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Description

Gilles Boeuf, professeur à l’université Pierre et Marie Curie, est le référent scientifique de ce MOOC Biodiversité & changements globaux.

Les grandes thématiques de ce cours ont été définies avec son concours et avec celui de l’ensemble des responsables scientifiques du MOOC biodiversité, proposé en 2015 sur FunMOOC, à savoir : Philippe Cury (IRD), Marion Gosselin (IRSTEA), Éric Rochard (IRSTEA), Étienne Hainzelin (CIRAD), Nathalie Machon (MNHN), Bernard Swynghedauw (ex-INSERM), Denis Couvet (MNHN) et Serge Bahuchet (MNHN). Ce MOOC « Biodiversité et changements globaux » constitue en effet le prolongement du MOOC « Biodiversité ».

Deux niveaux de difficulté sont proposés selon les contenus de ce parcours : le niveau "Débutant" s'adresse aux apprenants de niveau Bac à Bac+3 (Licence), tandis que le niveau "Approfondi" est plutôt destiné aux apprenants de niveau Master et +.

Objectifs d’apprentissage :
- Comprendre en quoi la biodiversité est essentielle à l'existence humaine.
- Comprendre les services que la biodiversité rend aux sociétés humaines.
- Découvrir certaines possibilités qu’ont les acteurs publics et privés de mieux prendre en compte la biodiversité dans leurs actions, afin de la conserver.
- Comprendre les raisons pour lesquelles les peuples autochtones et les communautés locales sont les gardiens de la biodiversité.
- Comprendre les ressorts d’un engagement individuel et collectif en faveur de la biodiversité.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
  • Bac+5
Thèmes
  • Ecosystèmes et biodiversité
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
biodiversitéchangements globaux
  • L'Humain dans la Biodiversité
  • L'évaluation globale de la biodiversité et des services écosystémiques de l'IPBES (2019)
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Ce document contient la transcription textuelle d’une vidéo du MOOC UVED «Biodiversité et changements globaux ». Ce n’est donc pas un cours écrit au sens propre du terme ; le choix des mots, l'articulation des idées et l’absence de chapitrage sont propres aux interventions orales des auteurs.

L’humain dans la biodiversité

Gilles BOEUF
Professeur, Sorbonne Université

Nous allons parler des interactions entre l’humain et la nature sur un thème général : l’évolution du monde.

1. Ecosystèmes (1)

Je vais partir de quelques écosystèmes particuliers. En haut à droite de l’image ci-dessus, vous voyez un morceau d’océan particulier, le corail. C’est le grand récif du grand sud en Calédonie, dans le Pacifique, qui est un des écosystèmes marins au monde le plus riche en nombre d’espèces ramenées à la surface : 5000 à 7000 espèces par kilomètre carré ici.

Je vous ai mis un peu l’équivalent terrestre en bas à gauche : une forêt tropicale. Nous sommes en Guyane, en Amérique du Sud où on peut trouver dans la forêt primaire peut-être 50 000 espèces au kilomètre carré. Ce sont des écosystèmes extrêmement riches en nombre d’espaces ramenés à la surface.

Enfin je vous ai mis un cas un peu particulier en haut à gauche : une grande ville du monde, Shanghai en Chine, avec 30 millions d’habitants, la moitié des Français, presque, dans un seul système particulier. C’est vrai que l’humain a amené cette nature sauvage de l’océan ou des continents vers les villes.

2. Changement

Je vous ai mis en bas à droite de l’image ci-dessus une image de la température du monde qui grimpe en ce moment. Bien sûr, le climat a toujours changé. On le raconte souvent en fait, et il a beaucoup aidé d’ailleurs la biodiversité. Mais aujourd’hui, il change trop vite. Et cette accélération de la température crée des contraintes pour le vivant.

Dans le changement global, il faut bien voir que tout est lié. On va parler d’énergies, mais de quelles énergies ? Avec quelle influence sur le vivant, sur la biodiversité ? On va parler de climat, d’interaction climat-biodiversité, de pollution — c’est le grand mal des siècles juste écoulés, l’actuel et les précédents en particulier — et surtout de ce qui nous intéresse ici à savoir les interactions entre l’humain et la nature, entre les humains et les non humains.

A part le système des laves de volcan, sur la Terre, la vie est partout. On trouve des bactéries dans les roches profondes, dans l’océan profond, au sommet des montagnes, dans les sols, et  dans l’océan. On trouve aussi par exemple des éléphants, des bactéries... Nous sommes une palette de bactéries. Ce sont les premières apparues sur la terre. On trouve des petites algues marines, des dinoflagellés, l’océan en a ramené beaucoup. On trouve aussi un petit tardigrade, un tout petit animal qui fait entre 0,5 mm et 1,5 mm incroyablement résistant. Et il y a l’humain dans cette biodiversité, avec un moment de ma vie qui m’a bouleversé. Nous étions à Madagascar, dans le nord-ouest de l’île, à Mahajanga, dans une réserve de lémuriens que possède le Muséum. Ce jour-là, en arrivant sur notre île, il y avait des familles dessus, quelques femmes, quelques hommes, quelques enfants et on leur a demandé ce qu’ils faisaient là. Ils nous racontent une histoire terrible, ils sont partis à pieds de Tuléar plusieurs semaines auparavant, 800 kilomètres, parce que chassés de chez eux, parce qu’il ne pleut plus, il n’y a plus d’arbres, pas d’agriculture, rien à manger, on part. Et tous les jours, on se fait jeter. Là, ils sont arrivés dans mon île des lémuriens qui n’ont rien dit bien sûr. Le dilemme est cruel pour nous parce que soit on les garde avec nous, parce que plus on parle avec eux, plus on les aime, soit on les chasse. Ce n’est pas facile. C’est une très belle image des relations entre l’humain et cette nature.

Réfléchissons à un article de Paul Ehrlich quand il est reçu à l’académie royale des sciences en Grande-Bretagne en janvier 2013. Il nous dit : "Peut-on encore éviter un effondrement de nos civilisations ? ". Le débat est lancé.

3. Biodiversité

Quand on parle de biodiversité on imagine toujours ceci. Nous sommes ici sur un fragment de plage de l’île de la Guadeloupe au mois de mai 2012, et là nous trouvons des microcrustacés dans le sable, 2 mètres sous les fesses des touristes. Oui, c’est la biodiversité. Quand on veut séduire, on montre ça effectivement. Mais ce n’est pas que ça, parce que c’est beaucoup plus complexe que ça. La biodiversité pour moi, c’est ça. C’est l’ensemble de toutes les relations que tous les êtres vivants ont établi entre eux et avec leur environnement.

Si j’enlève le nickel des couverts et le verre des verres et des bouteilles, tout est vivant, tout est biodiversité. Les acariens des croûtes de fromage, les levures, les bactéries. Et c’est quoi dites-moi un humain et surtout un Français, sans son pain, son vin et son fromage ? L’humain, depuis les origines, a choisi en fait quelques espèces, comme ici une vache par exemple, ce qui finit par poser des problèmes parce qu’elles sont extrêmement populeuses sur la terre aujourd’hui : 1,4 milliard de vaches, qui donc en biomasse, font plus que la biomasse des humains. Alors, bien sûr ça pose des problèmes, mais vous avez des civilisations à Madagascar, en Inde, où on a des vaches, sans qu'on les mange. Ce n’est donc pas très, très simple.

4. Ecosystèmes (2)

Je vais prendre trois écosystèmes pour parler de biodiversité. C’est beaucoup plus intéressant pour moi que de parler d’espèces.

Le premier est une goutte d’eau de mer. Je suis un marin, je m’y intéresse depuis les origines. On a fait beaucoup d’expérimentations, Tara Océans nous ramène des milliers d’échantillons. Dans une goutte d’eau de mer, où qu’on la prenne, qu’est-ce qu’on trouve ? Des centaines de milliers de micros algues, des millions de bactéries et des milliards de virus. Depuis l’origine de la vie, dans l’océan, c’est la même chose. La vie apparaît sur la terre il y a un peu moins de 4000 millions d’années. Cette goutte d’eau de mer est symbolique parce qu’elle est la même partout. Aujourd’hui dans l’océan, on a répertorié 13 % des espèces connues, 250 000 sur les 2 millions qu’on connaît aujourd’hui.

Le deuxième écosystème est un fragment de sol. Où que vous soyez sur la Terre, ces sols contiennent 2,5 tonnes de bactéries à l’hectare et 3,5 tonnes de champignons à l’hectare. Mais aussi des tardigrades, des vers de terre, des nématodes, des collemboles, des acariens... Ces sols aujourd’hui représentent plus de deux fois le nombre connu d’espèces dans l’océan, c’est-à-dire à peu près un quart des espèces connues sur Terre. Et l’agriculture moderne, avec ses poisons, a tué la moitié des sols. Il y a donc là un énorme enjeu pour l’humanité puisque le défi est de nourrir demain 9 milliards d’humains.

Le troisième écosystème est un petit peu insolite, c’est l’intestin d’un bébé humain à la naissance. Ça surprend un petit peu. Sachez quand même que dans un corps humain vous avez, sur lui et dans lui, au moins autant de bactéries. Je me suis beaucoup intéressé à quel moment un bébé humain va rentrer en contact avec la Terre. C’est au moment de la rupture de la poche des eaux que ces bactéries du tractus de la maman vont se précipiter pour aller, dans le bon sens du terme, contaminer ce bébé. Un bébé humain met 2 années pour stabiliser sa flore intestinale, et on sait maintenant que c’est en train de changer. 300 maladies nouvelles en France depuis 1940. Pas toutes, mais une grande partie en relation avec ces bactéries qui vont changer pour des raisons d’alimentation et des raisons de sur-traitement par les antibiotiques. On a 1/3 de nos gènes qui sont communs entre les cellules végétales du plancton, le phytoplancton, et un bébé humain à la naissance, dans son intestin. On a beaucoup regardé les relations entre les bactéries d’intestin humain et celle de l’océan, et c’est extrêmement intéressant. Cela relance la démonstration du fait que l’humain appartient profondément à cette nature. Arrêtons d’imaginer un humain et ici une nature à côté. On est dedans, on ne mange que du biologique, on ne coopère qu’avec du biologique, et évidemment, on est tout à fait liés à cette nature qui nous entoure. L’humain a, au sein de chaque corps humain, un petit océan, 3 fois moins salé que l’océan en vrai.

5. Humain et nature

A quel moment cet humain a-t-il commencé à se séparer de cette nature ?

La première grande étape est la domestication du feu, en Afrique vers 1,5 million d’années. Ça va permettre à l’humain en fait de laisser à distance les grands prédateurs. Ça va lui permettre de sortir de l’Afrique, car il y avait des grandes vagues de froid en Europe, en Asie à l’époque. Ça va lui permettre aussi de durcir les épieux de chasse et de guerre et aussi bien sûr plus tard, de cuire les aliments. Et quand vous consommez une viande sur un cadavre de zèbre tué par des lions 10 jours avant, il vaut mieux effectivement la cuire avant de la consommer.

La deuxième grande date est le néolithique. C’est le moment où l’humain s’arrête de bouger, il ne reste plus qu’Homo sapiens sur la terre, alors que le feu a été domestiqué par d’autres humains, par des erectus, et là, 8000 -  14 000 ans, on va s’arrêter. Les femmes font beaucoup de bébés et on va inventer domestication et également la culture, l’agriculture. On va commencer à avoir des impacts très forts sur l’environnement.

La troisième date c’est l’invention de la machine à vapeur. On passe en fait du cheval animal au cheval vapeur, la première locomotive aux États-Unis. Après, une date qui m’intéresse beaucoup est Hiroshima et Nagasaki. Pourquoi ? Parce que c’est la première fois où, grâce à sa technique, ses connaissances, l’humain crée un événement de l’ordre de grandeur d’une grande catastrophe naturelle sur un site précis. Et c’est aussi le moment où l’explosion de la démographie va se produire. Nous étions 2,5 milliards d’humains. On a multiplié par plus que 3, on va multiplier par 4 la population humaine sur moins d’un siècle, ce qui est bien sûr considérable.

La dernière remarque que je ferai à ce niveau est la proposition par un prix Nobel de chimie, qui s’appelle Paul Crutzen en 2000, du terme "Anthropocène". La portion de l’histoire de la Terre durant laquelle le plus puissant moteur de l’évolution n’est plus la température, le sel de l’océan ou la durée du jour, c’est la présence de l’humain. On peut le faire démarrer à différentes époques, à la machine à vapeur, au néolithique ou beaucoup plus récemment justement, à ce que j’évoquais sur Hiroshima et Nagasaki. L’humain a évolué par rapport à ce monde animal par sa technique. J’aime beaucoup le terme d’Homo Faber que Dominique Bourg utilise souvent, Edgar Morin aussi. L’homme sait construire. J’ai une montre, vous êtes face à un téléviseur, vous écoutez des radios. Ça, c’est l’humain effectivement. Les événements qui vont permettre à l’humain d’arriver à ceci sont toujours liés à des techniques. La première technique c’est le biface, un caillou bien taillé qu’on se passe de père en fils sur des générations. Avec ça on va gratter, on va tuer, on va arracher, c’est l’outil essentiel. Cela va basculer au moment de l’invention de l’arme de jet, un propulseur, un arc et des flèches, une lance. On se tient à l’écart du prédateur. Si on doit tuer un rhinocéros ou un sanglier avec un biface, croyez-moi, il a ses chances. Après, ça va être l’invention de la poudre noire et des armes à feu. Quand je vois des gamins de 15 ans aujourd’hui au Congo, qui tuent les éléphants ou les rhinocéros avec des kalachnikovs… vous mesurez cette domination que l’humain pense avoir sur les systèmes vivants. La roue, la roue vers 8 000 ans, permettra à l’humain de transporter sur de grandes distances des charges très lourdes. Vous voyez que vous avez une relation directe avec la courbe démographique.

L’invention des métaux, puis des vaccins, des avions, des ordinateurs..., tout ça va expliquer l’explosion de la capacité de l’humain à tenter, à imaginer dominer cette planète.

6. Destruction de la biodiversité

Aujourd’hui, cette biodiversité est en danger. Elle l’est parce qu’effectivement vous avez des questions de destruction des écosystèmes ou de pollution partout. Vous avez également des problèmes qui sont liés à la surexploitation des stocks. Les meilleurs exemples sont les pêches maritimes en mer et la forêt tropicale sur les continents. Des problèmes qui sont liés à la dissémination de tout et partout. On transporte tout partout, comme par exemple un dinoflagellé qui fait le tour du monde dans des bateaux géants alors qu’il est capable de produire une toxine qui tue un humain en 20 minutes. Il s’appelle Alexandrium. Ou encore ces microalgues, emmenées en mer Noire, qui ont effondré les pêcheries d’anchois de la mer Noire, alors que cette cellule venait des États-Unis. Il y a enfin le climat, mais je ne le mets qu’en dernier. Le climat qui change bien sûr aussi explique ce qui se passe. Mais le climat qui change se surimpose à ce qu’on continue à faire : on détruit, on pollue, on dissémine, et on surexploite. ON en arrive donc aux 7 plaies de la crise écologique aujourd'hui telle qu'elles sont définies :

  • un productivisme agricole. On peut changer, on peut faire différemment sans empoisonner les gens.
  • L'eau potable. Faisons mieux, nous sommes faits d'eau. Un bébé humain, trois quarts d'eau, notre cerveau 80 %. Donc, cette eau elle est absolument vitale pour l'humanité, c'est la première molécule du vivant avant encore l'ADN.
  • La pêche. Pêcher, c'est excellent. Surpêcher c'est stupide, là aussi on peut changer. On sait ce qu'il faut faire.
  • La déforestation aussi, arrêtons de couper ces forêts tropicales qui s'en vont à la vitesse de la surface de la Grande-Bretagne chaque année.
  • La biodiversité qui s'effondre. Ça, il faut absolument la garder avec nous, elle est vitale, nous en sommes faits. Et nous la consommons et nous en vivons en permanence. Que serait l'économie, y compris française, sans la biodiversité, le tourisme, la gastronomie, les produits cosmétiques ? C'est absolument vital pour nous.
  • La toxicité des produits qu'on émet partout qui nous posent de graves… on s'empoisonne en permanence, avec des maladies nouvelles apparues grâce à la pollution des sols, de l'eau, de l'océan bien sûr, ou de l'air aussi.

Tout ceci c'est gérable si l'humain utilise cette technique pour améliorer la situation.

  • Le changement climatique.

La seule où c'est trop tard, c'est celle du changement climatique. C'est trop tard, il fallait s'en occuper avant. Ce qu'il faut qu'on fasse aujourd'hui, c'est tout faire pour limiter les dégâts. Nous avons déjà pris 0,85 degré, il ne faudra pas dépasser 1,5 à 2 degrés. C'est le grand enjeu, bien sûr, des accords internationaux d'aujourd'hui. Dans les années à venir, il faudra aussi parler d'agriculture, pour nourrir 9 milliards d'humains, ne pas gaspiller l'eau, ne pas intoxiquer les gens, ne pas augmenter indéfiniment les surfaces agricoles, ne pas gaspiller l'eau... Et surtout faire de la polyculture dans des conditions beaucoup plus acceptables, avec une harmonie beaucoup plus grande avec les sols, et avec cette nature.

Il y a besoin de vrais programmes de recherche qu'on a développés pour le monde agricole, avec les paysans eux-mêmes. Les gens n'ont pas envie d'empoisonner les autres. C'est une question d'organisation des systèmes. On peut vraiment y parvenir également sur nos latitudes, bien entendu. Au niveau marin, c'est un petit peu la même chose aussi. Surpêcher les poissons pélagiques amène à l'effondrement des oiseaux qui les mangent, des baleines, ou des poissons de bout de chaîne qui les consomment aussi. C'est grave pour les pêcheurs parce que les pêcheurs aussi aiment bien pêcher des thons, qui se vendent très cher. Si ces poissons pélagiques disparaissent, le zooplancton explose, il n'est plus consommé. Il consomme tous les phytoplanctons, et ces phytoplanctons, on le sait, c'est le rôle de l'océan vivant. Ils jouent un rôle important dans la capacité de l'océan à fixer le gaz carbonique. Si l'océan n'est pas vivant, il ne joue pas du tout le rôle qu'on lui connaît sur la régulation du climat. Il faut absolument le garder vivant avec nous.

7. Changement climatique

Par quoi se traduit le changement climatique ?

Par les températures de l'air et de l'océan qui augmentent, par la fonte des glaciers, dramatique en ce moment. Les glaciers en Amérique du Sud fondent beaucoup plus vite que les glaciers européens. On a perdu en Amérique du Sud en 60 ans ce que nous avions perdu en 3 siècles en Europe.

Ce sont des cyclones tropicaux de plus en plus violents et de plus en plus fréquents : fortes pluies, inondations. Ce sont également de longues périodes de sécheresse. Les climatologues nous disent en fait qu’ à 9 mois de sécheresse vont succéder quelques jours de pluies intenses ce qui est dramatique pour l'agriculture. S'il n'y a pas d'agriculture, que font les humains ? Ils s'en vont, ils migrent.

C'est aussi la chute de l'oxygène dans l'eau. Plus l'eau est chaude, moins elle contient d'oxygène, c'est aussi la remontée des niveaux de la mer. Vous savez que 55 % des humains vivent au bord de la mer aujourd'hui. Cherchez les grandes villes qui ne sont pas au bord de l'océan...

C'est l’acidification générale de l'océan. Le drame est que l'océan fixe du CO2. Mais en contrepartie, il fait de l'acide carbonique qui acidifie l'océan. Et ça, c'est un gros problème pour la croissance du corail ou des coquilles du coquillage. Au niveau marin, c'est la remontée des niveaux de la mer. Il y a 19 000 ans, où que vous soyez, l'eau est 125m plus basse et la température 4°C plus basse. Ca a commencé à augmenter beaucoup vers 19 000 ans, la fin des grands glaciers. Ça a remonté très, très fort pendant vers 10 000 ans puis ça s'était un peu arrêté depuis 5 000 ans. Mais là, ça reprend. Avec le changement climatique, il y a la température qui augmente. Nous avons pris ici, vous le voyez, 6,5 centimètres depuis 1992, ce qui est considérable. L'océan remonte trois fois plus vite qu'il y a 30 ans.

8. Santé

Un aspect qu'on oublie beaucoup, mais qui est très important, concerne les relations entre le changement climatique, l'effondrement de la biodiversité et les maladies que l'humain aujourd'hui présente. Nous avons 300 maladies nouvelles depuis 1940, avec des origines liées à l'homme, à l'âge (on vit plus longtemps), à l’exposition au soleil, aux pollutions atmosphériques (qui tuent 1000 personnes par jour en Chine aujourd'hui), aux pollutions des sols et de l'eau. Puis nous avons des infections bactériennes et virales qui reprennent pour certaines et qui apparaissent pour d'autres, le risque des maladies dites auto-immunes, des problèmes de thyroïdes comme jamais on en a eu.

On perçoit une relation avec le changement climatique et avec la diversité qui s'en va. Tout ceci pour vous amener à une réflexion sur le fait que ces maladies se régénèrent. Elles ne sont pas forcément nouvelles, mais elles sont beaucoup plus importantes depuis la fin des années 70, surtout les maladies nouvelles qui n'existaient pas : des hépatites, le SIDA, etc.

Tout ceci amène l'humain à être dans une situation très exposée à ces pathologies nouvelles. Le risque majeur aujourd'hui pour nous, c'est la pauvreté. Le développement durable ne pourra pas se faire sans une éradication de la pauvreté et les maladies qui y sont associées pour les gens qui ont des problèmes, bien évidemment, dans ces conditions.

9. Agir

Qu'est-ce que peut faire un écologue ?Réfléchir à ces perturbations sur les écosystèmes, à la notion de résistance, de résilience. Pour pouvoir résilier, revenir à un état qui ressemble un petit peu à ce qu'il y avait avant, il faut avoir survécu. Il faut donc d’abord résister et, si on n'est pas entièrement détruit, il peut y avoir résilience. On revient à quoi ? Il faut absolument qu'en écologie on soit capable de prévoir ces évolutions.

Pour terminer, je vais faire appel à un grand philosophe qui s'appelle Edgar Morin, qui avec Patrick Viveret avait écrit ce livre en 2010 : "Comment vivre en temps de crise". Il dit : "La terre est un vaisseau spatial avec 4 moteurs : la science, la technique, l'économie, et le profit". Etre capitaliste, pourquoi pas, avec un capitalisme encadré, bien entendu. Chacun de ces moteurs peut être très bénéfique pour l'humanité, mais il peut être aussi très délétère. Il faut qu'on s'y penche un peu. Edgar Morin dit : "Le probable aujourd'hui est catastrophique, il est que nous allons vers l'abîme si on continue comme on fait aujourd'hui". Mais rapidement, il se reprend, ce que j'aime beaucoup chez lui bien sûr. Et il dit finalement : "regardez un petit peu la situation aujourd'hui, il y a toujours eu de l'improbable dans l'histoire de l'humanité et heureusement !" Le futur n'est jamais joué. C'est là qu'il faut que tous ensemble, on prenne conscience de ceci et qu’on commence à agir tout de suite.

Le propre de la métamorphose dont l'humanité a besoin, comme toute création, est que ce n'est pas prévisible. Qu'est-ce qu'il nous faut ? Une conscience humanitaire, planétaire, pas que nos groupes ethniques à nous. Finalement, quand on regarde ça, il dit : nous sommes "homo faber". On est pas mal démens en ce moment, on n'est toujours pas sapiens. Et c'est là que nous sommes vraiment en lutte pour devenir sapiens durant ce XXIème siècle. Je vais revenir à quelqu'un qui s'appelle Sri Aurobindo, l'un des grands penseurs indiens. En 1915, à l'époque, il n'y a ni écologie ni écologisme. Il dit en fait que l'humain crée tellement de perturbations sur le milieu qui l'entoure qu’il faut qu'il change. Un changement intérieur de l'humain est très important. Il faut qu'on y réfléchisse tous. Il dit : « si on veut survivre, il nous faut une transformation radicale de la nature humaine ». En rebondissant là-dessus, on va relier de la science de base à des observations avec de la philosophie. C'est très important de relier les sciences humaines et sociales aux sciences dures ou aux sciences.

10. Ou sinon...

Si on ne tient pas compte de tout ça, ça se finira bien sûr par des migrations de la flore, de la faune, mais aussi des humains. C'est déjà commencé. 11 % des guerres sont déjà aujourd'hui déclenchées à cause du changement climatique : le lac Tchad qui s'assèche, la guerre de Syrie qui commence en 2011 et qui fait suite aux 12 pires années de sécheresse qu'ait connu le croissant fertile depuis 3 siècles. Ce ne sont pas des histoires d'écolos farfelus ! Ce sont vraiment des choses qui sont absolument essentielles pour l'avenir de l'humanité. S'engager tous pour changer !

On ne pourra pas s'adapter si on n'accepte pas de changer. Il y a le rôle de l'entreprise, le rôle de la ville, de la région, avec un développement humain, il faut créer des emplois, c'est bien évident, avoir du plaisir à être là, à vivre là, chez soi. Ne pas être obligé de partir, c'est extrêmement important. Tout ceci doit se faire sans bien sûr détruire les milieux, avec une harmonie beaucoup plus grande que ce qu'on fait à l'heure actuelle, parce qu'on vit dans les villes. On doit aller vers une économie différente basée non pas sur le profit, sur la destruction de la nature, ou sa surexploitation. Ça peut se faire, mais il faut changer, bien sûr, pour faire ça. Et l'entreprise est importante parce qu'elle joue un rôle clair. Parce que vous y allez beaucoup plus souvent finalement que dans beaucoup d'autres endroits. Et il faut absolument que la région, la ville ou l'entreprise puissent évoluer et changer dans un contexte de changement international.

11. Conclusion

Nous étions le 12 décembre 2015, le président Fabius et monsieur Ban Ki Moon annoncent la réussite des accords de Paris, ce qui est fabuleux : 195 pays, réussite diplomatique, réussite bien sûr, également générale, c'est très important. A ce moment,  on se met en relation avec la station spatiale internationale. Il y a deux cosmonautes dedans, un Américain et un Russe. Qu'est-ce qu'ils nous disent ? « Vous discutez du futur de la Terre, c'est important ce que vous faites. Nous, on a une petite fenêtre face à nous. Et à travers ce petit hublot, nous voyons la totalité du globe terrestre, avec son merveilleux océan bleu, et qu'est-ce qu'on voit en ce moment ? On voit les forêts d'Indonésie en train de brûler. On voit le nuage de pollution sur la Chine, on voit la pollution dans le golfe du Mexique, et on voit l'Afrique en train de devenir un désert. » 

Alors, dépêchez-vous !

Contributeurs

BAHUCHET Serge

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

BOEUF Gilles

Sorbonne Université

Couvet Denis

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Mouillot David

Université de Montpellier

Dumez Richard

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Roué Marie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Semal Luc

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Ronce Ophélie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Aubertin Catherine

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Marniesse Sarah

AFD - Agence française de développement

Shin Yunne

IRD - Institut de Recherche pour le Développement

Kefi Sonia

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Leménager Tiphaine

AFD - Agence française de développement

Bousquet François

CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

Laurans Yann

IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales)

Henin Jeanne

AFD - Agence française de développement

Charmantier Anne

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Delpierre Nicolas

Université Paris Sud

Jiguet Frédéric

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Gilbert Laurent

L'Oréal Recherche et Innovation

Blanc Nathalie

CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique

Chlous Frédérique

MNHN - Muséum national d'Histoire naturelle

Pourchez Laurence

INALCO - Institut National des Langues et Civilisations Orientales

Lammel Annamaria

Université Paris 8