En ligne depuis le 08/11/2023
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Description
L'origine humaine du changement climatique actuel est incontestable et ses effets aux quatre coins du monde sont aujourd'hui déjà bien visibles. Il y a dans ce contexte d'urgence climatique plusieurs impératifs : comprendre la dynamique actuelle, ses évolutions possibles, ainsi que toutes ses conséquences et ses risques sur les humains, les sociétés et les écosystèmes ; rechercher et trouver collectivement des solutions pour atténuer ce changement climatique et, en parallèle s'y adapter, les deux étant indissociables.
L’objectif de ce Parcours est de vous apporter des connaissances scientifiques actualisées sur l'ensemble de ces aspects. 26 enseignants-chercheurs et scientifiques issus de disciplines et d'établissements différents sont intervenus dans ce parcours. La grande majorité de ces intervenants sont auteurs des rapports du GIEC ou bien contributeurs, à l'échelle de leur territoire.
Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre ce qu'est le GIEC et ce qu'il produit
- Connaître les multiples composantes du système climatique
- Identifier les différents gaz à effet de serre et leurs sources d'émission
- Comprendre ce qu'est un modèle de climat
- Appréhender les impacts du changement climatique sur différents milieux et à différentes échelles
- Relier le changement climatique à des risques pour les humains (ex : sécurité alimentaire, santé)
- Comprendre les notions complémentaires d'adaptation et d'atténuation
- Découvrir des stratégies territoriales d'adaptation et de lutte contre le changement climatique
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Mentions Licence
- Géographie et aménagement
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+1
- Bac+2
- Bac+3
Objectifs de Développement Durable
- 13. Lutte contre le changement climatique
Thèmes
- Atténuation, Adaptation & Résilience
Types
- Parcours thématique
Mots-clés

GIEC, COP : de quoi s’agit-il ?

Le système climatique : fonctionnement et trajectoire actuelle et…

Effets du changement climatique sur les milieux terrestres et…

Vulnérabilité des sociétés humaines au changement climatique

Accélérer l'atténuation et l'adaptation des territoires
Territoires urbains et changement climatique
Daniel COMPAGNON, Professeur à Sciences Po Bordeaux
1. Urbanisation et émissions de gaz à effet de serre
Les villes représentent une part prépondérante des sources d’émissions de gaz à effet de serre. On cite souvent le chiffre de 70 % des émissions, mais cela dépend aussi de la définition qu’on a des villes et elle varie d’un pays à l’autre, principalement parce que les villes concentrent la majorité de la population et aussi une part significative des activités industrielles, même si cela varie d’une ville à l’autre.
La tendance plus que séculaire à l’urbanisation et la croissance de la taille des grandes villes ne se dément pas dans les pays occidentaux. Elle est aussi prononcée dans les pays en développement, en particulier ceux qu’on dit émergents : la Chine, l’Inde, le Brésil. Les espaces urbanisés seront donc au cœur des enjeux du changement climatique d’ici la fin du siècle. Pour la suite de ce propos, je m’appuierai surtout sur des exemples en Nouvelle-Aquitaine.
Une grande partie des défis posés par le réchauffement climatique à l’espace urbain et des solutions avancées pour y répondre ne sont pas fondamentalement nouveaux : pensons aux transports en commun, à la nature en ville, à la gestion de l’eau, aux écoquartiers. Ils ont été cadrés depuis longtemps déjà dans la perspective de la ville durable, dans le sillage des Agendas 21 et de la Conférence de Rio en 1992. Mais le changement climatique nous oblige à changer d’échelle en termes d’ampleur des transformations à opérer et en termes d’accélération de la cadence. Il faut faire jouer à la ville un rôle prépondérant dans l’atténuation et la préparer à s’adapter aux impacts déjà sensibles du changement climatique.
2. La forme des villes
La 1re source d’émissions dans les villes est, comme ailleurs, la consommation d’énergie pour le chauffage, pour le déplacement, pour la production. Cependant, le facteur qui pèse le plus sur la propension des villes à émettre plus ou moins de gaz à effet de serre est la morphologie urbaine, la façon dont la ville s’organise, en particulier le phénomène de l’étalement urbain par l’extension des zones périphériques, comme le montre la carte ci-dessous produite par la data en Nouvelle-Aquitaine.
Cette urbanisation en taches est une tendance déjà ancienne en France, décriée pour la consommation d’espaces naturels et agricoles qu’elle engendre, ce qu’on appelle ici l’artificialisation des sols, mais qui est aussi une source d’émissions supplémentaires de gaz à effet de serre, en allongeant les déplacements domicile-travail ou pour les achats, ou encore les boucles de logistique, ou bien du fait des infrastructures minérales qu’il faut construire.
L’étalement urbain a des causes économiques : le prix, la disponibilité du foncier pour se loger, le niveau des impôts locaux dans les villes-centres, mais aussi sociales avec la gentrification des centres-villes, la recherche d’aménités environnementales par les classes moyennes qui s’exilent dans les périphéries. Ces tendances lourdes le rendent difficilement maîtrisable avec les instruments ordinaires de l’action publique. Ça se traduit aussi par une injonction à redensifier la ville en urbanisant les dents creuses, en densifiant l’occupation des parcelles privées, conjuguée avec le refus de construire en hauteur, comme c’est le cas à Bordeaux Métropole, dans la plupart des communes.
3. Le risque d’îlot de chaleur
Cette redensification s’opère au détriment des anciens jardins et des espaces végétalisés.
Or, ces espaces jouent un rôle important pour réduire l’impact des canicules, tout en maintenant une certaine biodiversité en ville. En effet, l’un des impacts les plus directement sensibles du changement climatique est le phénomène des îlots de chaleur urbains, quand une vague de chaleur sévit plusieurs jours de suite. Les cartes thermiques colorisées publiées dans le rapport AcclimaTerra 2018 montrent que le phénomène n’épargne pas les petites villes, comme c’est le cas à Agen, en Lot-et-Garonne. Sur la carte ci-dessous, vous voyez par exemple qu’il y a un différentiel de dix degrés dans cette mesure effectuée en août 2016 entre les zones périphériques humides et le centre le plus minéral de la ville.
Dans ce contexte, les jardins précités font une réelle différence avec les surfaces minérales, mais un bois de pins maritimes au centre de Mérignac, après quelques jours de canicule, restitue autant de chaleur que le parking en béton du centre commercial voisin. C’est dire si le type de végétation et son taux d’humidité comptent énormément.
Or, la capacité des villes à maintenir une végétation humide, donc arrosée, sera directement subordonnée aux arbitrages futurs concernant l’usage de l’eau, dont la disponibilité est déjà problématique par endroits.
Il convient de noter que l’isolation thermique des bâtiments, enjeu de limitation de la consommation d’énergie pour le chauffage en hiver, est également un enjeu de climatisation naturelle en été. Certains logements neufs récents, dans ce qui est présenté comme des écoquartiers, n’ont été conçus que pour le confort d’hiver et se transforment en serre invivable en été. Le recours alors à la climatisation artificielle, source de consommation d’énergie accrue, est un échec évident d’adaptation.
4. Le risque de submersion et d’inondation
Un autre impact majeur du changement climatique dans beaucoup de villes construites au bord de côte ou d’estuaire, en France et à travers le monde, est lié à la montée du niveau des océans combinée à l’intensité croissante des événements météorologiques extrêmes. La concomitance des vagues de submersion marine et des inondations pluviales de l’amont suscitera des phénomènes fluvio-marins potentiellement destructeurs jusque très loin dans les terres.
En France, ils demeurent mal anticipés dans les plans de gestion des risques et des documents d’urbanisme. À Bordeaux, l’urbanisation des bords de Garonne encore en friche dans le projet Euratlantique ne prend pas suffisamment la mesure de ce phénomène à long terme. Aux Pays-Bas, au contraire, où il y a une culture de la submersion marine, un port comme Rotterdam a une stratégie sophistiquée pour lutter contre ce risque.
5. Le transport
Centrale dans la problématique des transports, la réduction programmée de l’usage de l’automobile en ville doit être un pilier des politiques d’atténuation, en œuvrant en même temps à la reconquête de l’espace public pour y faire autre chose que circuler et stationner des voitures toujours plus nombreuses. Il faut, en réalité, réserver l’automobile aux déplacements dans l’espace rural peu dense sur des distances moyennes.
Les actions publiques allant dans le sens de cette réduction de la place de l’automobile sont anciennes, mais peu efficaces. L’accroissement de l’offre de transports en commun n’entraîne pas de report modal massif. L’accroissement réel de l’usage du vélo n’a guère eu d’impact sur la circulation automobile.
Malgré l’urgence climatique connue, les initiatives pour réduire la place de l’automobile suscitent la polémique. Un peu partout en France, des projets de zones à faibles émissions, d’abord conçues pour lutter contre la pollution atmosphérique, suscitent des réactions disproportionnées, alors qu’à Bordeaux, seuls 8 % des véhicules seraient définitivement exclus de la ZFE.
Il y a donc un devoir de pédagogie politique mal assumé par les élus, comme en témoignent des projets de voies nouvelles sur les rocades ou le fantasme du grand contournement autoroutier à Bordeaux. Il ne sert à rien, semble-t-il, que toutes les études techniques aient prouvé qu’un tel équipement, coûteux et destructeur d’espaces naturels et agricoles, n’aurait pas d’impact significatif sur l’encombrement de la rocade bordelaise plusieurs heures par jour encombrement majoritairement imputable au trafic intra-agglomérations.
6. Gouvernance
Les politiques publiques à mettre en œuvre, en particulier dans les grandes villes, soulèvent des questions de gouvernance complexes. Une partie des compétences restent à la commune, d’autres sont mutualisées à l’échelle de la communauté d’agglomération, par exemple le PLUi, ou bien appartiennent aux Départements, pour les routes, pour l’essentiel, ou à la Région, pour la politique énergétique et l’aménagement du rail. Les enjeux d’aménagement et de transports en général dépassent l’échelle de l’agglomération ainsi que ceux de l’alimentation en eau ou la prévention des risques fluvio-marins qui se gèrent à l’échelle d’un estuaire.
Or, les collectivités de différentes échelles ne coopèrent pas facilement entre elles ni avec l’État, et les projets structurants, par exemple le RER métropolitain, se mettent en place à un rythme trop lent. Trop souvent, l’action publique locale se réfugie dans des projets symboliques, plantations d’arbres, ou des mesures fragmentaires, par exemple le nombre de kilomètres de pistes cyclables. À cet égard, le contenu des Plans climat-air-énergie territoriaux, PCAET, sont souvent décevants et devraient s’inscrire davantage dans une vision stratégique à plus long terme.
Contributeurs
Brun Eric
ancien Secrétaire général de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) et point focal France du GIEC
Ribera Teresa
LE TREUT Hervé
Szopa Sophie
directrice de recherche au CEA
Planton Serge
climatologue et membre de l'association Météo et Climat
Ribes Aurélien
chercheur à Météo France
Guilyardi Éric
Directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Douville Hervé
Chercheur, Centre national de la Recherche Météorologique
Larigauderie Anne
Secrétaire exécutive de l’IPBES
Pimont François
Ingénieur de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Durand Gaël
directeur de recherche au CNRS
Speich Sabrina
ENS - PSL
Beaugrand Grégory
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Slama Rémi
directeur de recherche à l’INSERM
Soussana Jean-François
directeur de recherche , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
de Perthuis Christian
professeur émérite , Université Paris-Dauphine
Le Cozannet Gonéri
chercheur au BRGM
Thiébault Stéphanie
directrice de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique
Laignel Benoît
Professeur , Université de Rouen Normandie
Schipper Lisa
professeure à l’université de Bonn (Allemagne)
Guivarch Céline
professeure , École des Ponts ParisTech
Compagnon Daniel
professeur à , Sciences Po Bordeaux
Ellies Marie-Pierre
professeure , Bordeaux Sciences Agro
George Emmanuelle
chercheuse , INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Duvat Virginie
professeure , Université de La Rochelle
Castelle Bruno
directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique