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Description

Jean-Yves Dubuisson, professeur à Sorbonne Université, s’intéresse dans cette vidéo (10'50) aux épiphytes des arbres en région tempérée. Il en montre la diversité, analyse leur stratégies d’adaptation, puis souligne leur intérêt sur un plan écologique.

Objectifs d'apprentissage :
- Comprendre ce que sont les organismes épiphytes des arbres
- Appréhender la diversité des organismes épiphytes en milieu tempéré
- Comprendre les stratégies d’adaptation et les rôles écologiques des organismes épiphytes
 

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
Mentions Licence
  • Sciences de la vie
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
Objectifs de Développement Durable
  • 15. Vie terrestre
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Grain audiovisuel
Mots-clés
arbresforêtsadaptation des espèces
La symbiose mycorhizienne, une alliance entre les arbres et les champignons
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Les symbioses aériennes des arbres
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Les maladies des arbres
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Le recyclage des feuilles des arbres
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La dégradation du bois mort par les champignons
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L’arbre et la compétition
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Les disperseurs des arbres
Les disperseurs des arbres
Contributeurs

Dubuisson Jean-Yves

professeur , Sorbonne Université

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L’arbre, support de vie
Jean-Yves DUBUISSON, Professeur à Sorbonne Université

Si je vous demande de me citer des organismes végétaux que l'on peut trouver dans une forêt, vous allez me citer très vraisemblablement les arbres, éventuellement les herbes et les ligneux du sous-bois, mais vous allez oublier des organismes pourtant très importants sur lesquels je vais faire un focus. Ces organismes bien présents sont les végétaux qui vont pousser sur les arbres eux-mêmes comme le lierre, les mousses et les hépatiques, ou la fougère polypode. Nous allons décrire la diversité de ces organismes et explorer ensemble leurs stratégies.

1. Le lierre
Le lierre semble habiller le tronc de son feuillage. Mais il ne se développe pas complètement sur les arbres. En fait, il est enraciné dans le sol, comme l'indique la flèche jaune.
 
Le lierre est donc une liane qui s'enracine dans un sol dont elle va puiser l'eau et les minéraux. Elle va développer des tiges grimpantes qui vont utiliser l'arbre support pour la croissance verticale et accéder à la lumière. Le lierre, pour adhérer à l'écorce, va développer sur ses tiges des petites racines adhésives qui n'ont que cette fonction d'adhérant, vu que le système racinaire principal est celui qui enracine la liane dans le sol.
 
Le lierre peut vivre de nombreuses années et former des individus imposants, comme on peut le voir ici à droite avec un feuillage qui va recouvrir tout le tronc, et même accéder à la couronne de l'arbre.
 
On peut penser, c'est une croyance ancienne et répandue, que les vieux lierres vont à terme étouffer et tuer l'arbre hôte. Mais des études, dès le XIXe siècle, ont démontré que la présence du lierre n'avait pas d'impact négatif sur la croissance de l'arbre, voire pouvait même être bénéfique à celle-ci. En effet, il faut savoir que le lierre renouvelle le tiers de son feuillage à chaque printemps. Les feuilles du lierre qui tombent au pied de l'arbre vont vite se décomposer et enrichir, fertiliser le sol dont l'arbre va profiter. En quelque sorte, le lierre est le compagnon des arbres.

2. Les épiphytes
Les autres végétaux qui poussent sur les arbres, mais sans connexion avec le sol à l'inverse des lianes, sont appelés des épiphytes, d' "épi", "sur", "phyte", "plante". 
2.1. Le gui
Sur la photo de gauche, vous remarquez qu'il y a 2 types de feuillage dans l'arbre. L'encadré en bas à droite vous montre le feuillage attendu, ici de peuplier. L'encadré en haut à droite vous montre un autre feuillage qui est celui du gui, cette fameuse plante sous laquelle on est censés s'embrasser à la nouvelle année.
 
Si on fait un focus sur le tronc, on voit que les tiges du gui vont directement émerger du tronc. Le petit dessin à droite, qui est issu d'un ouvrage de botanique allemand du XIXe siècle, nous montre très précisément que la tige de gui va se connecter au tissu conducteur de l'arbre hôte.
 
On a même des axes coloniaux qui vont se développer dans le tissu de l'arbre hôte et générer des nouveaux axes aériens. Sur la photo de gauche, les diverses tiges de gui appartiennent donc vraisemblablement à un même individu. Le gui est un organisme chlorophyllien. Il va, par la photosynthèse, produire des sucres. Mais il va puiser l'eau et les minéraux dans l'arbre hôte. C'est donc un organisme parasite qui va affaiblir et épuiser son arbre hôte.

2.2. Le véritable épiphytisme
Le véritable épiphytisme définit des végétaux qui vont pousser sur d'autres plantes sans les parasiter et sans connexion avec le sol. À ce titre, l'eau disponible ne peut être que l'eau de pluie qui va donc couler sur les branches et les troncs. Comme l'écorce ne retient pas ou peu l'eau, c'est un milieu qui va être souvent très sec. On va donc observer chez les épiphytes des stratégies pour tolérer et résister à une certaine sécheresse.

2.3. Les lichens
Les organismes épiphytes les plus abondants et les plus diversifiés dans nos forêts sont les lichens corticoles. Ces lichens poussent sur les écorces. Comme on peut ici observer, il existe une certaine variabilité en association ou non avec les mousses.
 
Un lichen est une association symbiotique entre un champignon, qui va définir la morphologie (un thalle, une limbe plus ou moins aplatie et ramifiée) et un organisme chlorophyllien, soit des algues vertes unicellulaires, soit des cyanobactéries qui sont des bactéries photosynthétiques. L'organisme chlorophyllien va produire des sucres au champignon via la photosynthèse. En retour, le champignon va abriter et fournir l'eau et les minéraux à l'organisme chlorophyllien. Cette association réciproque efficace va permettre au lichen de coloniser de nombreux milieux, même extrêmes, et en particulier les substrats et les roches nues. On considère même que les lichens seraient les premiers organismes à avoir colonisé les terres émergées il y a plus de 500 millions d'années. Les lichens, tout au moins la partie fongique, est dite poïkilohydre. C'est-à-dire que l'organisme va ajuster le contenu en eau de ses cellules en fonction de la quantité en eau dans l'environnement. Ainsi, quand le milieu est sec, les cellules vont se déshydrater, sans mourir, et entrer en vie ralentie. En présence d'eau, ces cellules vont très rapidement se réhydrater et reprendre un métabolisme normal. On appelle ça la reviviscence. Les faibles exigences des lichens (eau, minéraux et lumière) et ses propriétés de reviviscence acquises sur les rochers où les lichens abondent, vont donner historiquement aux lichens des prédispositions à coloniser les écorces. Les lichens sont très sensibles à la pollution atmosphérique. Leur abondance et diversité dans les forêts sont des bons indicateurs de la santé des milieux forestiers.

 2.4. Les mousses et les hépatiques
Le deuxième groupe d'organismes qu'on trouve fréquemment en forêt sont les mousses et les hépatiques, des petites plantes non vascularisées dont on voit ici une bonne représentativité de la diversité.

L'abondance des mousses et des hépatiques dépend très fortement de la pluviométrie. Dans les forêts humides, on s'attend à trouver une grande diversité et une grande abondance de mousses et d'hépatiques épiphytes. La grande majorité des mousses et des hépatiques épiphytes sont également poïkilohydres. Elles sont donc capables de résister et de supporter des évènements de sécheresse. Comme les mousses, les hépatiques affectionnent les ambiances fraîches et humides. Selon une vieille croyance, la localisation des mousses sur les troncs indiquerait le Nord. Ce n'est pas toujours vrai. 

En fait, l'installation et développement des mousses et des hépatiques dépend de la circulation de l'eau sur les troncs. Or, cette circulation n'est pas homogène. Elle va dépendre de la déclivité, de l'inclinaison des troncs, mais également du relief des écorces. On a des circuits préférentiels et on pourra donc très bien trouver des mousses sur la face Sud des troncs.

2.5. Les polypodes
À l'inverse des forêts tropicales, on a dans les forêts tempérées, voire boréales peu d'épiphytes en dehors des lichens, des mousses et des hépatiques. On ne va trouver que rarement ou très occasionnellement des plantes vasculaires en épiphyte. Celle que l'on va trouver le plus fréquemment, mais très rarement, est la fougère polypode. La fougère polypode pousse normalement sur les rochers, un milieu qui ne retient pas l'eau. Mais si on regarde bien, les polypodes sont souvent associés au niveau des tiges, des rhizomes et des racines à des tapis de mousse qui vont maintenir un certain degré d'humidité. Quand on les trouve en épiphyte, ils sont également associés aux mousses. Donc, d'une certaine manière, plus votre forêt est moussue, plus vous avez de chances de trouver des polypodes épiphytes.

3. Epiphytes tropicaux et tempérés
Les polypodes tempérés font partie d'une famille, les Polypodiaceae, qui sont majoritairement tropicaux et épiphytes. D'une certaine manière, les espèces tempérées auraient hérité, historiquement, de prédispositions à coloniser les milieux épiphytes. Mais pourquoi n’y a-t-il pas plus d'épiphytes en milieux tempérés que dans les milieux tropicaux ? Il semblerait que ce soit le gel hivernal qui limite le développement de l'épiphytisme vasculaire sous nos latitudes. En zone tropicale, dans les climats très chauds et très humides, on a une très grosse diversité d'épiphytes, de mousses, de fougères, même de plantes à fleurs. Dans ces milieux, comme l'eau est abondante, ce n'est pas un facteur limitant. Ce sera plutôt la compétition pour la lumière qui va conditionner l'abondance et la diversité des stratégies.
 
4. Conclusion
Les organismes qui poussent en épiphyte sur les arbres des forêts tempérées ne sont pas des organismes rares. Les lichens, les mousses et les hépatiques peuvent être relativement abondants et très diversifiés. Ils contribuent à la diversité forestière et on peut s'interroger sur leur rôle. Ces organismes peuvent alimenter des réseaux trophiques. En particulier, si on regarde les lianes, le lierre produira par exemple des fleurs qui vont être pollinisées à l'automne, et donc attirer pas mal de pollinisateurs. Quant à divers lichens et diverses mousses, ils peuvent être consommés par des herbivores. Mais avant tout, comme on le voit sur cette image, l'association des épiphytes, ici des lichens et des mousses, constituera des microhabitats hors-sol. 
 
Ces micro-habitats vont pouvoir héberger des champignons non lichénisés, des bactéries, ou une microfaune très diversifiée, avec des nématodes, des mollusques, des microarthropodes, des acariens, des tardigrades, des pseudoscorpions, des collemboles, et divers insectes. On peut donc dire que la richesse d'une forêt ne se mesure pas aux arbres qui la composent, mais également qu'elle dépend de la richesse des épiphytes, et aussi des lianes. Une forêt en bonne santé est une forêt qui est riche de ces épiphytes. L'arbre est bien un support de vie.