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Description

Franck Courchamp, directeur de recherche au CNRS, illustre dans cette vidéo (9'23) la diversité des espèces exotiques envahissantes et met en évidence les grandes raisons pour lesquelles il faut s'en préoccuper. Puis il discute de l'évolution attendue de ce problème et montre les solutions aujourd'hui disponibles pour le contenir. 

Objectifs d'apprentissage :

- Expliquer ce qu’est une invasion biologique et illustrer la diversité des espèces exotiques envahissantes
- Expliquer pourquoi les invasions biologiques sont problématiques et identifier les grands types d'impacts associés
- Expliquer l'évolution attendue, pour les prochaines décennies, des invasions biologiques ainsi que les solutions possibles

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Cours
Objectifs de Développement Durable
  • 14. Vie aquatique
  • 15. Vie terrestre
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
invasions biologiquesécosystèmesbiodiversitéespèces exotiques envahissantesimpacts environnementauximpacts écologiquestransportscommerce
Partie 1. Définition et processus des invasions biologiques
Partie 1. Définition et processus des invasions biologiques
Partie 2. Impacts des invasions biologiques
Partie 2. Impacts des invasions biologiques
Partie 3. Prévention et gestion des invasions biologiques
Partie 3. Prévention et gestion des invasions biologiques
Partie 4. Exemples d'invasions biologiques
Partie 4. Exemples d'invasions biologiques
Partie 5. Etat des connaissances et perception des invasions biologiques
Partie 5. Etat des connaissances et perception des invasions biologiques
Invasions biologiques : de la prise de conscience à l'action collective
Invasions biologiques : de la prise de conscience à l'action collective
Contributeurs

Courchamp Franck

directeur de recherche , CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

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Ce document est la transcription révisée, chapitrée et illustrée d’une vidéo de la collection UVED « Les invasions biologiques ». Ce n’est pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots et l'articulation des idées sont propres aux interventions orales des auteurs.

Les invasions biologiques : une menace pour les écosystèmes et pour nos sociétés

Franck Courchamp, CNRS  

Vous avez tous entendu parler de déforestation, de pollution, de changement climatique, mais les invasions biologiques sont souvent la cause globale la moins connue et donc la moins gérée par nos sociétés. Pourtant, elles sont autant, voire plus problématiques !

1. Définition des invasions biologiques

On parle d’invasions biologiques lorsque des espèces sont transportées par les activités humaines dans des régions d’où elles ne sont pas natives, où elles s’implantent et posent des problèmes. On appelle ces espèces des espèces exotiques envahissantes. Ces espèces exotiques envahissantes sont des plantes, des animaux ou des micro-organismes, qui vivent dans des habitats terrestres, d’eau douce ou marins. Elles viennent de tous les coins du monde et envahissent absolument tous les pays.

Il y a des milliers d’espèces exotiques envahissantes dans le monde. En France, vous avez certainement entendu parler du frelon asiatique, du moustique-tigre, de la renouée du Japon ou la tortue de Floride. Il y en a évidemment beaucoup d’autres, dans votre région même, et dont vous n’avez probablement jamais entendu parler.

Ces espèces sont tellement nombreuses, qu’il y en a pour tous les goûts. Il y a par exemple, l’écureuil gris, le rat noir, le crabe vert et le crabe bleu, le quinquina rouge, la mouche blanche du tabac, le serpent arboricole brun, la fourmi folle jaune, l’ampullaire brune... Pour prendre un autre registre, parmi les espèces exotiques envahissantes les plus connues, il y a aussi … l’escargot géant africain, le longicorne asiatique, le crabe chinois, l'étoile de mer japonaise, l’herbe du Laos, la spartine Anglaise, le tamarix de Russie, le tulipier du Gabon, la mangouste de Java, le poivrier du Brésil, la fourmi d'Argentine…etc.

Évidemment, il existe également dans d’autres régions du monde des invasions par des espèces venant de nos pays.

2. Pourquoi certaines espèces introduites deviennent-elles invasives ?

Le problème des espèces exotiques envahissantes est que lorsqu’elles sont introduites dans de nouveaux écosystèmes, si elles parviennent à s’établir, c’est qu’elles rencontrent des conditions favorables, climatiquement par exemple, mais aussi parce qu’elles n’ont souvent pas d’ennemis naturels, comme des prédateurs, des compétiteurs, des parasites, ou bien même des herbivores pour les plantes, car ces ennemis naturels n’ont souvent pas été introduits avec elles.

Les espèces locales, elles, ne sont souvent pas adaptées à ces nouvelles plantes compétitrices, ou bien à ces nouveaux herbivores, ou à ces nouveaux prédateurs, et n’offrent donc souvent aucune résistance, physiologique, comportementale ou dynamique à ces envahisseurs. Beaucoup de ressources sans défense, pas d’ennemis naturels, on a là les conditions idéales pour que ces espèces exotiques envahissent rapidement l’écosystème. Et cela se passe évidemment rarement sans effet sur ces écosystèmes...

3. Pourquoi les invasions biologiques sont-elles un problème ?

Officiellement, on dénombre en 2023 plus de 37 000 espèces exotiques au niveau mondial, dont au moins 3500 sont qualifiées d’envahissantes. Une fois l’espèce exotique envahissante implantée et qui se répand, sa population peut prendre des proportions très importantes.

Une étude récente montre par exemple qu’en Australie, si l’on compare la biomasse c’est-à-dire la masse combinée de tous les individus, des grands herbivores introduits (chèvres, ânes, chevaux, cerfs, dromadaires, etc.), à celle des grands herbivores natifs, les kangourous, alors la biomasse des herbivores introduits est deux à trois fois plus importantes que celles des herbivores natifs ! On imagine bien l’impact que cela peut avoir sur les écosystèmes envahis, et sur les espèces locales.

Et c’est bien cela le problème avec les invasions biologiques, c’est qu’elles créent des impacts très importants sur les écosystèmes qu’elles envahissent. Comme nous avons à faire à des espèces très différentes, des microorganismes aux grands animaux, des plantes aux insectes, et à des systèmes envahis également très différents, des océans aux lacs et rivières, aux forêts, prairies, marais, etc, les types d’impacts peuvent également être très différents.

On fait face à des extinctions d’espèces locales, mais également à la destruction d’habitats, à des pertes de fonctions ou de services des écosystèmes, comme la pollinisation ou la dispersion des graines ou le recyclage des nutriments, à des changements de nature des sols ou de la qualité des eaux, à l’augmentations de la sévérité ou de la fréquence des feux, etc. Des types d’impacts très différents, difficilement comparables et parfois même difficilement quantifiables voir simplement démontrables.

A cela s’ajoute pour certaines invasions des coûts socio-économiques, qui peuvent être très divers également, comme les pertes agricoles causées par la pyrale du maïs ou les dégâts sur les infrastructures par les termites de Formose ou les moules zébrées, ou bien les coûts de santé causés par les allergies aux plantes ou par les virus transmis par des moustiques envahissants.

En termes quantitatifs, ces pertes économiques sont du même ordre de grandeur que celles causées par les catastrophes naturelles.

4. Les solutions aux invasions biologiques

Face à ces invasions et leurs impacts, de nombreux programmes de gestion existent actuellement dans le monde, pour prévenir l’arrivée de l’écrevisse de Louisiane ou de la noctuelle américaine des cultures, pour limiter l’expansion de l’ambroisie ou du frelon asiatique au-delà des aires déjà envahies, ou pour éliminer de certaines îles fragiles les chèvres envahissantes ou le miconia (le cancer vert) une plante envahissante qui menace la biodiversité dans de nombreuses îles du Pacifique.

Les programmes de biosécurité, c’est-à-dire qui visent à empêcher les introductions à la source (par exemple par des quarantaines de certains containers ou des inspections de cargaisons à risque), sont à la fois les plus efficaces et les moins coûteux.

Une étude récente montre très bien ce « coût de l’inaction ». Un modèle mathématique qui lie écologie et économie, et appliqué aux données de l’invasion de moustiques, montre que chaque année passée à retarder le programme de contrôle d’une espèce exotique envahissante peut augmenter le coût de ce programme de plusieurs dizaines de million d’euros.

Cependant, ces programmes de prévention, ou même ceux de gestion une fois les invasions établies, ne sont pas assez nombreux, et les invasions continuent à augmenter dans toutes les régions du monde.

5. Quel futur pour les invasions biologiques ?

Mais pourquoi ce nombre d’invasion biologiques augmente-il partout dans le monde ?

D’une part, le nombre d’introduction d’espèces exotiques dans de nouvelles régions est lié au transport de marchandises et de personnes entre ces régions, et on sait déjà que le commerce international global augmente fortement et n’est pas prédit d’arrêter d’augmenter dans les décennies qui viennent. Le nombre d’introductions va donc augmenter.

D’autre part, la proportion de ces introductions qui va résulter en un établissement de l’espèce, avec propagation va dépendre directement des conditions locales, adéquates ou non pour l’espèce, et en premier lieu, les conditions climatiques. Or, on sait là aussi qu’avec le changement climatique, les régions qui sont propices à l’établissement des espèces exotiques augmentent. Simplement, avec des hivers plus doux, nombre d’espèces qui historiquement ne pouvait pas s’établir dans nos contrées, peuvent maintenant survivre cette période difficile et se maintenir durablement, puis se propager, de plus en plus loin. Donc on sait qu’en plus de l’augmentation du nombre d’introduction, on fait face à une augmentation du nombre d’espèces introduites qui parviennent à se maintenir et se répandre dans des aires plus grandes.

Et les modèles actuels montrent en effet que l’augmentation exponentielle du nombre d’invasions biologiques que l’on a observé ces dernières décennies sur l’ensemble des continents va se maintenir dans le futur, avec une augmentation en constante accélération. 

6. Conclusion

Sommes-nous en train de perdre la partie contre les invasions biologiques ? Nous savons de mieux en mieux comment les prévenir, les empêcher, les limiter ou les éliminer et il est donc possible de rester optimiste, pourvu que les différents acteurs de la société prennent pleinement conscience des enjeux. Voici pourquoi vous devriez vous intéresser aux invasions biologiques, en tant que scientifiques, gestionnaire de la biodiversité, responsable de collectivité, ou en tant que simple citoyen.