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Description

Ce MOOC 2E2D est complémentaire au MOOC « Environnement et développement durable » produit et coordonné par UVED en 2015. Ce premier MOOC portait sur les connaissances de base, les fondamentaux du domaine et était à destination particulièrement des étudiants pour favoriser le continuum bac-3/bac+3.

Le deuxième MOOC qu’UVED propose porte quant à lui sur les compétences. Il est prioritairement à destination des enseignants du primaire au supérieur et se veut plus opérationnel. La dernière semaine du MOOC « Environnement et développement durable » introduisant ces questions, ce MOOC 2E2D assure donc une forme de continuité permettant aux enseignants d’éduquer à l’E2D et d’intégrer le développement durable dans leur projet d’école.

État
  • Labellisé
Langues
  • Français
Licence Creative Commons
  • Partage des conditions à l'identique
  • Pas d'utilisation commerciale
  • Pas de modification
  • Paternité
Mentions Licence
  • Sciences de l'éducation
Nature pédagogique
  • Cours
Niveau
  • Bac+1
  • Bac+2
  • Bac+3
  • Bac+4
  • Bac+5
Types
  • Parcours thématique
Mots-clés
éducation à l'environnementdéveloppement durableactions d'éducation environnementale
  • Qu'est-ce qu'un modèle ?
  • Les modèles en éducation au développement durable
  • La carte conceptuelle, un outil au service de l'approche systémique
  • Problématisation, investigation et interdisciplinarité
  • Problématisation et investigation : un exemple de mise en œuvre à l'école primaire
  • La démarche de pleine conscience : quels apports potentiels en éducation ?
  • La démarche de pleine conscience : mises en situation
  • Éducation au développement durable : ce que disent les programmes scolaires en France
  • Éducation au développement durable : ce que disent les programmes scolaires en Suisse
  • Éducation au développement durable : ce que disent les programmes scolaires en Belgique
  • Éducation au développement durable : ce que disent les programmes scolaires en République Démocratique du Congo
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Peggy Zürcher, Enseignante, École primaire de Saint-Imier (Suisse)

Le projet que je vais vous décrire a été réalisé par 4 classes du premier cycle en Suisse, c'est-à-dire avec 56 élèves entre 5 et 8 ans. Avec de si jeunes enfants, impossible d'imaginer un travail suivi et concentré plus de 15 à 45 minutes. En tout, 14 étapes réparties sur 3 semaines. Ce projet repose sur l'idée que tout est toujours en transformation et que cette transformation peut être d'origine naturelle ou anthropique, c'est-à-dire causée par l'homme et ses activités, et qu'il est intéressant de savoir pourquoi ces transformations ont lieu, et si elles sont souhaitables, ou non. Enfin, comment nous nous positionnons nous-mêmes par rapport à ces changements ? Pour ne pas revenir à ce questionnement, nous avons suivi le déroulement de l'outil Vu de ma classe. Celui-ci propose 6 étapes que je vous invite à découvrir avec moi, au travers du travail réalisé avec nos élèves. 

Première étape, s'approprier cette idée de transformation. En groupe, j'ai donc posé la question à mes élèves : si je vous dis transformation, à quoi pensez-vous ? Les réponses ne tardent pas à fuser. Je pense au cocon, à la chenille et au papillon, au fait qu'ils nous transforment, à la neige, l'eau et la glace, à l'hiver et l'été, à la gomme qui efface le crayon, etc. Je note toutes les propositions au tableau, et nous opérons directement une classification en cherchant à identifier la nature de ces transformations. Après avoir mis de côté les aspects magiques, nous arrivons à une conclusion que la nature transforme certaines choses, telles que la chenille en papillon, la neige en eau, mais que l'homme transforme aussi énormément : le champ en cultures, le métal en fusée, le requin en nourriture, l'œuf en omelette, etc. 

La deuxième étape va nécessiter le choix d'une image. Nous pouvons bien sûr partir de n'importe quelle photographie. Mais pour augmenter la pertinence du travail et aller un peu plus avant dans l'interdisciplinarité, nous avons choisi quelques œuvres du photographe Yann Arthus-Bertrand. Ses photographies sont mises gratuitement à disposition des enseignants sur son site, et il nous a paru intéressant en les découvrant de parler de la fonction de l'artiste au sein de la société. En l'occurrence, cet artiste tente de montrer à travers la beauté de ces images les drames, parfois, qui se cachent derrière. Pour chaque classe, les enseignants ont choisi 2 à 3 photographies, et réunis autour de ces images, les élèves par groupe ont dû répondre à plusieurs questions. Qu'est-ce que cette image représente ? Mais où cela peut-il être ? Dans quel pays ? Est-ce que ça pourrait être chez nous ? Et pourquoi l'artiste a-t-il choisi de nous montrer cette photo ? Et finalement, laquelle de ces images représente le mieux l'idée de transformation ? Les idées, les arguments, sont débattus et notés par l'enseignant. Les premières hypothèses commencent d'émerger. Par exemple, concernant la mer d'Aral, un élève avance déjà l'idée qu'il a bien fallu une transformation pour que des bateaux se retrouvent dans le désert. Parce que normalement, les bateaux, c'est fait pour aller sur l'eau. Cette réflexion très pertinente nous a tout naturellement conduits à la troisième étape de ce projet : apprendre à regarder derrière les images pour problématiser et investiguer. 
 
Pour la troisième étape, je vais maintenant me focaliser sur cette image de la mer d'Aral et vous montrer comment nous avons évolué. Tout d'abord, les élèves étaient bien d'accord que cette image n'était pas prise en Suisse. Yann Arthus-Bertrand a photographié ces bateaux pour nous montrer qu'il y a un vrai problème, tel que déjà relevé par cet élève. Une observation attentive montre que ces bateaux sont en train de rouiller. Cela veut dire qu'ils sont là depuis bien longtemps. Et s'ils ne peuvent plus naviguer parce qu'il n'y a plus d'eau, les marins, les pêcheurs n'ont plus de travail. Que sont-ils alors devenus ? Sont-ils morts de faim ? Ont-ils dû déménager ? Et d'abord, pourquoi n'y a-t-il plus d'eau à cet endroit ? Pour commencer à répondre à ces questions, nous nous référons aux données géographiques de l'image et allons voir sur Google Earth. Une vue plongeante nous apprend qu'il s'agit d'une mer, d'une mer intérieure. Je prends également le globe terrestre pour mieux situer cet endroit par rapport à la Suisse. Ensuite, par une petite recherche, nous observons l'évolution de cette mer et constatons qu'à l'époque de leurs grands-parents, la mer était très grande et que petit à petit, elle disparaît. Mais pourquoi ? Les premières hypothèses émergent, qu'il nous faudra vérifier. Première hypothèse : il y a eu un tremblement de terre, un gros trou s'est fait dans la mer et toute l'eau s'y est engouffrée. Deuxième hypothèse : ce sont les animaux et les gens qui ont bu toute l'eau. Troisième hypothèse : c'est le soleil qui l'a fait sécher par ses rayons. Toutes ces tentatives d'explications proposent une transformation naturelle, sans intervention de l'homme. Si certaines hypothèses sont vite abandonnées, l'eau de la mer est salée, donc, on ne peut pas la boire. Il nous faut nous rendre sur internet pour découvrir que ce sont essentiellement les plantations de coton pour lesquelles l'homme a détourné les grands fleuves qui alimentent donc la mer d'Aral, qui sont les principales responsables de cet assèchement. Néanmoins, afin que cette information ne soit pas simplement posée de manière dogmatique, nous cherchons à mieux comprendre le cycle de l'eau, ce qui nous permet également de comprendre pourquoi la mer est salée. Voilà un gros morceau du programme abordé à travers une question qui les touche beaucoup, car les élèves sont très affectés par le fait que poissons et humains aient en grande partie disparu de cette mer. 

La quatrième étape a déjà été partiellement entamée. En prenant conscience que les causes sont humaines, les enfants ont compris que pour produire plus, certaines personnes n'ont pas hésité à voler l'eau qui alimentait la mer d'Aral. Mais, en fait, elle appartient à qui cette eau qui se déplace dans les rivières ? Voilà un sujet bien trop difficile à aborder avec des si jeunes enfants, mais qui pourrait conduire à des questions juridiques internationales très intéressantes. Nous en resterons à une approche tout simplement éthique, admettant que tant qu'on ne dérange ni les autres humains, ni la nature, on a le droit d'utiliser l'eau comme on veut. L'adage "Ma liberté s'arrête où commence celle de l'autre" prend ici tout son sens. Ce changement de regard nous oblige ainsi à dire que, d'un point de vue économique, pour ceux qui cultivent le coton, la disparition de la mer d'Aral n'est pas vraiment un problème. Par contre, d'un point de vue social, le fait que les pêcheurs n'aient plus de travail, qu'ils ne puissent plus nourrir leurs familles et doivent finalement quitter leur région est vécu par les enfants comme une véritable catastrophe. Au même titre d'ailleurs que le nombre de poissons disparus et la diminution drastique de la biodiversité d'une manière générale. Il s'agit donc d'arriver à prendre du recul et à réfléchir de manière plus approfondie sur ces causes et ces conséquences. Mais, nous trouvons qu'il serait malsain de laisser les enfants dans un état d'esprit négatif vis-à-vis de l'extraordinaire capacité des êtres humains à innover. 

La cinquième étape va permettre aux élèves de passer du global au local, c'est-à-dire à se demander si dans notre environnement proche, on pourrait comme l'artiste l'a fait, faire une photographie qui représente un problème similaire à celui observé sur la fiche. Pas facile lorsqu'il s'agit de la mer d'Aral, parce qu'en Suisse, nous n'avons pas de mer. Il faut déjà que les élèves comprennent qu'il faut prendre la mer comme un espace où on trouve de l'eau. Alors que cela me semblait vraiment difficile à imaginer, un événement a joué le déclencheur chez l'un de mes élèves. Et en effet, toujours dans l'idée de voir des transformations, nous étions en visite dans un petit musée régional qui expose d'anciennes cartes postales de la région. Et là, l'un de nos élèves s'est arrêté devant une carte et me dit : "Oh maîtresse, regarde, c'est le creux de Chameselle. Là, on va pique-niquer. Tu vois, il y avait un étang avant. Mais, maintenant, quand j'y vais, il n'y a plus d'étang. Ce n'est que de l'herbe, c'est comme pour la mer d'Aral, l'eau, elle a disparu". Et nous voilà donc avec notre objectif à photographier et notre nouvelle question à investiguer. Mais où est passée l'eau de l'étang du creux de Chameselle ?

Nous voilà repartis pour questionner les anciens du village, à commencer par les grands-parents des enfants, puis la mairie qui nous a renvoyés au département des eaux et des forêts. Et de constater que si la disparition de l'eau était également de nature humaine, les causes et les conséquences étaient bien différentes. 

Nos deux investigations terminées, nous avons abordé la sixième et dernière étape : penser le futur. Mais que pourrait-on faire chez nous pour la mer d'Aral ? Qu'est-ce qu'il faudrait que nous changions pour que ces problèmes ne se passent plus ? Y a-t-il des solutions ? Non, évidemment, pas dans l'absolu, car les réponses apportées par les élèves sont souvent peu pertinentes. Par contre, mettre en perspective la problématique de la disparition de l'eau de la mer d'Aral et de celle du creux de Chameselle conduit à de véritables prises de conscience. Certes, la compréhension des faits peut déjà conduire les enfants à comprendre qu'acheter des habits faits en coton de manière respectueuse de l'environnement est déjà un premier pas. Mais, en creusant un peu, on peut aussi tenter de sortir de ce qui est déjà fait pour innover et proposer des pistes nouvelles. La créativité, l'imagination, la capacité à anticiper sont donc au rendez-vous. Par exemple, faire pousser le coton dans des endroits où il pleut plus, utiliser d'autres plantes que le coton pour fabriquer des habits. Et pourquoi pas ne faire que des habits en laine, même si ça gratte un peu ? Puisqu'on n'a pas besoin de tuer les moutons pour les tondre. Quant à notre problématique locale, tous les enfants étaient d'accord pour dire que ce n'était pas un problème, car il y a d'autres étangs dans la région et que cet étang n'était pas vraiment nécessaire. 

Notre aventure touchait à sa fin, il nous restait à partager toutes nos découvertes avec les autres classes faisant partie du projet et à les transformer en exposition. Nous avons ensuite invité tous les élèves de l'école, les parents et les élus locaux pour un vernissage. La presse a également été au rendez-vous et nous avons eu droit à un petit article dans la presse locale. Quelle belle aventure ! Pour amener les élèves à la pensée prospective, et créatrice et à la confrontation aux différents principes de la pensée complexe. Avec de plus grands élèves, nous aurions pu investiguer de manière plus large et plus approfondie. Par exemple, nous aurions pu évoquer les causes naturelles qui semblent participer à un assèchement régulier de la mer d'Aral, provoqué par la nature poreuse des roches qui pourraient absorber ou rejeter une certaine quantité d'eau suivant un cycle encore inconnu. En tout cas, ce rapide recul des eaux a déjà eu lieu à d'autres époques. Les vestiges ayant été retrouvés au fond de la mer asséchée le prouvent. Nous aurions également pu nous étendre sur les conséquences désastreuses du sel qui, une fois l'eau disparue, se fait emporter par le vent et participe ainsi à une désertification très importante. Bref, un tel sujet peut être comme la boîte de pandore. Une fois ouverte, il faut encore décider où l'on s'arrête, car les liens sont infinis.