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Description

Dominique Bourg, professeur à l'université de Lausanne (Suisse), présente dans cette vidéo (10'06) trois niveaux d'exigence par rapport à la mise en œuvre d'une économie circulaire puis fait le lien entre cette économie circulaire et les 17 Objectifs de développement durable des Nations-Unies, adoptés en 2015.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+3
  • Bac+4
  • Bac+5
Thèmes
  • Économie circulaire
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
économie circulaire
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Contributeurs

Bourg Dominique

philosophe et professeur , Université de Lausanne

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Quelle économie circulaire ?
Dominique Bourg, Professeur, Université de Lausanne (Suisse)

Il en va de l'expression "économie circulaire" à peu près comme de toutes les autres expressions qui ont essayé de signifier l'écologisation de la société. Cette écologisation est relativement mal vue, donc la stratégie est souvent d'adopter un terme, de lui donner un sens relativement élastique. Par exemple, le développement durable, on oscille entre durabilité faible et durabilité forte.

On a aujourd'hui la même chose avec la transition. C'est assez classique et on va le retrouver avec l'économie circulaire. On va lui donner des acceptions relativement différentes. On va passer d'une certaine forme de mollesse à quelque chose de beaucoup plus exigeant. Ce que je vous propose, c'est d'établir une sorte de nomenclature. On va relever trois sens différents qui ne s'excluent nullement, en fait ils s'empilent. Le second sens intègre le premier et le troisième intègre les deux autres, il n'y a pas d'exclusive. Si on s'arrête au niveau un, c'est déjà une étape, elle sera nécessaire pour passer au niveau deux.

Le premier sens de l'expression "économie circulaire", c'est lorsque l'on s'arrête sur le plan des objets qu'on peut produire, sur le plan de la manière de les produire, du site de production. On va faire un certain nombre d'efforts. Vous en avez entendu un certain nombre. Mais si on s'arrête là et si ces produits, parce qu'ils utilisent moins d'énergie, peut-être moins de matière pour devenir moins cher, donc favoriser leur accès au marché, favoriser leur achat, on tombe sur ce qu'on appelle l'effet rebond. Une économie circulaire ne peut pas se mesurer à l'échelle d'une entreprise isolée ou à l'échelle d'un bien qu'on produit.

Une économie circulaire suppose qu'on prenne en considération l'ensemble des flux dans une société. Comme vous l'avez vu avec François Grosse, précédemment, vous savez et vous avez entendu qu'au-delà d'un certain taux de croissance pour la consommation d'une matière donnée, au-delà de 1 %, la part qu'on va recycler sera très petite une fois qu'on a réintroduit après un séjour plus ou moins long dans l'économie, par rapport à la part et au volume qu'on consomme alors. Si on excède un taux de croissance de 1 %, le recyclage ne permet que d'épargner une infime partie des ressources. Passer une économie authentiquement circulaire, c'est passer de ce niveau micro à un premier niveau macro. On va prendre en compte les flux dans l'ensemble d'une société et on va se dire qu'au-delà d'un certain seuil de croissance, d'un certain taux de croissance, on n'est pas dans une économie circulaire, en dépit de tous les efforts qu'on peut faire à l'échelle en dessous. Là, on reste dans l'économique authentiquement circulaire et on ne prend en compte que la consommation d'une ressource et le fait qu'on va pouvoir tourner sur une certaine forme de stock avec des extractions relativement faibles. C'est très important. C'est déjà un seuil énorme. Il faudrait déjà atteindre ce second niveau de l'économie authentiquement circulaire, mais on peut le coiffer d'un troisième plan, d'un troisième niveau.

Et là, on va parler d'économie permacirculaire. On ne va pas se contenter de regarder qu'effectivement, on extrait peu, on vit sur un stock. On va considérer les choses de façon plus large. On va réintégrer nos activités économiques à l'intérieur du système Terre et on va tenir compte des limites planétaires. Comme vous le savez, ce qui fait que nous les avons franchies pour quatre d'entre elles, c'est le volume de nos activités, et plus exactement le volume des flux de matière et d'énergie sous-jacents. Le problème, ce n'est pas simplement de tourner avec le même flux, c'est de redescendre les flux, de redescendre la démographie, d'être attentif à l'ensemble de nos interactions avec le système Terre. On parlera d'économie permacirculaire. Si on prend le sens de permacircularité dans toute son acception, il y a même des considérations plus larges, des considérations de dépassement, du dualisme homme nature, de réinsertion plus harmonieuse avec le vivant, on ne va pas le développer, mais on va retenir ce premier niveau pour l'économie permacirculaire. On est attentif aux flux et on doit redescendre vers une société sobre en consommation d'énergie vers une société sobre en consommation de matières. On doit redescendre les flux d'azote, les flux de phosphore, on doit tout redescendre. C'est une entreprise assez difficile qui exigera un temps relativement long, mais c'est ce qu'on appelle le plan de l'économie permacirculaire. Un des moyens de le faire, si on décroît nos flux, on va vivre sur un stock, mais ce n'est pas la seule chose à prendre en considération. Ce qui est vraiment intéressant, on l'a aussi dans une approche authentiquement circulaire, c'est qu'il faut substituer aux matières premières. On va extraire aujourd'hui des matières premières secondaires — tirées du recyclage —, mais on peut aussi substituer à beaucoup de matières premières extraites, des matières biosourcées issues des écosystèmes. L'ingénierie écologique a fait, ces dernières décennies, des progrès gigantesques. Il y a énormément de biens que l'on peut remplacer par des matériaux biosourcés qu'on va tirer des écosystèmes. Évidemment, il faut qu'ils soient cultivés d'une façon agroécologique pour ne pas perdre d'un côté ce qu'on gagne de l'autre, c'est un aspect très important déjà d'une économie authentiquement circulaire, mais plus encore d'une économie permacirculaire. Quelques mots, encore, sur la question d'une économie permacirculaire, on sort de l'idée qu'on peut comprendre l'économie toute seule, on sort de l'idée que c'est une strate de la société relativement indépendante des autres pour se donner un objectif d'une planète, vous imaginez bien que cela exige de repenser l'ensemble de la société, que cela exige d'envisager la façon d'établir ses objectifs de façon démocratique. Derrière, c'est vraiment une sorte de paradigme différent où on dépasse, qui a caractérisé la civilisation moderne, on le voit arriver vers la fin du seizième, début du dix-septième siècle, c'est l'idée d'avoir des êtres humains totalement indépendants des autres êtres naturels, qui n'ont aucun compte à rendre et qui peuvent faire leurs affaires en détruisant tout le reste. On sort de ce dualisme. C'est simplement pour vous montrer la perspective plus large de ce qu'on appelle une économie permacirculaire. Cela consiste à revoir l'ensemble du fonctionnement de la société pour que précisément l'économie puisse démocratiquement devenir permacirculaire.

Nous avons indirectement, au début, critiqué le développement durable. Cela dit, les fameux Objectifs du développement durable des Nations unies ont relancé cette notion. On va simplement pointer certaines critiques qu'on peut émettre à l'égard de ces ODD. Cela ne veut pas dire qu'il faut les jeter aux oubliettes, mais il faut quand même savoir que leur harmonie avec une économie authentiquement circulaire n'est pas du tout évidente. Est-ce qu'on peut atteindre les ODD avec un taux de croissance qui ne dépasserait pas, pour certaines matières, 1 % ? En tout cas, c'est une question qu'on peut se poser. Pour la permacircularité, la question se pose de façon encore plus vive. Première critique qu'on peut le faire à l'égard des ODD, c'est qu'on ne s'est pas soucié de leur harmonie mutuelle. Est-ce qu'ils sont tous compatibles les uns avec les autres ? Mais surtout ce sur quoi je voudrais attirer votre attention, c'est que les ODD ont été conçus indépendamment les uns des autres, mais surtout dépendamment de toute question de système Terre et de limites planétaires. C'est un défi énorme. Il est bien évident que le standard, le niveau de vie des quatre milliards d'individus les plus pauvres sur terre, est un niveau de vie absolument insatisfaisant et qu'il faut le remonter. C'est un défi de pouvoir le remonter tout en ne continuant pas à surfranchir les limites planétaires, en harmonie avec un objectif plus lointain d'économie circulaire. Vous vous en doutez bien, sans une économie permacirculaire, là où ceux qui consomment beaucoup ne consomment pas moins, la conciliation entre les deux est plus encore impossible.