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Description

Dans cette vidéo, Jean Schmittbuhl présente les deux grands principes d'exploitation de la géothermie haute température non conventionnelle. Il revient largement sur l'exemple de Soultz-Sous-Forêts (France).

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 7. Energie propre et d'un coût abordable
Types
  • Grain audiovisuel
Géothermies - Clip
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L'origine de la chaleur exploitée en géothermie
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Généralités sur la géothermie
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Les différents types de géothermie et leur maturité
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La géothermie très basse température
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Les pompes à chaleur géothermique
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La géothermie basse/moyenne énergie
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La géothermie haute température conventionnelle
La géothermie haute température conventionnelle
La géothermie haute température non conventionnelle aujourd'hui : le projet ECOGI
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Doit-on avoir peur de la géothermie haute température non conventionnelle ?
Doit-on avoir peur de la géothermie haute température non conventionnelle ?
Comment aller vers la maturité de la géothermie haute température non conventionnelle ?
Comment aller vers la maturité de la géothermie haute température non conventionnelle ?
Contributeurs

SCHMITTBUHL Jean

Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Énergies renouvelables ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

Les principes de la géothermie haute température non conventionnelle

Jean SCHMITTBUHL
Directeur de recherche – CNRS

Avec la géothermie haute énergie non conventionnelle, on s'intéresse à une ressource au-delà de 150 °C qui définit la géothermie haute température. Mais on est dans un cadre non conventionnel, c'est-à-dire qu'à priori on va chercher à modifier le milieu pour réussir à exploiter cette énergie. C'est souvent le cas quand on va très profond. L'objectif est de produire de l’électricité principalement et peut-être aussi un peu de chaleur. Dans le cadre de cette géothermie non conventionnelle, on a eu une évolution très singulière des concepts, des principes, en grande partie suite à l'expérience de Soultz-Sous-Forêts.

1. Historique du concept

Je voudrais revenir un peu sur l'historique de ce concept parce qu'il est majeur et qu’il a changé le paradigme sensiblement. On est partis d'une idée qu’on a appelé Hot Dry Rock (HDR) où le principe était finalement d‘essayer de transposer un peu la situation typique du bassin de Paris avec un milieu poreux naturel, dans lequel circule un fluide et on avait l'objectif d'exploiter ce fluide circulant. La prolongation de cette idée là a été de se dire que si le milieu poreux naturel n'existe pas naturellement, on va essayer de le reproduire, de l'introduire dans le milieu. Pour ça, il faut fracturer le milieu artificiellement pour créer cet espace poreux. L’idée était donc de créer cet aquifère en profondeur pour faire circuler un fluide artificiel, puisqu’il n'existait pas naturellement, puis pour extraire cette chaleur et ensuite produire de l'électricité. Avec l'histoire de Soultz-Sous-Forêts, on s’est aperçu qu’il y avait un fluide naturel important qui circulait. Il y avait un espace poreux de circulation avec un fluide naturel et, ce qui est très singulier dans le cas de Soultz-Sous-Forêts, ce fluide naturel était extrêmement salé. C'est un grand océan profond avec une eau qui peut être trois fois plus salée que l'eau de mer, donc une saumure profonde qui circule.

L’idée au départ qui était d’imaginer que la roche était sèche n’était pas du tout validée. C’était un premier point d'évolution sensible. La deuxième observation qui a fait évoluer le concept est que la circulation était importante. On a vu cela en regardant et en essayant de comprendre le profil de température qui est mesurée dans un puits de forage à Soultz-Sous-Forêts. Si on s'imagine être un petit capteur qui descend dans un puit de forage à Soultz-Sous-Forêts depuis la surface jusqu'au fond du puit à 5000 mètres, on va voir la température évoluer de façon non continue.

Elle évolue très rapidement sur le premier kilomètre dans la partie sédimentaire du système puis, quand on va vers la partie plus profonde, en dessous des sédiments, la température n'évolue pratiquement plus. Elle évolue dix fois moins, d’environ une dizaine de degrés par kilomètre, pour revenir à une évolution plus classique d'une trentaine de degrés par kilomètre. Pour expliquer cette anomalie de comportement, il faut penser à une circulation majeure sur plusieurs kilomètres de hauteur de grande boucle de convection. On voit bien que l'idée au départ d'un système sec où il fallait créer complètement le milieu poreux pour arriver à une circulation n'était pas du tout pertinente et ce nouveau concept, on lui a donné un autre nom, qui s’appelle cette fois-ci EGS (ou Enhanced Geothermal System). L'idée de fond est assez simple : il existe beaucoup de choses naturellement et il faut les utiliser. Il existe d'une part un milieu où circule le fluide, c'est l'ensemble des grandes failles préexistantes. D’autre part, il y a une circulation naturelle qu'il faut aller exploiter. Dans le nouveau concept, on ne va pas du tout chercher à créer ce réservoir, on va utiliser les failles existantes. La grande spécificité est d’aller créer les forages qui vont sur ces failles préexistantes pour aller prélever le fluide naturel. L'autre point qui a fait évoluer les choses est le fait qu'on a introduit des tarifs de rachat de l'électricité, fixés, et qui permettent d'avoir une planification de la ressource financière sur de nombreuses années.

2. Fonctionnement

Le cœur de cet aspect non conventionnel, c’est de modifier le milieu. La principale technique pour le faire est ce qu’on appelle la stimulation hydraulique. Dans l'esprit, elle se différencie assez singulièrement de ce qu'on pourrait appeler la fracturation hydraulique où on cherche à créer la fracture avec une montée en pression hydraulique. Ici on cherche à réutiliser une faille existante avec une mise en pression ce qui en fait une différence.

Si on définit trois grands stades dans ce système-là, l'état initial est une fracture qui existe déjà (figure ci-dessus). On ne la crée pas, on cherche à faire rejouer une fracture existante. La deuxième étape est de mettre en pression pour arriver jusqu'à la chute de la pression effective sur la fracture. Ce cisaillement va générer un micro séisme au moment de son glissement. L’état final est la reprise de l'effort. Mais du fait de la dilatance de la fracture, du fait que quand elle se cisaille, elle est obligée de s'ouvrir pour pouvoir se cisailler du fait de la topographie assez compliquée de ses fractures. Elle est obligée de passer par-dessus les aspérités et elle va rester plus ouverte après qu'avant. C’est la stimulation que, dans un certain jargon, on appelle l’hydro-shear. C'est ce qui se passe dans le sous-sol. Pour cette technologie-là, il faut aussi une installation de surface avec une centrale qui permet la circulation à grande échelle. Dans cette centrale, il y a principalement deux grands systèmes. Il y a d'une part ce qui permet de réaliser la boucle géothermale, à savoir la pompe et le système de fermeture de la circulation géothermale. Il y a d’autre part un fluide spécifique qui vient prélever la chaleur qui est extraite de la boucle géothermale pour l'emmener vers une turbine qui va produire l'électricité. C'est la boucle secondaire typiquement ORC (figure ci-dessous).

Si on fait la différence entre ces deux flux, on peut l’estimer à partir du débit (D), de la densité du fluide (ρ), de la capacité calorifique de ce fluide et de la différence de température entre l'entrée (Te) et la sortie (Ts).

Si on applique les paramètres qui sont en gros utilisés à Soultz-Sous-Forêts, on voit que le bilan est de l’ordre de 9,5 MW thermiques avec une capacité calorifique de 4200 J par kilogramme par kelvin, une densité d’environ 2000 kg par mètre cube et un débit de 25 litres par seconde, pour une température d'entrée de 160°C et une température de sortie de 70°C. Ce sont les chiffres qui sont vraiment typiques de cette technologie et que l'on peut garder en tête. Tout cela, c'est pour une certaine pression, une pression de production donc de pompage de l'ordre de 20 bars et une pression de réinjection qui peut être de l'ordre de 50 bars. Avec ces chiffres-là, on arrivera à une production thermique de 9,5 MW thermiques, ce qui donnera avec le rendement de l'ordre de 10 % typiquement, une production électrique de l'ordre du mégawatt. On voit donc que Soultz reste une centrale à production modérée mais on a tous les chiffres pour à peu près estimer la production d'un tel système.