En ligne depuis le 23/10/2023
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Description
Aurélien Ribes, chercheur à Météo France, discute dans cette vidéo de l’attribution du réchauffement climatique. Il montre quels sont les facteurs responsables de l’évolution récente des températures moyennes planétaire et française. Puis il explique, sur la base d’un modèle et d’un exemple, comment se font les études d’attribution pour un évènement extrême particulier comme une vague de chaleur.
Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre ce que sont les études d’attribution du changement climatique
- Connaître les facteurs impliqués dans l’évolution récente de la température moyenne planétaire
- Faire une étude d’attribution du changement climatique pour un évènement extrême en particulier
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Partage des conditions à l'identique
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Objectifs de Développement Durable
- 13. Lutte contre le changement climatique
Types
- Grain audiovisuel
Mots-clés
Contributeurs
Ribes Aurélien
chercheur à Météo France
L’attribution du changement climatique
Aurélien RIBES, Chercheur à Météo France
1. Définition
L'attribution du changement climatique est la science qui consiste à évaluer différentescauses du changement climatique, parmi lesquelles on distingue trois grands types de facteurs.
Il y a d’abord tout ce qui est lié à l'influence humaine sur le climat : les émissions de gaz à effet de serre, les émissions d'aérosols, des particules qui tendent à refroidir le
climat, et d'autres perturbations liées aux activités humaines. Il y a ensuite les facteurs naturels qui perturbent l'état du système climatique, parmi lesquels les grandes éruptions volcaniques, les variations de l'activité solaire et, si on regarde sur des périodes de temps plus longues, les variations de l'orbite de la Terre. Il y a enfin la variabilité naturelle interne du climat qui correspond aux fluctuations météorologiques qu'on peut observer du jour au lendemain dans un lieu, mais également en moyenne annuelle planétaire, et qui vont moduler un petit peu la température de la planète.
2. La température moyenne planétaire
La variable la plus scrutée du point de vue de l'attribution est la température moyenne planétaire. Il s’agit de la température moyenne de l'air à proximité de la surface, moyennée sur l'ensemble de la planète.
Sur cette figure, la première barre indique le réchauffement mesuré de températures moyennes planétaires entre la dernière décennie, 2010-2019, et la période de référence préindustrielle, 1850-1900. Cette barre indique un réchauffement de 1,1°C entre ces deux périodes, à comparer à l'estimation du résultat de l'influence humaine au cours de la même période de temps, qui est la première barre en rouge et qui indique également un réchauffement d'à peu près 1,1°C. Cela signifie que la quasi-totalité du réchauffement observé depuis la période préindustrielle est attribuable à l'influence humaine sur le climat.
Au sein de cette influence humaine, on distingue généralement deux grands types de facteurs. Il y a d'une part l'augmentation de l'effet de serre par les émissions de gaz à effet de serre (la deuxième barre rouge sur la figure), avec un réchauffement induit par ces émissions estimé à 1,5°C et une incertitude de 0,5°C. Il y a d’autre part l'ensemble des autres perturbations humaines sur le climat, parmi lesquelles l'effet des aérosols qui est un refroidissement net d'à peu près 0,4°C. Si on additionne ces deux termes, on retrouve 1,1°C de réchauffement induit par les activités humaines.
À côté de ce terme lié aux activités humaines, on retrouve l'effet de la variabilité naturelle lié aux volcans et aux variations d'activité solaire qui est faible, proche de zéro, sur cette période de temps, et l'effet de la variabilité interne également faible sur cette période.
On a, sur le panel le plus à droite de la figure, le détail des contributions de différentes espèces chimiques, parmi lesquelles divers gaz à effet de serre (le CO₂, le méthane et d'autres), et différentes espèces chimiques qui contribuent au terme des autres facteurs humains de perturbation du climat.
3. Autres variables suivies
Au-delà du résultat sur la température moyenne planétaire, on dispose désormais de différentes variables qui attestent du réchauffement en cours et qui concernent tout le système climatique : l'atmosphère, l'océan, la cryosphère, la glace, et les surfaces continentales.
Dans l'atmosphère, outre la température à proximité de la surface, on peut parler de températures en altitude et du contenu en vapeur d'eau de l'atmosphère qui augmente et qui est un témoin du réchauffement de cette atmosphère. Dans l'océan, on peut citer, parmi les variables les plus importantes, l'augmentation du niveau moyen des océans et l'augmentation du contenu de chaleur intégré sur la profondeur de l'océan. Pour la cryosphère, on peut citer la diminution de la surface de banquise, notamment dans l'Arctique, la diminution des surfaces enneigées dans l'hémisphère Nord en hiver, et la diminution des glaciers de montagne et des calottes polaires. Pour les surfaces continentales, on peut citer, par exemple, un allongement de la saison de croissance des végétaux et des modifications dans le régime des précipitations.
On dispose ainsi d'une vision générale d'un changement climatique lié aux activités humaines qui est désormais sans équivoque et qui concerne toutes les composantes du système climatique.
4. La température moyenne planétaire
En ce qui concerne plus spécifiquement la France métropolitaine, nous avons, avec des collègues du CNRM, publié l'année dernière, en 2022, une étude qui fait le point sur les changements passés et futurs, en termes de réchauffement et également en termes d'attribution.
Le premier résultat est représenté dans cette figure avec, en noir, les données de températures moyennes annuelles en France métropolitaine depuis 1899 jusqu'en 2020, telles que mesurées par Météo France, avec ici une référence qui est la période 1900-1930. Puis en rouge, nous avons une estimation du changement climatique lié à l'ensemble des causes envisagées, humaines et naturelles, au cours de la même période de temps, et qui indique un réchauffement d'à peu près 1,7°C en 2020 par rapport au début du XX e siècle.
Si on cherche à faire une étude d'attribution sur ce réchauffement passé, on obtient les résultats indiqués sur cette nouvelle figure. La quasi-totalité de ce réchauffement, comme à l'échelle planétaire, est liée aux activités humaines, avec une contribution très faible, quelques centièmes de degré seulement, des forçages naturels. Puis, de nouveau, on peut faire une distinction entre l'effet des gaz à effet de serre, proche de 2°C de réchauffement sur cette période de temps, et l'effet des aérosols, qui est un refroidissement d’à peu près 0,3°C sur la période.
Maintenant, si on s'intéresse au rythme du réchauffement sur la dernière décennie, autrement dit la période 2010-2019, on a, cette fois-ci, de nouveau, une influence humaine qui explique l'intégralité du rythme du réchauffement, rapide, à peu près 0,36°C par décennie. Il est à la fois lié à l'augmentation des gaz à effet de serre, qui induit un réchauffement, et à la diminution des concentrations en aérosols dans cette région de la France et de l'Europe de l'Ouest, qui induit aussi un réchauffement et qui accroît le réchauffement en cours lié aux gaz à effet de serre.
5. Evolution des évènements extrêmes
Au-delà des changements de climat moyens, les études d'attribution se sont aussi intéressées à l'évolution des événements extrêmes.
Dans la partie haute de cette figure, on a une version simplifiée de la carte du monde avec différentes sous-régions, qui montre les régions dans lesquelles les vagues de chaleur ont augmenté de façon significative en lien avec l'influence humaine sur le climat. On peut voir que dans la plupart des régions, on a déjà une augmentation claire des extrêmes chauds attribuables à l'influence humaine. Dans les cartes qui sont plus bas, on a, au milieu, l'effet de l'influence humaine sur les précipitations extrêmes.
Toutes les régions en vert sont celles sur lesquelles on observe déjà une intensification des précipitations extrêmes en lien avec l'influence humaine sur le climat. Dans la carte du bas, on voit l'effet de l'influence humaine sur les sécheresses agricoles et écologiques, celles qui concernent un déficit d'eau dans le sol. De nouveau, certaines régions montrent déjà des signaux très clairs d'intensification de ces sécheresses que l'on sait relier à l'influence humaine sur le climat.
Pour la région WCE, "Western and Central Europe", qui concerne la France métropolitaine, on a à la fois des changements de canicule, de fortes précipitations et de sécheresse des sols d'ores et déjà attribuables à l'influence humaine sur le climat.
6. Survenue d’un évènement extrême en particulier
Une question plus récente concerne l'influence du changement climatique et des activités humaines sur la survenue d'un événement extrême particulier : une canicule, un épisode de fortes précipitations. On se demande alors si la perturbation anthropique du climat peut être invoquée comme une cause de la survenue de cet événement particulier. C'est une question difficile, car le changement climatique n'est jamais la cause unique de la survenue d'un événement particulier. On s'intéresse donc plutôt en général à décrire de quelle façon la perturbation humaine du climat a pu modifier les caractéristiques de l'événement observé : sa probabilité d'occurrence ou son intensité.
Pour décrire et illustrer la façon dont on fait ce type de calculs, on a sur cette figure deux distributions représentatives d'une distribution de températures, par exemple, dans le monde actuel, dit monde factuel, qui a vu l'influence humaine sur le climat, en rouge, et dans un monde contrefactuel qui n'aurait pas vu de perturbation anthropique du climat, en bleu. Quand un événement météorologique survient, la première question qu'on peut se poser, ici avec une valeur matérialisée par la ligne en pointillés, est : "Quelle est sa probabilité d'occurrence dans le climat actuel ?", notée ici P1, représentée par la région en orange.
On peut comparer cette probabilité d'occurrence à la probabilité du même événement, même intensité, dans un monde contrefactuel qui n'a pas vu l'influence humaine, notée ici P0, en bleu, et comparer ces deux nombres en calculant par exemple un ratio, P1 sur P0, qui indique dans quelles proportions la probabilité a augmenté du fait des activités humaines et de l'influence humaine sur le climat.
Un autre point de vue concerne le changement en intensité. Si on utilise le même graphique, on peut noter I1, l'intensité de l'événement observé dans le climat actuel et se demander quelle aurait été l'intensité d'un événement de même probabilité d'occurrence P1 dans un climat sans perturbation humaine.
Cette intensité est notée I0 et on caractérise généralement la différence entre I1 et I0 comme l'effet des activités humaines sur l'intensité de cet événement.
On peut étendre ce type de diagnostic, changement de probabilité d'occurrence ou d'intensité, au climat futur. Il s'agit alors de comparer à une troisième distribution, ici en rouge foncé, représentative du climat attendu dans le futur sous une influence humaine renforcée.
7. Exemple de la canicule de 2019 en France
En guise d'illustration d'une étude d'attribution d'un événement particulier, on va s'intéresser à la canicule de juillet 2019 en France. Cet épisode a vu de nombreux records de températures maximales battus avec un remarquable 42,6°C à Paris, ce qui était inédit. On va définir cette canicule comme une température moyenne sur trois jours qui dépasse 28,7°C en moyenne pour toute la France métropolitaine.
Le graphique indique à droite la façon dont la probabilité d'occurrence d'un tel épisode chaud évolue avec le temps entre le XIX e siècle et 2100, en rouge, sous l'effet de l'influence humaine, à la fois les perturbations historiques liées aux activités humaines et puis dans un scénario RCP8.5 qui est un scénario de fortes émissions de gaz à effet de serre.
On obtient, en faisant ce calcul pour 2019, une probabilité relativement petite d'avoir un épisode aussi chaud que cette canicule-là, estimée à 1 chance sur 40. Néanmoins, cette probabilité est déjà beaucoup plus grande que celle d'un même événement sans influence humaine qui est estimée être 600 fois plus faible, et, si on tient compte des incertitudes, au moins 20 fois plus faible. Sans influence humaine sur le climat, un tel épisode chaud était peut-être impossible, tout simplement. Si on raisonne cette fois-ci en termes d'intensité, le calcul indique que les activités humaines ont rajouté 2,1°C de réchauffement additionnel sur un épisode de ce type.
Enfin, un dernier constat concerne le rythme auquel la probabilité de ce type d'épisode augmente. Entre 2015, année de la signature des Accords de Paris, et 2021, c'est une multiplication par presque deux de la probabilité d'occurrence d'un tel épisode chaud.
Cette étude sur la canicule de juillet 2019 en France est une illustration, mais on dispose désormais d'un large spectre d'études d'attribution d'événements spécifiques
parmi lesquels des fortes précipitations, des tempêtes, des cyclones, des sécheresses et encore d'autres événements extrêmes.