En ligne depuis le 17/09/2018
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Description
Ce parcours thématique vise à vous apporter des éléments de compréhension de ce qu'est l'agroécologie.
Il est composé de petites vidéos faisant intervenir des chercheurs, issus d'horizons différents, travaillant dans le domaine.
Plusieurs thèmes sont abordés, à commencer par l'émergence de cette approche dans un contexte marqué par une agriculture industrielle omniprésente et porteuse de risques socio-écologiques. Les bases scientifiques de l'agroécologie sont ensuite posées, puis les conditions de réussite de cette transition sont évoquées, que ce soit sous l'angle du renforcement des capabilités, ou encore sous celui de la prise en compte des relations entre une agriculture de qualité et les autres Objectifs de Développement Durable.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Paternité
Nature pédagogique
- Parcours de formation
Niveau
- Bac
- Bac+1
- Bac+2
- Bac+3
Thèmes
- Alimentation
- Ecosystèmes et biodiversité
Types
- Parcours thématique
Keywords

Le paradigme de l'agriculture industrielle

Les risques

Penser l'agriculture de demain

Bases écologiques pour une agriculture durable

Introduction à l'agroécologie

L'ingénierie agroécologique

Agroécologie et capabilités
Ce document est la transcription révisée et chapitrée d’une vidéo du MOOC UVED « Biodiversité ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Le paradigme de l’agriculture industrielle et de la « révolution verte »
Étienne HAINZELIN, Conseiller du Président Directeur Général, CIRAD
1. Émergence
Depuis une centaine d'années, en particulier dans les pays riches, l'agriculture s'est intensifiée sur un modèle tout à fait particulier. La chimie et la physique étaient les sciences triomphantes de cette époque très positiviste et on s’est un peu débarrassé de l'aspect biologique qui était plus complexe à comprendre. L'agriculture s'est donc basée sur un ensemble de réactions chimiques dont on estimait pouvoir maîtriser les effets par la fertilisation et par la protection.
On a finalement voulu se débarrasser d'une biodiversité dont on ne comprenait pas très bien l'utilité dans l'espace cultivé. L'agriculture a progressivement évolué vers un espace où il y avait un génotype, une variété d'une espèce cultivée, synchrone, fournissant un tapis végétal extrêmement homogène, souvent travaillé sur le plan génétique pour des grandes productions et à qui on compensait l'ensemble des facteurs limitant : l'irrigation quand ça manquait d'eau ; la fertilisation pour augmenter la fertilité des sols. Tout ce qui n'était pas directement lié au couvert végétal cultivé était éradiqué : les bio agresseurs comme la biodiversité, utiles à la production.
2. Paradigme
Ce paradigme de l'agriculture industrielle a été l'étape ultime de la modernisation de l'agriculture dans les pays riches. Ça a également été la base de la révolution verte dans un certain nombre de pays du Sud en voie de développement en particulier en Asie du Sud-Est et en Inde. Là-bas c’était la même chose : des variétés sélectionnées « élites », extrêmement performantes en conditions non limitantes, des intrants permettant de compenser les facteurs limitants, fertilisants, eau, très souvent une éradication des agresseurs par des pesticides et puis dans un certain nombre de cas une certaine mécanisation, en particulier dans les pays du Nord.
Dans les pays riches, la transformation de l'agriculture a été énorme par rapport à ça, puisqu’en mécanisant, on a permis aux actifs de cultiver beaucoup plus d'espaces donc les exploitations agricoles sont devenues de plus en plus grandes. Aujourd'hui, dans une exploitation agricole avec un tracteur ou un équipement motorisé effectif, un actif peut cultiver 400 à 500 hectares sans problème alors qu'en culture manuelle à l'autre bout de la chaîne, le maximum en zone tropicale est de 1 à 1,5 hectare maximum par actif.
C'est une véritable révolution industrielle qu’a connu l'agriculture dans un certain nombre de pays du Nord et les pays de la révolution verte. Le résultat a été extraordinaire sur le plan du rendement. Ils ont été multipliés par 10, par 20, y compris dans les pays du Sud. Les pays de la révolution verte qui connaissaient des famines intenses ont tourné finalement le dos à cette famine. Cela a permis de nourrir ou au moins de fournir la quantité nécessaire pour les populations. L’Inde, qui était un pays qui connaissait de multiples famines, exporte aujourd'hui en termes de quantité des céréales même si elle n’arrive pas à nourrir toute sa population puisque la sécurité alimentaire ne dépend pas uniquement de ce qu'on produit mais de ce que les populations pauvres peuvent accéder par leurs moyens économiques.
3. Effets
Cette révolution industrielle de l'agriculture a radicalement transformé non seulement les paysages agraires mais également les relations entre les citadins et les ruraux, entre les agriculteurs et les autres couches de la société. En France, cette modélisation de l'agriculture a résulté en une suppression des haies, des bocages, en un remembrement généralisé pour permettre une mécanisation efficace, et aussi en une transformation profonde de l'élevage. L'élevage est devenu de plus en plus hors-sol, 7 millions d'hectares de fourrage ont disparu en France pendant cette époque-là et on a commencé à imaginer des solutions d'élevage basées sur le maïs, sur des protéagineux, souvent importés d'ailleurs, dans une intensification toujours plus grande des systèmes de production.
Cette façon d'intensifier l'agriculture a eu des effets très importants. Un des premiers effets, vient du fait qu’en introduisant des variétés « élite », basées sur des performances sans facteurs limitants, il fallait fournir tout le paquet technologique. L’introduction de ces variétés « élites » a remplacé une large diversité de variétés traditionnelles. On voit aujourd'hui que sur un grand nombre d'espèces, nous avons perdu irrémédiablement un très grand nombre de variétés traditionnelles. Le progrès génétique de l'agriculture industrielle dans les pays du Nord mais aussi dans les pays de la révolution verte s'est traduit par une très forte érosion, souvent irréversible, de la diversité que 500 générations de paysans nous avaient préparée avant.
4. Débat
L'autre effet de cette révolution est le fait qu’il y a eu un débat sur comment préserver la nature face à une agriculture de plus en plus intensive, avec de plus en plus d'impacts sur l'environnement. Ce débat s'est traduit par deux grands modèles. Le premier modèle est celui d'une agriculture très intensive, sans doute polluante. L’autre modèle est celui d’une nature préservée, mise sous cloche, qui permet de racheter ses « péchés » écologiques, si on peut dire. Cette espèce de rédemption des externalités négatives de l'agriculture industrielle s'est traduite par la protection d'un certain nombre d'aires naturelles qu'on connaît aujourd'hui.
Le débat s'est poursuivi et on parle maintenant beaucoup de l'opposition entre land sharing et land sparing. Land sharing est un espace qu'on partage entre l'agriculture et la nature, où on se rend compte que tous les effets de l'espace cultivé, toutes les actions sur l'espace cultivé ont un effet sur l'espace naturel. L'autre modèle serait un land sparing où on pourrait garder deux compartiments extrêmement cloisonnés : un espace productif agricole relativement polluant d'un côté et un espace naturel de rédemption préservé de l'autre côté.
Aujourd'hui, on est de plus en plus convaincus que cette compartimentalisation n'est pas possible. On est obligés de penser à un modèle d'agriculture qui permette de tenir compte de ces externalités négatives dans l'ensemble des écosystèmes qu'ils soient cultivés ou naturels.
Contributor
HAINZELIN Etienne
CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement
Bourg Dominique
philosophe et professeur , Université de Lausanne
COUVET Denis
Abbadie Luc
professeur émérite , Sorbonne Université
Thébault Élisa
Léger François
AgroParisTech