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L'Agroécologie

© INRA – Christophe Maître

UVED - Université Virtuelle Environnement et Développement durable
Description

Ce parcours thématique vise à vous apporter des éléments de compréhension de ce qu'est l'agroécologie.

Il est composé de petites vidéos faisant intervenir des chercheurs, issus d'horizons différents, travaillant dans le domaine.

Plusieurs thèmes sont abordés, à commencer par l'émergence de cette approche dans un contexte marqué par une agriculture industrielle omniprésente et porteuse de risques socio-écologiques. Les bases scientifiques de l'agroécologie sont ensuite posées, puis les conditions de réussite de cette transition sont évoquées, que ce soit sous l'angle du renforcement des capabilités, ou encore sous celui de la prise en compte des relations entre une agriculture de qualité et les autres Objectifs de Développement Durable.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Parcours de formation
Niveau
  • Bac
  • Bac+1
  • Bac+2
  • Bac+3
Thèmes
  • Alimentation
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
agroécologieingénierie agroécologiqueagricultureécosystèmesbiodiversité
  • L'ingénierie agroécologique
  • Les bioagresseurs
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Ce document est la transcription révisée et chapitrée d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.

Les bioagresseurs

Étienne HAINZELIN, Conseiller du Président Directeur Général, CIRAD

1. Contexte

Dans les parcelles cultivées, il y a une partie de la biodiversité qui va contre la production et qui détruit la production. Les agresseurs de la production agricole, qu'on appelle la biodiversité destructrice, est composée de parasites, de maladies virales, fongiques, bactériennes, de prédateurs, d’oiseaux, de rats, de chenilles, etc. Il y a aussi des compétiteurs comme les « mauvaises » herbes qui sont aussi une biodiversité végétale qui va diminuer les rendements des plantes cultivées. Toute cette diversité d’agresseurs pose un véritable problème aux agriculteurs. Et cela a toujours été le cas. C'est à l'origine de très grandes pertes. Les pertes potentielles peuvent être énormes puisque le total des pertes et des diminutions de production liées à quatre catégories d'agresseurs (champignons, bactériens, virus, ravageurs ou mauvaises herbes) peut monter jusqu'à 67 %.

2. Lutte par l’agrochimie

L'agriculture, depuis longtemps, s'est concentrée sur la façon de contrôler, sinon d'éliminer ces agresseurs. On ne pourra jamais éliminer complètement ce problème d'agresseurs qui limitent les rendements mais on a des moyens de lutte aujourd'hui qui permettent de fortement les réduire. Dans l'agriculture moderne, le moyen le plus évident est l'utilisation de pesticides, c'est-à-dire de biocides qui vont tuer tel ou tel agresseur. Aujourd'hui, les agricultures industrielles et souvent les agricultures de la révolution verte, c'est-à-dire les agricultures intensives, mono-espèces, fortement fertilisées et qui sont donc fortement visées par les agresseurs, utilisent des sommes énormes de pesticides que ce soit des herbicides, des fongicides, des insecticides. Le chiffre d’affaires mondial de l'agrochimie en général est de l'ordre de 40 milliards de dollars. C'est donc un énorme coût pour l'agriculture que l'élimination ou la diminution de ces parasites.

Le paradigme sur lequel est fondée la protection des cultures est un paradigme d'éradication. On a un agresseur qui est un facteur limitant, qui fait baisser le rendement. On utilise le biocide qui va permettre d'éliminer le maximum de ces agresseurs. En faisant cela, on oublie toute la richesse des services écosystémiques qui sont à l'œuvre dans la parcelle cultivée et autour de la parcelle cultivée.

Aujourd’hui, on est amené à réfléchir à d'autres modes de lutte parce qu'on se rend compte que l'usage extrême de ces pesticides apporte des effets négatifs considérables. On peut citer des problèmes sur la santé des producteurs et sur celle des consommateurs. On a une véritable inquiétude sur les usages de pesticides par les producteurs agricoles et en particulier dans les pays en voie de développement où les règles de sécurité d'usage ne sont pas complètement respectées, avec d'énormes problèmes de santé publique. Puis on a un problème sur les résidus que l'usage de ces pesticides entraîne sur les produits par rapport à la santé du consommateur et plus largement par rapport à la santé des écosystèmes. La toxicologie de ces pesticides dans le milieu environnant pose problème.

Depuis le prix Nobel attribué en physiologie à l'inventeur du DDT il y a à peu près 80 ans, on a fait un chemin considérable pour se rendre compte de la nécessité de limiter l’usage des pesticides. En France, aujourd'hui, le plan Ecophyto par exemple vise à diviser par deux l'usage de pesticides dans quelques années. Il est à l'œuvre mais pose un véritable problème de forme de contrôle de ces ravageurs et de ces maladies. Aussi, la recherche, les producteurs, et l’ensemble de la profession agricole recherche des nouveaux moyens pour contrôler ces parasites et ces maladies.

Un exemple tout à fait parlant de cette nouvelle façon de faire est l'usage de la biodiversité végétale présente sur la parcelle et autour de la parcelle. Dans le modèle de l'agrochimie, c'est-à-dire la défense de l'agriculture industrielle par rapport aux agresseurs par le biais des pesticides, vous avez une très grande efficacité spécifique, ce qui limite les bioagresseurs au moins le temps d'une campagne ou de quelques campagnes. C’est le cas jusqu'à ce que souvent, le bioagresseur contourne par une résistance ces pesticides. Vous avez au final un impact très clair sur la production puisque ça vous garantit des rendements assez élevés. Un exemple extrême est celui d’une culture de bananes aujourd'hui en Amérique centrale. Elle exige de 50 à 70 traitements par an, c'est-à-dire pratiquement un traitement par avion par semaine. Vous imaginez les problèmes que ça peut poser sur l'environnement et les consommateurs...

3. Changement de paradigme

Vous avez un certain nombre de moyens de lutte qui passent par la mobilisation d'une diversité végétale spécifique permettant de lutter contre les agresseurs. Il s'agit d'exemples qui montrent qu'on peut avoir un impact favorable sur la santé humaine et environnementale puisque d'une certaine façon on ne répand pas de poison dans l’environnement. Vous avez un impact qui peut se faire par le biais d'organismes bénéfiques, c'est-à-dire qui vont lutter contre les bioagresseurs : soit des parasitoïdes, soit des parasites, soit des ravageurs au deuxième degré. Vous pourrez en même temps avoir des effets bénéfiques sur la fertilité du sol et l'activité biologique du sol. Enfin, vous avez des effets qui sont quelquefois tout à fait spectaculaires sur l'économie et le gain de rendement par l’élimination des agresseurs.

Un exemple tout à fait intéressant de l'utilité de cette diversité végétale pour lutter contre un ravageur du maïs en Afrique a été mis au point par l’ICIPE, au Kenya. Cela s'appelle un système « push-pull ». « Push », ça veut dire pousser ou repousser, « pull » ça veut dire attirer. Vous avez une noctuelle qui attaque le maïs et qui fait des dégâts considérables, qui peut aller jusqu'à diminuer de 60 à 80 % le rendement en maïs. Cette noctuelle est un papillon qui pond des œufs sur le maïs et la chenille rentre dans l’épi et le ravage. La solution qui a été utilisée est un système qu'on appelle stimulo-répulsif. Cela veut dire qu’on plante autour de la parcelle de maïs une plante qui va être de service. Elle n'est pas là pour être récoltée mais elle va rendre le service d'attirer les femelles voulant pondre. Sa particularité est d'être toxique pour ces femelles. La femelle va être attirée pour pondre et les œufs ne vont pas se développer. C'est un sudden-grass qui va attraper, sous forme de plante piège, les femelles de noctuelles. Pour renforcer le système, on plante entre les maïs un Desmodium. C’est une plante qui repousse les femelles. C'est un exemple très simple, peu coûteux, très naturel d'une certaine façon, qui va permettre en même temps de repousser hors de la parcelle le parasite noctuelle et qui va l’attirer à l'extérieur de la parcelle pour l’éliminer. On peut combiner à ça d'autres avantages. Le Desmodium que l'on plante dans le maïs est une légumineuse qui va fixer l’azote de l'atmosphère et qui va engraisser le maïs en termes de fertilisation azotée et ce, de façon gratuite. On peut aussi aller plus loin puisque certaines espèces de ce Desmodium vont avoir un effet allélopathique sur les semences de Striga, une plante parasite du maïs. Elles vont tuer ces semences de Striga quand elles germent.

Cette famille de systèmes pour lutter contre la noctuelle a été depuis adapté dans de nombreux autres systèmes. Un système qui en même temps permet de repousser les parasites et de les attirer dans un endroit piège où ils vont être éliminés de façon naturelle a été développé par le CIRAD sur les cultures horticoles avec, quelquefois, une ou deux ou trois espèces de plantes de services semées pour réaliser cet effet-là. On se rend bien compte que cette façon de lutter contre les parasites est en même temps accessible aux petits producteurs et très peu coûteuse et évidemment sans effet négatif sur l'environnement. On se rend compte également que ça suppose non pas de réfléchir à une façon prescriptive d'éliminer le parasite avec un pesticide, à la manière d’un pharmacien ou d'un médecin qui pose un diagnostic et qui fait une ordonnance mais ça représente l'exigence de repenser le système de culture complètement.

On pourrait citer d'autres exemples de façon de lutter contre les bioagresseurs comme la lutte biologique, comme l'extraction de substances naturelles de certains produits pour faire des épandages ou même comme un certain nombre de plantes de service assainissantes. Un exemple remarquable sur le bananier est d'utiliser pour lutter contre le charançon et le nématode des plantes assainissantes qui couvrent le sol des bananeraies. Elles permettent d'éliminer les nématodes, ce qui permet de limiter fortement les populations de charançon, et ce qui permet de diviser par trois ou par quatre le nombre de traitements pesticides sur bananes (environ 15 - 20 traitements dans les Antilles Françaises).

Contributeurs

HAINZELIN Etienne

CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Bourg Dominique

philosophe et professeur , Université de Lausanne

COUVET Denis

Abbadie Luc

professeur émérite , Sorbonne Université

Thébault Élisa

Léger François

AgroParisTech

Lescourret Françoise

Parrot Laurent