En ligne depuis le 08/09/2014
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Description
Sabine Barles revient sur l'origine et l'ampleur des perturbations d'origine anthropique du cycle de l'azote. Elle expose les conséquences de cette ouverture du cycle biogéochimique de l'azote tant d'un point de vue écologique que sanitaire.
Domaines
- Aménagement du territoire & Urbanisme
- Economie circulaire
- Nature & Biodiversité
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+1
- Bac+2
Thèmes
- Finitude des ressources
- Les problématiques environnementales
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
Barles Sabine
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée d’une vidéo du MOOC UVED « Économie circulaire et innovation ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.
Perturbations du cycle de l’azote et impacts associés
Sabine BARLES,Professeure d’urbanisme-aménagement, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
L'analyse des flux de substance permet d'étudier la circulation d'éléments chimiques simples ou de molécules au sein des territoires étudiés. Ces substances que l'on va considérer sont des substances qui vont être porteuses d'enjeux, qu'ils soient environnementaux, sociaux, sanitaires ou économiques ou de tout autre nature. Il va s'agir à nouveau, en utilisant le principe de conservation de la masse « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », de décrire et d'analyser la circulation de l'élément à nouveau en masse. Afin de mieux illustrer la nature de la démarche et les enjeux qui y sont attachés, nous allons nous concentrer sur une substance particulière qui est l'azote.
1. L’azote dans la biosphère
L'azote est un élément chimique simple qui est omniprésent dans la biosphère. L’air en contient 80 % mais nous en consommons tous les jours puisque l'azote est contenu dans les protéines. L'azote est essentiel à la vie.
Ce que nous pouvons observer sur le graphique ci-dessus est la quantité d'azote réactif qui est mise en circulation chaque année dans la biosphère depuis la fin du XIXe siècle. Il faut d'abord préciser ce qu'est l'azote réactif. L'azote est dit réactif lorsqu'il entre dans la composition d'une molécule qui a un impact, qu'il soit positif ou négatif sur la biosphère. Cette notion d'azote réactif est introduite par opposition à l'azote non réactif qui compose l'atmosphère, les 80 % évoqués précédemment. D'ailleurs le mot azote signifie « sans vie ». L'azote de l'atmosphère est non réactif, et à partir du moment où il rentre dans la biosphère, il va entrer dans la composition de molécules réactives. Les deux droites qui sont présentes sur ce graphique nous donnent une indication des quantités d'azote qui sont naturellement mises en circulation dans la biosphère et donc qui permettent le fonctionnement de celle-ci et des écosystèmes. Les autres courbes nous donnent une indication de l'azote réactif d'origine anthropique qui circule lui aussi au sein de la biosphère. La courbe noire donne le total et nous voyons l'accroissement très important depuis les années 1950 de ces quantités, si bien qu’aujourd'hui les quantités d'azotes mises en circulation par les sociétés humaines au sein de la biosphère dépassent les quantités naturellement mises en circulation. Le cycle de l'azote est à plus de 50 % de nature anthropique.
2. Origine de l’azote anthropique
Plusieurs types d'activités sont à l'origine de cet azote d'origine anthropique. La plus importante est associée au procédé Haber-Bosch, du nom des auteurs de son brevet. Le procédé Haber-Bosch permet par utilisation directe de l'azote de l'air de produire de l'ammoniac. Cet ammoniac sert ensuite à fabriquer des engrais. Cela a permis la croissance phénoménale des rendements agricoles au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Ce procédé permet aussi la fabrication d'explosifs qui a grandement contribué aux différentes guerres du XXe siècle et d'ailleurs du XXIe siècle. À côté du procédé Haber-Bosch, on voit aussi l'importance de la culture de légumineuses, riz et canne à sucre qui vont augmenter la fixation bactérienne de l'azote telle qu'elle se produit naturellement dans les écosystèmes. Enfin, une troisième origine de l'azote réactif anthropique est la combustion des combustibles fossiles. Au total nous pouvons dire que le cycle de l'azote est un cycle biogéochimique ouvert, en ce sens que non seulement les quantités mises en circulation sont beaucoup plus importantes qu'elles ne le sont de façon naturelle et qu'elles occasionnent des effets de stocks donc de rupture du cycle au sein de la biosphère.
3. Impacts de l’ouverture du cycle de l’azote
Cette ouverture du cycle de l'azote engendre un grand nombre de dysfonctionnements au sein de la biosphère. On parle parfois des neuf plaies de l'azote du nom d'un projet de recherche européen qui s'appelait Nine donc comme neuf et comme Nitrogen in Europe. Ces neuf plaies de l'azote sont indiquées sur la figure ci-dessous.
Les 9 plaies de l’azote
A pour Aquatic pollution, pollution aquatique
C pour Coastal eutrophication, eutrophisation côtière
T pour Terrestrial eutrophication and biodiversity loss, eutrophisation terrestre et perte de biodiversité
A pour Acidification of soils and waters, acidification des sols et des eaux
S pour Stratospheric chemistry and ozone, chimie stratosphérique et ozone
Gr pour Greenhouse gas balance and warming, Gaz et effet de serre et changement climatique
O pour Ozone and plant damages, Ozone et dommages à la végétation
U pour Urban air quality and health, qualité de l’aire urbain et santé
P pour Particles and human health, particules et santé humaine
Nous pouvons citer rapidement la pollution aquatique, l'eutrophisation côtière, l'eutrophisation terrestre (l'eutrophisation correspond à la prolifération des algues dues à l'excès de nitrates dans les eaux, donc les nitrates sont composés essentiellement d'azote et d'oxygène mais c'est aussi la perte de biodiversité qui est liée à cette pollution aquatique et à cette eutrophisation), l'acidification des sols et des eaux, la transformation de la chimie stratosphérique et de la production d'ozone, les émissions de gaz à effet de serre et la contribution au changement climatique, les dommages aux écosystèmes et en particulier à la végétation, une transformation et une dégradation de la qualité de l’air urbain et les conséquences sur la santé humaine des émissions de particules. Ces neuf plaies de l'azote nous montrent toute l'importance qu'il y a à prendre en considération cette ouverture des cycles biogéochimiques si nous voulons améliorer le fonctionnement de nos sociétés.