En ligne depuis le 19/03/2025
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Description
Cette collection de 14 vidéos pédagogique sur les invasions biologiques, produite et coordonnée par UVED, a pour objectif de vous permettre de mieux comprendre ce processus, les impacts qui en découlent, ainsi que les stratégies de prévention ou de gestion associées. Placée sous la responsabilité scientifique de Franck Courchamp (CNRS), elle fait intervenir 13 spécialistes issus d'établissements de référence dans le domaine.
Objectifs d'apprentissage :
- Définir une espèce exotique envahissante
- Expliquer le processus d'une invasion biologique et les facteurs qui en sont responsables
- Identifier les différents types d'impacts associés aux invasions biologiques et évaluer leur coût pour les sociétés
- Décrire les stratégies, les outils et les méthodes permettant de prévenir ou de gérer les invasions biologiques
- Analyser les raisons pour lesquelles les invasions biologiques font encore l'objet d'une préoccupation limitée dans la société
- Identifier les moyens les plus fiables pour s'informer sur les invasions biologiques
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Sciences de la vie
Nature pédagogique
- Cours
Objectifs de Développement Durable
- 14. Vie aquatique
- 15. Vie terrestre
Thèmes
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Parcours thématique
Mots-clés

Partie 1. Définition et processus des invasions biologiques

Partie 2. Impacts des invasions biologiques

Partie 3. Prévention et gestion des invasions biologiques

Partie 4. Exemples d'invasions biologiques

Partie 5. Etat des connaissances et perception des invasions…
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée d’une vidéo de la collection UVED « Les invasions biologiques ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Invasions biologiques : de la prise de conscience à l’action collective
Franck Courchamp, CNRS
1. Le coût des invasions biologiques pour nos sociétés
Les invasions biologiques, causées par l’introduction, l’établissement et la propagation d’espèces exotiques envahissantes sont une des menaces les plus importantes sur la biodiversité, les écosystèmes et nos sociétés. Sur la biodiversité, il s’agit d’une des pires menace passées, actuelles et futures. Dans le passé, plus de 60% des extinctions récentes d’espèces impliquent les invasions. Il existe plus de 1200 extinction locales documentées par la science. Actuellement, il s’agit encore d’une des pires menaces sur la biodiversité, avec plus de 4 espèces menacées sur dix qui le sont en raison des invasions. En augmentation constante, les invasions biologiques sont d’ores et déjà prédites comme l’une des pires menaces dans les années et décennies à venir.
Pour nos sociétés humaines, les millions de malades et centaines de décès ainsi que les coûts économiques faramineux donnent des raisons plus anthropocentrées de prendre la mesure de ces invasions. Rappelons que le coût économique annuel des dégâts des invasions biologiques dans le monde est plus de 80 fois supérieur aux budgets annuels combinés de l’OMS et de l’ONU. Ces sommes sont au niveau national de la plupart des pays supérieures à leurs budgets des ministères de la santé ou de l’éducation.
Il est clair que la gestion de ces invasions est un enjeu majeur pour la préservation de nos environnements de vie. Cet enjeu est constitué de plusieurs défis.
2. Le paradoxe des invasions biologiques
Un des défis les plus importants est le décalage très important, le paradoxe même, qu’il y a entre les impacts et coûts des invasions biologiques, et la perception des décideurs en particulier, et du public en général. S’il ne fait pratiquement aucun doute dans les consciences collectives que la pollution des airs, des sols et des eaux est inquiétante pour la biodiversité, ou que la surexploitation des forêts ou des stocks de pêche constitue une menace réelle pour de nombreuses espèces, il n’en va malheureusement pas de même pour les invasions biologiques. On peut donc se questionner sur les causes de ce paradoxe. Ce décalage entre l’importance des invasions pour notre environnement et la perception de cette importance par nos sociétés est dû à plusieurs facteurs concomitants.
3. Complexité du processus d’invasion biologique
Le premier d’entre eux est que les invasions biologiques impliquent beaucoup plus de complexité, à différent niveaux, que les autres grandes causes de perte de biodiversité, et sont donc plus difficiles à appréhender. Cela implique des notions d’écologie, d’évolution (ou de co-évolution), de biogéographie, de dynamique des populations, de relations trophiques, etc., qui ne sont pas forcément présentes quand il s’agit de comprendre que raser une forêt n’est pas bon pour la forêt…
4. Multiplicité des impacts et des visages des invasions biologiques
Un autre facteur important est la multiplicité et la diversité des espèces par lesquelles ces invasions surviennent. Avec des milliers d’espèces de microorganismes, de plantes et d’animaux, il est plus difficile de mettre un visage sur le problème. Et le processus en lui-même d’invasion biologique, dont les espèces exotiques envahissantes ne sont finalement que le moteur, est quant à lui un concept assez abstrait et immatériel.
Les impacts de ces invasions sont eux-mêmes très divers, de la perte de populations locales à la destruction des berges d’une rivières, de la perte d’une fonction comme la pollinisation au changement des conditions physico chimiques de l’eau d’un lac, et il est donc plus compliqué de présenter des impacts globaux, ou moyens, pour communiquer auprès des non-spécialistes
5. De la biodiversité... contre la biodiversité !
Une autre raison de ce paradoxe vient du caractère non-intuitif des invasions biologiques : elles représentent après tout la seule cause de perte de biodiversité qui est due à… de la biodiversité. Il est conceptuellement moins direct et moins facile de comprendre que pour protéger certaines espèces, on doive lutter contre des populations de certaines autres espèces.
Il est d’ailleurs difficile pour certaines personnes de mettre en regard la préservation d’une espèces entière et l’élimination de quelques individus d’une population exotique envahissante. Pour les défenseurs de certains mouvements éthiques, il n’y a pas de comparaison possible et on ne peut pas supprimer un seul individu, même si c’est pour sauver une espèce entière.
Ces problèmes de perception de la biodiversité sont d’autant plus compliqués quand les invasions sont dues à des espèces exotiques envahissantes très charismatiques, comme de nombreux mammifères, de jolis oiseaux ou de belles plantes à fleur. Il est clair que si l’on avait à faire face uniquement à des invasions d’araignées, de serpents et de chauve-souris, le problème serait plus limité…
6. Confusion entre espèces exotiques et espèces exotique envahissantes
Une des causes principales de rejet des invasions biologiques comme un facteur majeur de perte de biodiversité est la confusion souvent faite par ceux qui s’y opposent entre les espèces exotiques, et les espèces exotiques envahissantes. Il est vrai que de nombreuses espèces exotiques ne créent pas et ne créeront probablement jamais d’invasions. Un bon exemple est les plantes cultivées (le maïs, la pomme de terre ou la tomate en France), qui souvent ne sont pas problématiques du point de vue écologique. Les experts en biologie des invasions ne font pas cette confusion, et ne prônent pas la lutte contre toutes les espèces exotiques, mais seulement celles connues pour être envahissantes ou susceptibles de le devenir. Elles sont déjà suffisamment nombreuses pour pleinement occuper les ressources de gestion.
Comme souvent pour les remises en causes de consensus scientifiques, les voix discordantes ne sont pas le fait d’experts du domaine. De même que les climatologues s’accordent pour conclure que le dérèglement climatique est réel, et d’origine humaine, il y a un consensus parmi les écologues et autres experts du domaine que les invasions biologiques sont l’une des cinq grandes causes de changement global de notre planète
Les écologues ne sont en effet pas les seuls experts de ce processus, et on parle des sciences des invasions car il s’agit d’un domaine très pluri et interdisciplinaire.
Elle regroupe en effet des contributions de l'écologie, de la biologie, du comportement, de la géographie, de l'économie, et des sciences sociales mais aussi de la psychologie, de la philosophie, du droit et des sciences politiques.
7. De l’importance des politiques nationales et coordonnées
A cet égard, il est important de rappeler le rôle essentiel des politiques publiques et de la législation, à la fois au niveau national et au niveau international. Après tout, les espèces ne reconnaissent pas nos frontières. Dans les grands pays, comme les Etats Unis d’Amérique ou la Russie par exemple, les espèces peuvent devenir envahissantes à l’intérieur même des frontières si elles sont déplacées dans une région lointaine de leur aire d’origine. De la même manière, une espèce envahissante dans un pays peut rapidement le devenir dans un autre, voisin, si des mesures communes ne sont pas prises simultanément de part et d’autre des frontières.
8. L’engagement citoyen
Comme pour de nombreux aspects des crises environnementales auxquelles nous faisons face aujourd’hui les deux piliers de la solution sont la prise de conscience du problème, et la mise en œuvre des actions de gestion de la biodiversité affectée par ces invasions biologiques.
C’est une des raisons qui me pousse à conclure sur l’importance de l’action. Les invasions biologiques concernent l’ensemble de la société, et c’est l’ensemble de la société qui peut y répondre. Les citoyens peuvent s’y engager de multiples façons.
Cela peut être fait par une prise de relai pour cette prise de conscience auprès de vos proches, en contribuant à faire passer les informations que acquises par exemple ici.
Cela peut également consister en des actions de sciences participatives, en faisant remonter aux spécialistes – il y a des applications smartphones pour cela par exemple – les observations de plantes ou animaux qui sont exotiques dans vos régions.
Cela peut enfin consister en la participation à des programmes de conservation qui consistent en l’élimination partielle ou totale d’invasions qui impliquent la participation de bénévoles, car ces actions sont parfois très lourdes sur le terrain.
Il va sans dire que les citoyens qui exercent des responsabilités dans les secteurs d’activité qui sont propices aux nouvelles introductions, comme dans l’import de marchandises ou de plantes et d’animaux, doivent également exercer cette prise de conscience et cette action à ce niveau professionnel.
9. Conclusion
La Nouvelle-Zélande est un pays assez unique car c’est une île dont la faune et la flore a évolué pendant des millions d’années en isolement, et est devenu absolument unique sur Terre. Les invasions biologiques depuis l’arrivée des colons ces siècles derniers a causé des pertes irréparables à la biodiversité de ce pays et donc de notre planète. Du fait de cette richesse unique au monde, les politiciens et le public néo-zélandais sont généralement tous très au courant des dommages créés par les invasions biologiques et s’impliquent fortement pour les limiter.
Cette prise de conscience et les actions qui en découlent sont plus difficiles pour des pays au cœurs de continents et où la présence humaine est bien plus ancienne, mais de nombreux succès de conservation par la lutte contre les invasions biologiques dans de nombreuses régions du monde montrent bien qu’elles ne sont pas une fatalité, et qu’il est possible de les éviter et de les éliminer.
Contributeurs
Courchamp Franck
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Renault David
professeur , Université de Rennes
Leroy Boris
maître de conférences , MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle
Diagne Christophe
chargé de recherche , IRD - Institut de Recherche pour le Développement
Marino Clara
chercheuse post-doctorante à la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité
Albert Arnaud
chargé de mission Espèces Exotiques Envahissantes , OFB - Office Français de la Biodiversité
Bernery Camille
chargée de mission Espèces exotiques envahissantes à l'UICN France
Soubeyran Yohann
Coordinateur Espèces exotiques envahissantes à l'UICN Comité français
Bonnaud Elsa
maître de conférences , Université Paris-Saclay
Decocq Guillaume
professeur , Université de Picardie Jules Verne
Massé Cécile
référente Espèces non indigènes au sein de PatriNat
Renard Truong Tanara
coordinatrice du rapport IPBES de 2023
Arbieu Ugo
chercheur post-doctorant , Université Paris-Saclay