En ligne depuis le 19/11/2015
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Description
Dans cette vidéo, Xavier Py explique ce qu'est le stockage thermique sous forme de chaleur sensible, technique utilisée depuis des milliers d'années par les sociétés humaines. Il apporte plusieurs exemples d'applications et discute des potentialités et des limites de cette méthode.
État
- Labellisé
Langues
- Français
Licence Creative Commons
- Pas d'utilisation commerciale
- Pas de modification
- Paternité
Nature pédagogique
- Cours
Niveau
- Bac+2
- Bac+3
Objectifs de Développement Durable
- 7. Energie propre et d'un coût abordable
Types
- Grain audiovisuel
Contributeurs
PY Xavier
Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED « Énergies renouvelables ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.
La chaleur sensible
Xavier PY
Professeur – Université de Perpignan Via Domitia
Le stockage de l'énergie thermique sous forme de chaleur sensible est certainement le mode de stockage d'énergie le plus simple et le plus ancien. Il est particulièrement utilisé au niveau des énergies renouvelables qui sont à la base sous forme thermique, soit la biomasse lors d'une combustion, soit le solaire une fois qu'on a converti le rayonnement solaire en chaleur.
1. Principe
Dans ce cas-là, on va stocker cette chaleur en chaleur sensible, c'est-à-dire en faisant varier la température d'une certaine masse de matériaux, une certaine quantité de matière sans qu'il y ait de changement de structure ou de réactions chimiques. Cela concerne essentiellement, pour les énergies renouvelables, la biomasse et le solaire. Le principe même de ce stockage est tel que la quantité d'énergie que l'on va stocker est directement proportionnelle à la quantité de matières utilisées, à la différence de température entre la phase de stockage et de déstockage ? Aussi, elle est directement proportionnelle à la capacité intrinsèque du système de la matière à stocker l'énergie, ce que l’on appelle le CP du matériau, sa capacité calorifique.
2. Exemples d’usages au paléolithique
C'est un mode de stockage extrêmement ancien puisqu’on peut le retrouver au paléolithique. Les hommes préhistoriques utilisaient déjà ce mode de stockage pour gérer des problèmes énergétiques liés à la biomasse. Par exemple, dans certaines contrées, les hommes préhistoriques n'avaient que des combustibles très rapides comme la paille et ils devaient quelquefois faire des cuissons très longues pour convertir certains aliments sur le plan nutritionnel en nutriments qui soient acceptables par l'organisme ; donc des cuissons de plusieurs heures et des combustibles très rapides. Dans ce cas-là, ils rajoutaient dans les foyers du paléolithique des galets ou des roches qui stockaient la chaleur, ils brûlaient énormément de combustibles donc rapides et ensuite ils disposaient d'un stock d'énergie thermique qui permettait des cuissons de plusieurs heures, voire une dizaine d'heures. Une autre application du paléolithique est l'inadéquation entre quelquefois l'usage et la source. Par exemple, lorsque l'homme du paléolithique a voulu faire bouillir de l'eau, la première fois il a dû jeter l'eau sur le feu et à sa grande surprise il a éteint son feu. Cela qui nous paraît évident mais ça ne l'était pas à l'époque. Les hommes du paléolithique ont mis au point un procédé itératif extrêmement ingénieux : ils ont chauffé des galets dans un feu, ils ont placé le galet chaud dans une réserve d'eau, une fois que le galet s'était déchargé ils l'ont remis au feu et ainsi de suite et au bout d'un moment, l'eau s'est mise à bouillir et donc par un processus itératif de stockage / déstockage, l’homme du paléolithique a réussi finalement à rendre compatible l'eau et le feu. On est vraiment sur des technologies qui remontent très loin.
3. Exemples d’usages actuels
Aujourd'hui, industriellement, on utilise encore beaucoup ce stockage en chaleur sensible en utilisant des grosses quantités de matières et en faisant juste varier leur température. De manière un petit peu plus domestique, on connaît très bien ce mode de stockage : la bouillotte nos grands-mères où on fait chauffer de l'eau avant d'aller se coucher, on met ça dans une bouillotte en caoutchouc et on glisse ça dans son lit, c'est du stockage en chaleur sensible. De manière un petit peu plus industrielle déjà, EDF, historiquement ces dernières décennies, a réussi à résoudre un gros problème de gestion de réseaux puisqu'en gros, les gens voulaient surtout de l'électricité le jour et pas trop la nuit. Ils ont mis en place un système de tarification de nuit pour inciter les gens à faire chauffer leur eau sanitaire la nuit et pas le jour, en stockant cette eau chaude dans un ballon (donc le ballon que l'on a dans nos garages à la maison) et ils ont réussi comme ça a déporter une consommation journalière vers la nuit et ainsi mieux gérer, en fait, le marché de l'énergie électrique en France. Le smartgrid, on en parle beaucoup, EDF l'a déjà beaucoup utilisé et notamment des systèmes de stockage en chaleur sensible qui ne sont pas des gros systèmes, qui sont complètement diffus sur le territoire dans chaque habitat mais ça a un impact tout à fait national. Dans le domaine de l'industrie, la métallurgie au niveau des hauts-fourneaux par exemple qui permet de produire l'acier, la fonte etc., sont des procédés qui fonctionnent à 1400°C. Là il y a des grosses récupérations de chaleur avec des réservoirs de stockage sur des céramiques haute température (ce sont des silos qui font quelque chose comme 50 mètres de haut et 20 - 30 mètres de large), avec des milliers de tonnes de matériaux et on stocke et on déstocke la chaleur pour faire de l'économie d'énergie par récupérateur d'énergie thermique. Aujourd'hui, c'est quelque chose de très important pour la transition énergétique puisque, pour économiser l'énergie, très souvent on est amené à stocker l'énergie lorsqu'on en a trop pour la déstocker lorsqu'on en a besoin. C'est vrai pour l'habitat, c'est vrai dans l'industrie pour laquelle on a beaucoup d'énergie perdue et puis c'est vrai aussi pour les énergies renouvelables puisqu'il y a effectivement des problématiques comme l’inadéquation de la disponibilité de la source solaire par exemple et le besoin des gens. Pour l'habitat, c'est très simple, c'est l'enveloppe elle-même qui fait le travail, l'enveloppe de l'habitat. Si on a des murs en granite par exemple, ça va permettre par rapport aux variations de température extérieure le jour ou la nuit de créer des déphasages par rapport aux variations de température à l'intérieur, soit entre le jour et la nuit, soit même niveau des saisons. C'est un stockage/déstockage dynamique, passif dans l'enveloppe de l'habitat alors qu’industriellement, on va mettre dans des grosses cuves des matériaux de stockage et on va faire circuler un fluide pour stocker/déstocker la chaleur dans ces volumes-là. Un exemple qui concerne directement les énergies renouvelables est dans le solaire à concentration : les grosses centrales électro solaires thermodynamiques à concentration utilisent du rayonnement solaire, le concentrent, produisent de la chaleur pour ensuite produire de la vapeur et turbiner. Pour isoler le bloc électrique des variations du champ solaire, on place un très gros stockage en chaleur sensible (alors un exemple type, les centrales type Andasol qui font 50 MW électriques). Pour 7h30 de stockage, il faut 30 000 tonnes de matériaux. Ce sont des sels fondus qui sont des nitrates issus des mines du Chili. Sous l'état fondu, on va faire donc varier leur température en gros entre 250 et 400°C pour stocker et déstocker la chaleur qui sort du champ solaire. C'est beaucoup de matériaux et il est clair que ça coûte aussi beaucoup d'argent - les sels fondus sont quand même un peu corrosifs aussi. Sur une centrale solaire thermodynamique ça représente à peu près 17 % du coût d'investissement de la centrale et ça peut représenter par contre, sur le plan environnemental, quelque chose de très lourd, une très grosse contribution à l’ACV du procédé.
4. Questions de soutenabilité
Cela pose le problème de la soutenabilité de la transition énergétique par rapport au stockage. Pour la transition énergétique, il va falloir beaucoup de stockage et donc beaucoup de matériaux. Ça veut dire qu'éventuellement, ça va contribuer à l'épuisement des réserves minérales du globe. Il y a donc des gros travaux depuis une dizaine d'années qui se développent et notamment au laboratoire PROMES sur l'utilisation de déchets industriels comme les déchets amiantés, les cendres volantes, les usines sidérurgiques, pour éviter d'aller utiliser les ressources minières encore disponibles et au contraire de réutiliser des matières qui sont en fin de cycle de vie. Je prends un exemple très simple, toujours pour les centrales électro solaires thermodynamiques. D'ici 2050, il faudrait construire à peu près 400 centrales de type Andasol pour arriver à 10 % d'électricité issue du solaire à concentration à l'échelle mondiale. Pour ces 400 centrales, il faudrait chaque année 20 millions de tonnes de matériaux de stockage alors que les sels fondus produits par le Chili, on en est à 0,8 millions de tonnes produites par an et le marché du Chili est déjà saturé pour l'agriculture et l'industrie chimique. Donc il n'y en a pas assez, ce n'est pas soutenable. La solution est éventuellement de prendre des sels de synthèse. Mais là, comme les procédés de synthèse des sels de nitrates ont des impacts environnementaux importants, on double les gaz à effet de serre contenus dans le procédé. Donc sur le plan environnemental ça n'est pas intéressant. Sur le plan économique non plus. Pour faire le pendant, si on prend uniquement les cendres volantes des centrales thermiques au charbon, on en produit à peu près 750 millions de tonnes par an à l'échelle mondiale, comparé aux 20 millions de tonnes de matières qu'il nous faut, on est très largement au-dessus. Aujourd'hui, pour les gens qui travaillent sur les matériaux énergétiques, réutiliser, recycler les déchets industriels qui quelquefois sont même dangereux - comme les cendres volantes et les déchets amiantés -, peut largement permettre de satisfaire nos besoins en matériaux de stockage. En même temps, cela permet de financer le traitement de ces déchets qui sont dangereux, et quelquefois, leur traitement nécessite des traitements thermiques - donc là aussi il y a temps de retour énergétique. Ainsi on arrive à une démarche qui est soutenable sur l'ensemble de la matière, à la fois sur les déchets et sur les matériaux de stockage et sur le développement des énergies renouvelables.