fin du siècle sous l’effet du changement climatique.
Objectifs d'apprentissage :
- Connaître les facteurs responsables de l’activité des feux
- Appréhender les différentes composantes du risque « feux » en France d’ici la fin du siècle
- Faire le lien entre les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, au niveau mondial, et le risque de feux en France
État
- Labellisé
Langues
- Espagnol
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+1
- Bac+2
Objectifs de Développement Durable
- 13. Lutte contre le changement climatique
- 15. Vie terrestre
Thèmes
- Enjeux Climat/Biodiversité
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Pimont François
Ingénieur de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Changement climatique et activité de feux en France métropolitaine
François PIMONT, Ingénieur de recherche à l’INRAE
1. Eléments favorisant les feux de forêts
Les feux de forêt dépendent de plusieurs facteurs principaux. Pour qu’un feu se propage, il faut déjà du combustible. Le combustible jouant le rôle le plus important est constitué des éléments de végétation les plus fins, comme les aiguilles, les feuilles ou les petits rameaux. Ces éléments fins ont le temps de brûler pendant le passage du feu et contribuent à la propagation du front de flamme. La continuité horizontale de la végétation dans le sous-bois et la continuité verticale entre le sous-bois et les arbres favorisent cette propagation.
La vitesse de propagation dépend évidemment du niveau de sécheresse du combustible.
Si la végétation est très humide, elle ne va même pas s’enflammer. Plus celle-ci est sèche, plus l’inflammation est facile et plus le feu se propage rapidement. Un feu plus rapide est également plus puissant, il présente des flammes plus hautes et dégage davantage d’énergie. Il est donc plus difficile à maîtriser par les forces de lutte. Ce niveau de sécheresse du combustible dépend des conditions météorologiques qui précèdent le feu.
Parmi ces facteurs, on retiendra en premier lieu la sécheresse météorologique, c’est-à-dire qu’un déficit de précipitations prolongé pendant plusieurs semaines va diminuer progressivement la quantité d’eau présente dans les plantes au fur et à mesure que les sols s’assèchent et que les plantes transpirent. On peut aussi compter avec le déficit de vapeur d’eau dans l’air le jour du passage du feu. En effet, un air sec peut assécher en quelques heures la végétation morte, comme les herbes sèches ou les tapis d’aiguilles. Cette sécheresse de la végétation morte va jouer un rôle clé vis-à-vis des départs de feu mais aussi de la propagation. L’autre facteur météorologique très important est le vent. Le vent va accroître la vitesse de propagation des feux par convection, c’est-à-dire qu’il va transporter les gaz chauds produits par le feu vers la végétation non brûlée. Le vent accroît aussi la vitesse de propagation à cause du rayonnement des flammes. Plus le vent est fort, plus celles-ci sont inclinées vers la végétation non brûlée, ce qui favorise son inflammation.
Un autre facteur déterminant est le nombre de départs de feu. En France, l’éclosion est principalement liée aux activités humaines, que ce soit par imprudence du grand public ou des professionnels, et parfois aussi par malveillance. L’éclosion naturelle liée à la foudre est largement minoritaire en France. Il faut cependant retenir qu’elle joue un rôle clé dans d’autres régions du monde.
En France, le rôle de l’homme ne se limite pas aux éclosions puisque les actions de prévention et de lutte permettent également de réduire drastiquement le développement des feux. Par exemple, on estime que les progrès de la prévention et de la lutte ont permis de diviser par 4 l’activité des feux entre les années 1980 et les années 2010. Ces améliorations découlent principalement de la réduction du nombre de feux supérieurs à 1 ha du fait des efforts de prévention et de l’amélioration de l’attaque initiale sur feu naissant.
En France, les feux de forêt ont lieu principalement en été dans le quart sud-est de la France et dans le massif landais. Ce sont les endroits où les conditions météorologiques et la végétation favorisent le développement des feux. Il existe également une zone d’activité des feux dans le centre-ouest et même au-delà, lors de certaines années particulièrement chaudes. Par exemple, en 2022, il y a eu des feux très importants en Bretagne. Certaines zones présentent également des activités de feu importantes en hiver ou au début du printemps, comme en Aquitaine ou dans les zones de montagne.
2. Impacts du changement climatique sur l’activité de feux : méthode
Le changement climatique va induire progressivement des changements dans la météorologie observée au quotidien. Ces changements de température, de sécheresse de la végétation et de sécheresse de l’air vont avoir des effets sur les feux et ces effets vont s’amplifier dans le futur. Pour anticiper ces effets, les scientifiques s’appuient sur des travaux de simulation de l’impact du changement climatique en trois phases.
D’abord, il s’agit de simuler la météorologie du futur. Les modèles climatiques permettent de générer des projections des données météorologiques. Elles illustrent ce à quoi pourront ressembler en 2050 ou en 2100 les observations quotidiennes de précipitations, de températures ou de vent en différents points du territoire. Ces projections dépendent, bien sûr, fortement des efforts de réduction d’émissions mis en œuvre par l’humanité à l’échelle globale. Il s’agit des fameux scénarios RCP analysés notamment par les experts du GIEC.
Ensuite, il faut traduire ces données météorologiques futures en danger feu de forêt ou en activité de feu potentielle. Pour cela, on utilise des indices climatiques, comme l’indice forêt météorologique. Celui-ci permet de quantifier l’impact de la météorologie sur le niveau de danger. Il sert, par exemple, à établir la météo des forêts et contribue à l’assistance de Météo France auprès des opérationnels. On peut aussi utiliser des modèles probabilistes permettant d’établir un lien entre, d’un côté les caractéristiques des feux qu’on observe, leur nombre, leur taille, et de l’autre l’ensemble des facteurs cités plus haut, à savoir la météorologie, le combustible et les activités humaines. Ces modèles probabilistes sont ajustés sur les observations passées. On peut alors utiliser les simulations du modèle pour présenter les probabilités d’occurrence des feux sous forme de carte, comme on peut le voir ici.
La dernière étape du travail consiste à projeter les activités de feu dans le futur en appliquant ces modèles probabilistes non pas aux conditions météorologiques présentes, mais à celles qu’on anticipe dans le futur selon les différents scénarios. La combinaison de ces trois étapes permet d’évaluer l’impact du changement climatique sur les activités de feu en comparant la situation actuelle avec les projections pour le futur.
3. Impacts du changement climatique sur l’activité de feux : projections
Si on s’intéresse aux grands feux supérieurs à 100 ha dans le quart sud-est de la France, on voit ici en rouge que leur nombre pourrait passer d’une moyenne de 7 par an sur la période actuelle à près de 20 par an en fin de siècle si nos émissions continuent à augmenter au rythme actuel. Si on se place dans un scénario moins pessimiste, en bleu, l’augmentation est plus modérée, mais tout de même très significative avec un doublement des grands feux. Cette projection fait l’hypothèse qu’on arrive à stabiliser les émissions globales à un niveau faible.
Ces niveaux d’activité peuvent être analysés en relation avec les degrés de réchauffement pour l’ensemble de la planète. Ce sont les fameux plus 2, plus 3 et plus 4 degrés de réchauffement global dont on parle dans les accords internationaux. Dans le cas de la trajectoire pessimiste, on dépassera plus 4 degrés de réchauffement global en fin de siècle alors que le réchauffement se situerait entre plus 2 et plus 3 degrés selon la trajectoire plus optimiste.
Ce type de résultat illustre l’importance de l’enjeu d’une réduction massive des émissions au niveau global pour limiter le réchauffement. En effet, chaque degré de réchauffement supplémentaire aura un impact très concret sur la population française, illustré ici par le nombre de grands feux de forêt auquel elle sera confrontée dans le sud-est.
Ces évolutions vont poser des problèmes de nature variée aux populations, mais avant tout aux services chargés de la prévention et de la lutte. Ils vont devoir agir sur des zones plus étendues, c’est ce qu’on appelle l’expansion de la zone à risque.
Par exemple, la zone concernée par des activités de feu significatives pourrait passer progressivement d’un peu plus d’un quart de la zone sud-est à presque la moitié en 2050. Elle pourrait ensuite continuer à s’étendre jusqu’à presque deux tiers de la zone en 2090 dans le scénario pessimiste.
Les services vont également devoir faire face à des saisons de feux plus longues avec un démarrage plus précoce et une fin plus tardive. Cet allongement de la saison induira de la fatigue et de l’usure pour les personnels concernés. Aujourd’hui, le cœur de saison de feux dure un peu plus d’un mois aujourd’hui, entre le 18 juillet et le 20 août. Ce cœur de saison pourrait commencer un mois plus tôt et terminer presque un mois plus tard.
Enfin, les services de prévention et de lutte vont être confrontés à davantage d’évènements concomitants, ce qui va les conduire à disperser leurs moyens. On estime que le changement climatique devrait augmenter le nombre de fois où plus de sept feux dépassant 1 ha se produisent une même journée.
Actuellement, ce seuil critique n’est franchi que deux fois par an en moyenne, mais il pourrait grimper jusqu’à 10 fois par an en fin de siècle. Ces configurations vont donc se produire plus souvent, favorisant le risque que les services opérationnels soient débordés et donc que de très grands feux se produisent.
À l’échelle du territoire national, l’expansion de la zone à risque devrait conduire à un rapprochement progressif des trois zones concernées jusqu’à présent (voir plus haut). Les changements les plus marqués devraient avoir lieu à la périphérie des trois zones.
Dans certains de ces départements périphériques, les feux de plus de 20 ha pourraient augmenter d’un facteur supérieur à 3. Bien sûr, ce type d’étude prospective présente un certain nombre de limites.
On peut citer par exemple l’incertitude liée aux modèles climatiques qui ne prédisent pas tous exactement la même trajectoire. Une autre limite concerne l’extrapolationdans le futur des activités de feu observées par le passé. Ce type d’extrapolation augmente également les incertitudes.
Mais malgré ces limites, ces travaux permettent de quantifier l’ampleur des changements à attendre. Ils rappellent également l’urgence à limiter les émissions pour atteindre la neutralité le plus rapidement possible. Pour finir, précisons que ces résultats sont actuellement utilisés par les services de l’État pour adapter nos politiques publiques.